L'épouse du premier ministre israélien risque d'être jugée pour avoir fait passer des dizaines de milliers de dollars de repas fins aux frais du contribuable, ajoutant aux ennuis de Benyamin Néthanyahou, pourtant étranger à cette affaire.

Le procureur général Avichai Mandelblit a informé l'avocat de Sara Nétanyahou «qu'il envisageait de la faire traduire en justice dans l'affaire des commandes de repas», a indiqué vendredi le ministère de la Justice dans un communiqué.

Si Mme Nétanyahou, figure ronde et blonde omniprésente et réputée influente, était effectivement renvoyée devant les juges, il s'agirait de la première inculpation dans les différents dossiers touchant le premier ministre ou des membres de son entourage.

Ces dossiers alimentent la chronique depuis des mois, suscitant les interrogations sur l'avenir de M. Nétanyahou, sur sa faculté à se tirer à nouveau d'affaire grâce à son instinct de survie politique, et sur les retombées des investigations sur la conduite du pays, vis-à-vis des Palestiniens par exemple.

Le procureur général laisse cependant la possibilité à Mme Nétanyahou de contester auprès de lui son renvoi devant les juges, «avant qu'il ne prenne sa décision finale», précise le ministère.

«Courageuse et honnête»

Mme Nétanyahou, ainsi qu'un proche collaborateur des Nétanyahou, sont soupçonnés d'avoir commandé «frauduleusement» des centaines de repas auprès de restaurants et de chefs pour la somme de 359 000 shekels (102 000 dollars), dit le ministère.

Les détracteurs des Nétanyahou font depuis des mois des gorges chaudes des affaires de la résidence du premier ministre, où il a été question non seulement de plats de traiteurs, mais aussi de meubles de jardins et de détournement du revenu de bouteilles consignées.

Les médias ont suivi avec avidité la bataille devant les tribunaux entre Mme Nétanyahou et un ancien homme de confiance de la résidence, Meni Naftali, accusant l'épouse du premier ministre de comportement tyrannique.

M. Naftali est désigné par les Nétanyahou comme le responsable de tous leurs maux.

Le procureur, accusé par les adversaires du premier ministre de faire traîner les procédures, semble avoir renoncé à poursuivre Mme Nétanyahou sur deux points: l'achat présumé de meubles de jardin officiellement destinés à la résidence, mais transférés dans la villa privée des Nétanyahou; et le recrutement, sur les fonds publics, d'un aide-soignant pour le père âgé de Mme Nétanyahou.

M. Nétanyahou, lui-même, est visé directement par deux affaires, mais pas par celles de la résidence. Dès jeudi soir, quand les intentions du procureur général ont fuité, il a pris les devants sur Facebook au nom de sa famille.

Il qualifie les soupçons «d'absurdes», impute l'augmentation des frais de bouche au «délinquant et menteur patenté» Meni Naftali, et présente son épouse comme une «femme courageuse et honnête qui n'a jamais rien fait de mal».

«Putsch» de la presse

«Qu'on se préoccupe de manière obsessionnelle de ce que mangent le premier ministre et sa famille alors qu'il travaille sans relâche pour le pays et sa sécurité est consternant», dit-il.

M. Nétanyahou est lui-même concerné par deux enquêtes touchant l'une à des cadeaux qu'il aurait indûment reçus de riches personnalités, l'autre à un accord secret qu'il aurait tenté de conclure avec un quotidien populaire pour une couverture favorable.

Il a été interrogé à plusieurs reprises par les policiers, sans être mis en cause.

Le nom de son avocat personnel et d'un ancien chef de bureau apparaissent par ailleurs dans une affaire de corruption présumée liée à l'achat de trois sous-marins allemands. Plusieurs personnes ont été arrêtées ces derniers jours dans cette affaire. M. Nétanyahou lui-même n'est pas en cause.

M. Nétanyahou, 67 ans, ne cesse de dire qu'il «ne se passera rien parce qu'il ne s'est rien passé».

Sans rival apparent, il a dépassé les onze ans de pouvoir au total et pourrait battre le record de longévité d'un premier ministre israélien.

Les commentateurs notent combien la pression pèse sur la conduite du gouvernement, forçant M. Nétanyahou à concéder à sa droite et à refuser au contraire de concéder quoi que ce soit aux Palestiniens par exemple.

M. Nétanyahou tentait le 9 août de renverser cette pression à son avantage en réunissant les membres de son parti pour dénoncer une tentative de «putsch» de la gauche et de la presse.