Le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou a affirmé mercredi que la coalition sur laquelle repose son gouvernement était «stable», malgré la menace d'inculpation pour corruption pesant sur lui.

«Je peux vous rassurer: la coalition est stable et ni moi ni personne n'avons de projet d'élections (anticipées). Nous allons continuer à travailler ensemble pour le bien de nos citoyens israéliens jusqu'à la fin du mandat», prévue en 2019, a dit M. Nétanyahou dans un discours à Tel-Aviv.

La veille, la police avait recommandé son inculpation pour corruption, fraude et abus de confiance dans deux affaires.

Les conclusions de la police mettent en question le maintien au gouvernement de M. Nétanyahou, au pouvoir depuis bientôt 12 ans au total, et notamment l'attitude de ses partenaires de coalition. Ces derniers n'ont signalé jusqu'alors aucune intention de se désolidariser.

Le rapport de la police est «aussi plein de trous qu'un fromage suisse», a dit M. Nétanyahou.

Il s'en est durement pris à son ancien ministre des Finances Yaïr Lapid, présenté comme un témoin clé dans l'une des affaires, «alors qu'il a promis de me faire tomber à n'importe quel prix». M. Lapid apparaît dans les sondages comme un des principaux concurrents de M. Nétanyahou en cas d'élections.

Les soupçons qui pèsent sur Nétanyahou

(Jean-Luc RENAUDIE, JÉRUSALEM) - Voici, selon la police, les soupçons pesant sur le premier ministre israélien, interrogé à sept reprises depuis début 2017.

Cigares et champagne

Dans la première affaire (aussi appelée «dossier 1000»), M. Nétanyahou et des membres de sa famille sont soupçonnés d'avoir reçu des pots-de-vin de 750 000 shekels (240 000 $ US) de la part d'Arnon Milchan, un producteur israélien à Hollywood, et 250 000 shekels (72 000 $ US) de la part de James Packer, un milliardaire australien.

Ces pots-de-vin ont pris la forme de cigares, de bouteilles de champagne et de bijoux distribués entre 2007 et 2016.

La police soupçonne M. Nétanyahou d'avoir en retour promu un projet fiscal qui aurait rapporté des millions de dollars à M. Milchan. Le ministère des Finances a toutefois mis son veto à ce texte.

M. Nétanyahou serait aussi intervenu auprès de l'administration américaine pour aider M. Milchan à obtenir une prolongation de son visa aux États-Unis. La police soupçonne M. Nétanyahou d'avoir intercédé pour faciliter l'entrée de M. Milchan dans le capital de la «2», chaîne privée la plus populaire du pays.

M. Nétanyahou serait aussi intervenu illicitement en sa qualité de ministre des Communications (portefeuille qu'il détenait en plus du mandat de premier ministre) dans un dossier concernant la «10», autre chaîne privée, dont M. Milchan était actionnaire.

Il aurait soutenu la création d'une zone commerciale spéciale à la frontière entre Israël et la Jordanie au profit du milliardaire indien Ratan Tata, qui était en relation d'affaires avec M. Milchan. Le projet a finalement été abandonné.

M. Packer, qui aurait fait la connaissance de M. Nétanyahou par l'intermédiaire de M. Milchan, aurait accepté de partager avec M. Milchan la charge des cadeaux.

Mediagate

Dans la deuxième affaire («dossier 2000»), la police soupçonne M. Nétanyahou d'avoir tenté de conclure avec le propriétaire du Yediot Aharonot, Arnon Moses, pour une couverture plus favorable de la part du plus grand quotidien israélien payant, souvent accusé par M. Nétanyahou d'agir contre lui.

En échange, M. Nétanyahou aurait évoqué avec M. Moses la possibilité de faire voter une loi qui aurait limité la distribution d'Israel Hayom, un quotidien gratuit et principal concurrent du Yediot Aharonot, et interdit sa publication le week-end.

La police se fonde sur le témoignage d'Ari Harow, un ancien chef de cabinet de M. Nétanyahou qui a accepté de témoigner pour bénéficier d'un régime de clémence en cas d'inculpation.

«Dossier 3000»

Deux proches du premier ministre ont été interrogés à plusieurs reprises ces derniers mois par les policiers enquêtant sur des soupçons de corruption présumée autour de la vente par l'Allemagne à Israël de trois sous-marins militaires du géant industriel ThyssenKrupp.

M. Nétanyahou lui-même n'est pas en cause pour le moment dans ce dossier, selon la police.

... et repas fins

Le procureur général a informé en septembre l'épouse du premier ministre, Sara Nétanyahou, qu'elle risquait d'être jugée pour avoir fait passer des dizaines de milliers de dollars de repas fins aux frais du contribuable.

Mme Nétanyahou, ainsi qu'un proche collaborateur des Nétanyahou, sont soupçonnés d'avoir commandé frauduleusement des centaines de repas auprès de restaurants et de chefs pour la somme de 359 000 shekels (102 000 $ US).