Le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou a déclaré qu'il discutait depuis «quelque temps» avec l'administration Trump d'annexion des colonies de Cisjordanie occupée, ce que la Maison-Blanche a réfuté dans une rare dissonance.

Une annexion des implantations civiles israéliennes dans les territoires palestiniens occupés compliquerait encore davantage la recherche de la paix et la solution à deux États, c'est-à-dire la création d'un État palestinien coexistant avec Israël.

Cette solution, avec laquelle M. Nétanyahou a pris ses distances après l'avoir endossée, reste la référence d'une grande partie de la communauté internationale.

«Au sujet de l'application de la souveraineté israélienne (aux colonies), je peux vous dire que ça fait quelque temps que j'en parle avec les Américains», a affirmé lundi M. Nétanyahou devant les députés de son parti, le Likoud (droite), selon des propos rapportés par un porte-parole.

Appliquer la souveraineté aux colonies est considéré comme revenant à une annexion.

Plusieurs commentateurs israéliens ont vu dans les déclarations attribuées à M. Nétanyahou la première expression de soutien de sa part, et même de la part de n'importe quel chef de gouvernement israélien, à une annexion sous quelque forme que ce soit.

Un peu plus tard, un responsable israélien a tenu à nuancer les propos du premier ministre.

M. Nétanyahou «n'a pas présenté de propositions spécifiques pour l'annexion et, de toute façon, les Américains ne sont pas d'accord avec ces propositions», a assuré ce responsable sous le couvert de l'anonymat.

«Israël a tenu les États-Unis informés des différents projets soulevés (au Parlement)» et ces derniers «ont dit clairement qu'ils oeuvraient à faire avancer le plan de paix du président Trump», a-t-il poursuivi.

Josh Raffel, porte-parole de la Maison-Blanche, a effectivement nié l'existence de discussions avec Israël à ce sujet.

«Les États-Unis et Israël n'ont jamais discuté d'une telle proposition et le président reste focalisé sur son initiative de paix israélo-palestinienne».

AP

Donald Trump et Benyamin Nétanyahou à Jérusalem en mai dernier.

«Vol organisé de terres»

Les paroles attribuées à M. Nétanyahou ont immédiatement suscité l'indignation des Palestiniens.

Le numéro deux de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP), Saëb Erakat, a noté qu'en l'espace de trois mois l'administration Trump avait reconnu Jérusalem comme la capitale d'Israël, suspendu des dizaines de millions de dollars d'aide à l'agence onusienne pour les réfugiés palestiniens et qu'à présent elle encourageait «le vol organisé de terres en acceptant l'annexion».

Le porte-parole de la présidence palestinienne, Nabil Abou Roudeina, a lui averti que de telles mesures ne pouvaient que «conduire à plus de tensions et d'instabilité».

«Elles élimineront tous les efforts de la communauté internationale visant à sauver le processus politique», a-t-il ajouté.

La colonisation est illégale au regard du droit international. La communauté internationale considère également illégale l'annexion de Jérusalem-Est, dont Israël s'est emparé en 1967.

Entre la Cisjordanie et Jérusalem-Est, plus de 600 000 colons israéliens vivent une coexistence souvent conflictuelle avec près de trois millions de Palestiniens.

La colonisation rogne les terres sur lesquelles les Palestiniens aspirent à former un État et fragmente la continuité des territoires, menaçant de rendre impossible la création d'un tel État, selon ses détracteurs.

Le gouvernement Nétanyahou conteste que la colonisation fasse obstacle à la paix.

M. Nétanyahou s'est jusqu'alors retranché derrière la réprobation prévisible de Washington pour contenir les pressions de sa droite pour une annexion de territoires.

Il avait reporté dimanche le vote d'une proposition de loi élaborée par deux députés pour l'annexion des colonies de Cisjordanie. Des responsables israéliens avaient alors invoqué la nécessité de se concentrer pour le moment sur un regain de tensions avec la Syrie pour justifier le report.

AP

Saëb Erekat

Abbas à Moscou

L'administration américaine est supposée présenter à une date indéterminée un plan pour ranimer l'entreprise de paix.

Cependant, une succession de décisions américaines a ravi les Israéliens et ulcéré les Palestiniens, culminant le 6 décembre avec la reconnaissance de Jérusalem comme capitale d'Israël.

Le président palestinien Mahmoud Abbas a redit lundi à Moscou, à l'occasion d'entretiens avec le président russe Vladimir Poutine, refuser «toute coopération avec les États-Unis comme médiateur».

Il a cependant paru infléchir légèrement le ton employé récemment, en acceptant qu'en «cas de rencontre internationale», les États-Unis fassent partie des médiateurs sans être les seuls dans ce rôle.

M. Poutine a dit sa volonté de «mettre en place des approches communes», et annoncé qu'il venait de s'entretenir avec le président Donald Trump, leur premier entretien téléphonique depuis la mi-décembre.

M. Trump avait ouvertement douté dimanche dans la presse israélienne voir Israéliens et Palestiniens reprendre langue prochainement pour des discussions de paix.

Lundi au Caire, le secrétaire d'État américain Rex Tillerson a répété «l'engagement» de Washington à parvenir à un accord entre Israéliens et Palestiniens.

AP

Mahmoud Abbas a rencontré Vladimir Poutine lundi à Moscou.