L'Union européenne s'est montrée déterminée lundi à préserver l'accord nucléaire iranien après sa remise en cause virulente par Donald Trump, plusieurs capitales jugeant ce compromis historique essentiel pour convaincre la Corée du Nord de venir à la table des négociations.

Le président américain, qui s'en est violemment pris au régime iranien, a refusé vendredi de «certifier» l'accord, plaidant pour son durcissement par le Congrès et menaçant d'en retirer les États-Unis si ses demandes n'étaient pas satisfaites.

Les autres grandes puissances (Russie, Chine, France, Allemagne, Royaume-Uni) signataires de ce compromis historique en 2015 ont unanimement pris sa défense.

Dans un communiqué commun, Paris, Londres et Berlin se sont dits «préoccupés» par les «implications [...] pour la sécurité des États-Unis et de leurs alliés» des mesures réclamées par le locataire de la Maison-Blanche.

«C'est un accord qui fonctionne et dont nous avons besoin pour notre sécurité», a martelé lundi matin la Haute représentante de l'UE pour les Affaires étrangères, Federica Mogherini, en arrivant à une réunion des 28 chefs de la diplomatie de l'UE à Luxembourg.

L'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), qui mène les inspections sur les sites nucléaires iraniens, «n'a jamais constaté le moindre manquement à l'accord» de la part de Téhéran, a ajouté Mme Mogherini, qui a présidé les longues négociations entre les grandes puissances et l'Iran ayant permis d'aboutir à ce compromis historique en juillet 2015.

En Europe, les déclarations belliqueuses de M. Trump donnent des sueurs froides aux chancelleries. Elles «peuvent nous conduire à revenir à une confrontation militaire» entre les États-Unis et l'Iran, s'est alarmé le chef de la diplomatie allemande Sigmar Gabriel.

Rupture

«Géographiquement, nous sommes très très près de l'Iran, beaucoup plus près que les États-Unis», a fait valoir son homologue luxembourgeois Jean Asselborn. «Nous avons besoin de ce traité qui interdit aux Iraniens d'avoir la bombe atomique, c'est notre intérêt primordial».

Le refus de M. Trump de «certifier» à nouveau le texte ouvre une période de grande incertitude, donnant au Congrès américain 60 jours pour réimposer les lourdes sanctions économiques contre Téhéran qu'il avait levées en 2016 comme le prévoyait l'accord.

«Un acte de rupture serait extrêmement dommageable», a estimé le chef de la diplomatie française Jean-Yves Drian, qui a appelé à ce que l'UE «fasse pression sur le Congrès».

Car pour les Européens, de nouvelles sanctions - qui de fait seraient contraires à l'accord - enverraient par ricochet un très mauvais message à la Corée du Nord.

Les essais de missiles balistiques de longue portée par Pyongyang ces derniers mois, et son test d'une bombe nucléaire début septembre, ont provoqué de graves tensions avec les États-Unis, et fait naître le spectre d'une nouvelle guerre nucléaire, une menace qu'on croyait oubliée depuis la fin de la Guerre froide.

«Si on ne respecte plus cet engagement, comment voulez vous qu'on persuade la Corée du Nord de se mettre autour d'une table» pour négocier une dénucléarisation de la péninsule coréenne, a demandé M. Asselborn.

«Crédibilité»

«Quand on pense aux tentatives de trouver une solution négociée avec la Corée du Nord, notre préoccupation est que la menace de mettre fin à l'accord avec l'Iran sape la crédibilité de tels traités internationaux», a abondé M. Gabriel.

Mais les Européens veulent aussi afficher leur fermeté face à Pyongyang en adoptant de nouvelles sanctions contre la Corée du Nord. Ces mesures vont au-delà des sanctions adoptées en septembre par le Conseil de sécurité de l'ONU en riposte à son nouvel essai d'une bombe atomique.

Elles prévoient une interdiction des exportations de pétrole et de tous les investissements en Corée du Nord pour les entreprises de l'UE, ainsi qu'une réduction des mandats d'argent liquide pouvant être envoyés au pays depuis l'UE (à 5000 euros, contre 15 000 actuellement), a expliqué le ministre britannique des Affaires étrangères Boris Johnson.

La «liste noire» de l'UE sera rallongée, avec l'ajout de trois personnalités nord-coréennes et de six «entités» (entreprises ou institutions) dont les avoirs sont gelés, selon une source européenne.