Les États-Unis ont affirmé vendredi avoir «la preuve» que le régime syrien avait utilisé des armes chimiques contre sa population près de Damas, en poursuivant les consultations avec leurs alliés sur les frappes punitives promises par Donald Trump.

Le président américain s'est entretenu à ce sujet avec son homologue français Emmanuel Macron, et une réunion devait se tenir sous peu à la Maison-Blanche au niveau des conseillers, selon sa porte-parole Sarah Sanders.

Tout en se disant convaincus de la responsabilité du régime de Bachar al-Assad dans l'attaque qui a fait plus de 40 morts samedi à Douma, les Occidentaux ont semblé temporiser ces dernières heures face aux craintes d'une «escalade militaire totale» en Syrie, selon les termes du secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres, surtout après les menaces de riposte de la Russie.

Soutien indéfectible du régime Assad, le président russe Vladimir Poutine a mis en garde vendredi Emmanuel Macron contre tout «acte irréfléchi et dangereux» en Syrie, qui pourrait avoir des «conséquences imprévisibles».

Dans des tweets va-t-en-guerre, M. Trump avait évoqué cette semaine des tirs de missiles imminents en Syrie, mais il n'avait toujours pas pris de «décision finale» vendredi, selon l'ambassadrice des États-Unis auprès de l'ONU Nikki Haley.

Le Département d'État a toutefois assuré avoir «la preuve» de l'utilisation d'armes chimiques dans la Ghouta orientale. «Nous savons avec certitude qu'il s'agissait d'une arme chimique», a affirmé sa porte-parole Heather Nauert.

Pressée par les journalistes qui lui demandaient si on pouvait dire que les États-Unis avaient la preuve que le régime d'Assad avait mené l'attaque, elle a répondu: «Oui».

«Circonstances dangereuses»

Mme Haley s'est impatientée vendredi lors d'une réunion du Conseil de sécurité convoquée à la demande de Moscou.

«A un moment donné, vous devez faire quelque chose», a-t-elle lancé. «Vous devez dire: «c'en est assez»», a-t-elle ajouté, évoquant les nombreux veto russes à l'ONU pour enquêter sur le recours aux armes chimiques et la poursuite de l'utilisation de celles-ci par le régime syrien.

Mais M. Guterres s'est inquiété «des tensions de plus en plus vives». «L'incapacité à trouver un compromis pour établir un mécanisme d'enquête menace de conduire à une escalade militaire totale», a-t-il averti, appelant les membres du Conseil de sécurité «à agir de manière responsable dans ces circonstances dangereuses».

L'ambassadeur russe à l'ONU Vassily Nebenzia avait affirmé jeudi que la priorité était «d'éviter le danger» d'une confrontation militaire directe entre les États-Unis et la Russie, cette dernière maintenant des troupes en Syrie.

«Nous cherchons à arrêter le massacre d'innocents», avait expliqué ce jour-là le ministre américain de la Défense Jim Mattis, en évoquant devant le Congrès la perspective de frappes imminentes de la part des Américains, des Français et peut-être des Britanniques.

Toutefois, «sur un plan stratégique, la question est de savoir comment nous évitons une escalade hors de contrôle, si vous voyez ce que je veux dire», a-t-il ajouté.

Dans un contexte de relations tendues avec l'Occident par l'affaire de l'ex-espion Sergueï Skripal, empoisonné en Angleterre, l'armée russe a accusé le Royaume-Uni d'avoir participé à «la mise en scène» de l'attaque chimique présumée.

Le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov a aussi mis en garde contre une hausse de la pression migratoire sur l'Europe consécutive à d'éventuelles frappes occidentales.

«Même d'insignifiants excès provoqueront de nouvelles vagues de migrants en Europe», qui peuvent «réjouir ceux qui sont protégés par un océan», a-t-il dit, dans une référence transparente aux États-Unis.

Londres prudent

Avant de parler à M. Macron, M. Trump s'était entretenu avec la Première ministre britannique Theresa May.

Londres reste prudent sur sa participation à d'éventuelles représailles militaires, préférant s'en remettre à la «coordination d'une réponse internationale» sur une question qui divise profondément l'opinion et la classe politique du Royaume-Uni.

Jeudi, le président français était resté évasif sur le calendrier d'une éventuelle intervention militaire, tout en assurant avoir «la preuve» de l'implication du régime de Bachar al-Assad dans l'attaque.

La chancelière allemande Angela Merkel a jugé «évident» que le régime syrien disposait encore d'un arsenal chimique, tout en soulignant que Berlin ne participerait pas à des actions militaires contre Damas.

L'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques (OIAC), qui doit se réunir lundi, a annoncé que ses experts étaient en route pour la Syrie et commenceraient leur travail samedi.