« Ils cherchaient les étrangers », ont raconté des rescapés de l'attaque d'un grand hôtel de Kaboul par les talibans, qui a fait ce week-end une vingtaine de morts officiellement, plus du double selon les médias locaux.

Outre les incertitudes autour du bilan, des interrogations subsistent à propos de la protection de cet établissement réputé « sûr » et l'apparente facilité avec laquelle le commando taliban a pu pénétrer avec ses armes alors que 170 clients environ séjournaient dans l'hôtel.

Selon les derniers chiffres disponibles, le ministère de la Santé a dénombré 22 corps et celui de l'Intérieur rapporte « 19 morts dont 14 étrangers et 10 blessés, dont six militaires ». Mais deux corps supplémentaires ont été découverts lundi dans les chambres dévastées par les tirs et les incendies, d'après une source sécuritaire.

Parmi les étrangers, sept Ukrainiens et deux Vénézuéliens travaillant pour la compagnie aérienne privée Kam Air ont été tués, ainsi qu'un Kazakh et un ressortissant allemand.

« C'est une horrible tragédie : nous avons perdu cinq pilotes et quatre membres d'équipage », a confié à l'AFP le vice-président de ce transporteur privé, Farid Paykar.

La compagnie loge ses employés étrangers à l'Intercontinental, propriété de l'État afghan. Quarante d'entre eux s'y trouvaient samedi soir ; « traumatisés » ils ont été renvoyés dans leur pays.

« Décapités »

Un responsable des services de sécurité a confirmé, au vu des images des caméras de surveillance, que deux assaillants en civil sont arrivés en avance, se sont installés au restaurant et ont feint d'être des « clients normaux pour repérer les étrangers ».

Hasibullah, 20 ans, employé au restaurant, se souvient lui aussi de ces « deux hommes élégants » qui l'ont appelé pour se faire servir, avant d'ouvrir le feu au fusil d'assaut. « Ils tiraient à vue. J'ai vu beaucoup de corps au sol dans le restaurant ».

Le jeune homme s'exprimait depuis l'hôpital, blessé à la jambe en sautant du 5e étage. « Je suis tombé sur des corps qui gisaient dans leur sang, c'était horrible ».

Selon un autre rescapé, plusieurs victimes ont été décapitées par les assaillants, dont « au moins deux étrangers ».

« J'ai vu cinq personnes décapitées au poignard à l'intérieur de l'hôtel, dont deux étrangers qui suppliaient d'une voix faible », a raconté, toujours choqué, Noorullah, 24 ans, également blessé en sautant du quatrième étage.

« J'ai vu des dizaines de corps, pour moi le bilan est bien supérieur à celui donné par le gouvernement ».

Pour les témoins et observateurs, les chiffres officiels restent conservateurs étant donnée la violence de l'assaut, mené par six hommes munis de pistolets, kalachnikov et grenades douze heures durant. L'un d'entre eux au moins portait une veste explosive, selon un responsable du ministère de l'Intérieur.

La chaîne de télévision Tolo News a avancé un total de « 43 morts selon des sources crédibles ». Les autorités afghanes ont été accusées dans le passé de minimiser des bilans d'attentats, parfois grossièrement.

150 gardes « bien entraînés »

Restent de nombreuses interrogations concernant la sécurité de l'hôtel, assurée depuis le 1er janvier par une compagnie privée, KBBS, choisie par le gouvernement : le contrat avait été signé par le président Ashraf Ghani lui-même.

Plusieurs des gardes ont été arrêtés pour interrogatoire par le NDS, les renseignements afghans, puis libérés selon une source de sécurité jointe par l'AFP.

Un témoin les avait mis en cause dimanche, assurant qu'ils « avaient fui sans combattre », ce qu'a démenti cette source.

Au total 150 gardes ont été déployés sur le site. « Leurs antécédents ont été vérifiés, ils étaient bien entraînés, bien plus professionnels que les policiers qu'ils ont remplacés », affirme-t-elle.

Mais, si comme souvent les « VIP, comme les parlementaires, refusaient de se soumettre à la fouille, ils ne pouvaient les y forcer ».

Les gardes n'étaient chargés que des extérieurs de l'hôtel. Mais selon des employés, l'accès est relativement aisé par l'arrière, où un simple mur peut être escaladé.

La question d'éventuelles complicités internes qui auraient permis d'introduire des armes avant l'attaque est évidemment posée. « Ils avaient certainement des complices dans l'hôtel. Sinon comment seraient-ils passés avec les caméras de sécurité ? », s'interroge Hasibullah.

De plus, une journaliste de l'AFP qui a assisté à une conférence sur place samedi matin a constaté que les voitures n'étaient pas fouillées à l'entrée du complexe et la fouille au corps aisément contournable.

« Quels étrangers feront encore confiance à l'Afghanistan après ça ? L'Intercontinental était considéré comme un établissement sûr et bien protégé », a déploré le vice-président de Kam Air.