Le premier ministre irakien Haider al-Abadi a démenti jeudi des préparatifs en vue d'une attaque contre des positions kurdes, information qui avait poussé les forces kurdes à couper préventivement des routes.

La déclaration de M. Abadi s'inscrit dans la guerre des nerfs entre Bagdad et la région autonome du Kurdistan dans le nord de l'Irak, après le référendum d'indépendance du 25 septembre largement remporté par le «oui».

Mercredi soir, les autorités kurdes avaient fait état de préparatifs des forces irakiennes, disant craindre un assaut contre des régions disputées (entre Bagdad et Erbil) dans les provinces de Kirkouk et de Mossoul.

«Nous n'allons pas utiliser notre armée pour combattre notre peuple ou mener une guerre contre nos citoyens kurdes ou autres», a martelé jeudi le chef du gouvernement irakien.

«Notre devoir est de maintenir l'unité du pays, d'appliquer la Constitution, et de protéger les citoyens et les forces nationales», a-t-il ajouté lors d'une réunion dans la province d'Al-Anbar (ouest), où les forces fédérales cherchent à déloger à la frontière avec la Syrie le groupe djihadiste État islamique (EI) de sa dernière poche.

«Un seul ennemi: Daech»

Plus tôt, un haut responsable militaire kurde à Erbil avait indiqué que «les deux routes principales reliant Erbil et Dohouk (au Kurdistan) à Mossoul ont été rouvertes à la population et la situation est redevenue normale», en référence à la deuxième ville du pays, reprise en juillet à l'EI par les forces irakiennes.

Cette fermeture des routes, annoncée un peu plus tôt, «était motivée par la crainte d'une potentielle attaque des forces irakiennes sur les zones disputées», avait-il ajouté.

Le Conseil de sécurité du gouvernement autonome du Kurdistan (KRG) avait fait état mercredi soir «de dangereux messages selon lesquels les (groupes paramilitaires du) Hachd al-Chaabi et la police fédérale préparent une attaque majeure (...) contre le Kurdistan».

Ces préparatifs ont été également démentis jeudi par le porte-parole du Commandement conjoint des opérations (JOC) --qui regroupe toutes les forces irakiennes sur le terrain--, et celui de la coalition internationale, lors d'une conférence de presse commune au ministère de la Défense.

«Notre mission est claire: nous combattons un seul ennemi, Daech (acronyme arabe de l'EI). Tout ce qui intéresse les Irakiens (...) c'est de libérer notre pays», a fait valoir le général irakien Yehya Rassoul.

«Nous n'oublions pas le rôle joué par les peshmergas» (les combattants kurdes, NDLR) dans la lutte contre l'EI, a-t-il relevé.

Le colonel américain Ryan Dillon, porte-parole de la coalition internationale, a tenu un discours similaire.

Interrogé sur des préparatifs d'assaut de forces irakiennes, il a répondu: «Primo, nous n'en avons pas vus et, secundo, notre mission est claire, c'est de défaire Daech», a-t-il commenté, disant que les efforts se concentraient actuellement sur Rawa et al-Qaïm, des villes près de la frontière syrienne aux mains des jihadistes.

Frapper au portefeuille

Les relations entre Bagdad et Erbil se sont dégradées après le référendum du 25 septembre organisé à l'initiative du président Massoud Barzani.

Dès la victoire du «oui», Bagdad avait riposté en faisant interrompre les liaisons aériennes entre le Kurdistan et l'étranger.

Mercredi, un tribunal de Bagdad a ordonné l'arrestation des organisateurs de ce scrutin à la demande du gouvernement irakien, une décision qui ne pourra toutefois être appliquée que si ces responsables sortent du Kurdistan.

Lundi, le Conseil de la sécurité nationale, présidé par Haider al-Abadi, avait annoncé une série de mesures visant à frapper au portefeuille la région autonome, déjà minée par la plus grave crise financière de son histoire.

Le gouvernement irakien a également réclamé de reprendre la main sur les revenus pétroliers et le juteux commerce des entreprises de téléphonie mobile. Bagdad a par ailleurs annoncé la remise en état urgente d'un oléoduc reliant les champs de pétrole de Kirkouk, qu'Erbil lui dispute, au port truc de Ceyhan.

Cet oléoduc vise à court-circuiter celui établi en parallèle en 2013 par les Kurdes. L'exportation du pétrole sous contrôle kurde atteint en moyenne 550 000 b/j, dont la moitié est extraite des champs de Kirkouk, et constitue une importante source de revenus pour le Kurdistan irakien.