Des forces séparatistes se sont emparées dimanche du siège transitoire du gouvernement yéménite à Aden, la deuxième ville du pays, après des affrontements avec l'armée loyaliste qui ont fait au moins 15 morts et des dizaines de blessés, compliquant encore davantage la recherche d'une solution.

Dans l'après-midi, le président Abd Rabbo Mansour Hadi, réfugié de longue date à Riyad, a ordonné à ses unités militaires de «cesser le feu immédiatement». Son premier ministre Ahmed ben Dagher, présent pour sa part à Aden, a demandé que toutes les forces évacuent «sans condition préalable» les positions dont elles se sont emparées dans la matinée.

Les troupes gouvernementales font face au mouvement séparatiste, resté puissant malgré la disparition du Yémen du sud comme État indépendant en 1990 (il avait alors fusionné avec le Nord).

Chassé en 2015 de la capitale Sanaa par les rebelles Houthis soutenus par l'Iran, le gouvernement du président Hadi a établi sa capitale «provisoire» à Aden, où il est soumis à une contestation croissante du mouvement sudiste.

Limogé en avril 2017 par M. Hadi, l'ancien gouverneur d'Aden, Aidarous al-Zoubaidi, a en effet annoncé le mois suivant la mise en place d'un Conseil de transition du sud, placé sous sa présidence, pour «diriger les provinces du sud et les représenter à l'intérieur et à l'extérieur» du pays.

Les tensions se sont encore aggravées il y a une semaine quand ce conseil a publié une déclaration exigeant «des changements» au sein du cabinet et donnant à M. Hadi «une semaine» pour les mettre en oeuvre, faute de quoi un grand sit-in serait organisé à Aden pour «chasser le gouvernement».

Cet ultimatum a expiré dimanche matin.

Malgré la présence de forces de la coalition sous commandement saoudien - qui intervient au Yémen depuis près de trois ans en soutien au gouvernement Hadi - les affrontements ont éclaté lorsque des unités de l'armée loyaliste ont tenté d'empêcher des séparatistes d'entrer dans la ville, selon des sources sécuritaires.

Des combats tout au long de la journée ont fait au moins 15 morts, dont trois civils, et des dizaines de blessés, selon un bilan auprès de quatre hôpitaux.

Dans un tweet, Médecins sans frontières (MSF) a indiqué qu'un de ses établissements à Aden avait reçu 50 blessés et quatre morts, dont une femme.

Parmi les victimes des affrontements figure une famille de sept personnes, dont la mère a été tuée et les autres blessées. Certaines sont «dans un état critique», a précisé l'organisation.

Sur Twitter, la représentante de l'UNICEF au Yémen, Meritxell Relano, a demandé que «les femmes et les enfants soient épargnés».

«Coup de force» 

En fin d'après-midi, des combattants séparatistes se sont rapprochés du palais présidentiel où résident des membres du gouvernement, mais aucun combat n'a été immédiatement signalé dans le secteur, selon des sources sécuritaires.

Plus tôt, le Premier ministre Ahmed ben Dagher avait dénoncé un «coup de force» séparatiste et demandé à la coalition arabe emmenée par Riyad d'intervenir pour éviter le chaos.

«Nous espérons et attendons que les Emirats arabes unis et tous les membres de la coalition (arabe intervenant au Yémen) s'occupent de cette crise qui se dirige vers une confrontation militaire totale. C'est la condition pour sauver la situation», avait-il ajouté.

Les Emirats, qui font effectivement partie de la coalition arabe, ont entraîné et soutiennent une force appelée «Ceinture de sécurité» dans le sud. Or, cette force soutient le Conseil de transition de M. Zoubaidi.

Jusqu'ici, l'Arabie saoudite a maintenu son soutien à M. Hadi.

Selon des sources sécuritaires, les militaires saoudiens et émiratis présents à Aden ne sont toutefois pas intervenus dimanche.

Dans l'après-midi, des avions de la coalition ont survolé cette ville portuaire totalement paralysée en raison de la poursuite de combats et de manifestations antigouvernementales, selon des habitants.

Ecoles, universités et magasins ont fermé dès les premières heures de la matinée, ainsi que l'aéroport.

«Déséquilibres» 

Samedi soir, à l'approche de l'expiration de l'ultimatum, la coalition arabe avait dans un communiqué appelé à la «retenue».

Elle avait souligné l'importance pour les parties yéménites de «tenir compte de leur responsabilité nationale» pour achever ensemble la «libération» du Yémen et la «défaite des miliciens Houthis iraniens».

La coalition avait précisé qu'elle suivait de près la situation et le débat «à propos de demandes pour corriger certains déséquilibres» dans la politique du gouvernement, allusion aux récentes demandes du Conseil d'Aidarous al-Zoubaidi.

Le Conseil de transition du sud a réagi à ce communiqué en confirmant «son engagement à des demandes pacifiques» et à «la lutte contre l'ennemi commun pour en finir avec le coup de force des Houthis».

Il était néanmoins impossible de savoir si cette déclaration était antérieure ou postérieure aux violences de dimanche matin.

Le camp rebelle, qui contrôle Sanaa et le nord du Yémen, a lui-même connu des divisions et des affrontements en décembre lorsque les Houthis ont tué leur allié, l'ex-président Ali Abdallah Saleh, et évincé ses forces de la capitale.

La guerre au Yémen a fait plus de 9200 morts et près de 53 000 blessés depuis mars 2015 et aucune solution n'est en vue.

Selon l'ONU, le Yémen est le théâtre de «la pire crise humanitaire du monde» avec des risques de famine à grande échelle.