Benyamin Nétanyahou est vivement critiqué pour la lenteur et la teneur de sa réaction aux évènements de Charlottesville alors que le premier ministre d'Israël devrait pour beaucoup prendre la tête de la dénonciation des manifestations néonazies et antisémites.

M. Nétanyahou dénonce régulièrement l'antisémitisme dans d'autres pays.

Mais il pourrait avoir cherché à ménager le président américain Donald Trump, dont l'accession à la Maison-Blanche a été saluée par une bonne partie de la droite israélienne comme le début d'une nouvelle ère après des années de crispations avec Barack Obama, estiment des analystes.

Les États-Unis sont le plus important allié d'Israël, lui versant plus de trois milliards de dollars d'aide militaire annuelle et lui apportant un soutien diplomatique capital.

Face aux évènements de Charlottesville (Virginie) qui se sont achevés dans le sang, M. Nétanyahou s'en est tenu à un tweet que beaucoup ont jugé tardif et vague.

« Scandalisé par les expressions d'antisémitisme, de néonazisme et de racisme. Chacun doit faire barrage à cette haine », a-t-il tweeté mardi.

Un message de son fils Yaïr Netanyahu sur Facebook a également fait des vagues.

Il a dénoncé la « racaille néonazie », mais a relevé qu'elle était « en voie de disparition ». Il a semblé laisser entendre en revanche que les contre-manifestants de gauche « qui haïssent mon pays » constituent une menace croissante.

Les critiques contre M. Nétanyahou se sont accentuées quand M. Trump a affirmé mardi qu'il y avait des torts « des deux côtés ».

Shelly Yachimovich, ancienne dirigeante du parti travailliste (opposition), a interpellé M. Nétanyahou.

« Vous, le premier ministre du peuple juif dans son pays, vous qui lancez constamment des mises en garde contre un Holocauste, en jouant à l'excès de la peur tout en proclamant avec grandiloquence: «plus jamais cela», qu'en est-il de vous? », a-t-elle écrit sur son compte Facebook.

« Une marche antisémite à Charlottesville avec les oripeaux du Troisième Reich, c'est trop futile pour vous ? », s'est-elle indignée.

« Choisir ses batailles »

L'ancien premier ministre travailliste Ehud Barak a pour sa part affirmé qu'un « dirigeant israélien aurait dû proclamer dans les six heures notre position en tant que juifs, Israéliens et frères de la grande commununauté juive américaine, y compris celle de Charlottesville qui vit sous la menace ».

Les journaux ont consacré jeudi leur une aux déclarations de M. Trump. Le Yedioth Ahronoth, le quotidien le plus vendu, titrait sa une d'un seul mot, « Honte », sur la photo du président américain.

En revanche, le quotidien gratuit Israel Hayom, réputé soutenir M. Nétanyahou, a relégué le sujet en page 24 sous forme d'un court article.

Un porte-parole du premier ministre a refusé jeudi de réagir.

Un officiel israélien avait assuré mardi sous le couvert de l'anonymat que le tweet du premier ministre était « sans équivoque et (exprimait) la répulsion que lui ont inspirée les scènes d'intolérance dont le monde a été témoin ».

Mais, dit Gideon Rahat, du think tank Institut pour la Démocratie en Israël, on aurait pu attendre du gouvernement qu'il proclame qu'Israël a été créé pour offrir refuge aux juifs, comme M. Nétanyahou l'a déjà fait par le passé face à des violences antisémites dans d'autres pays.

« Mais, poursuit-il, pour Nétanyahou, la préoccupation, ce sont les relations avec Trump ».

Pour Abraham Diskin, professeur émérite de sciences politiques à l'Université hébraïque de Jérusalem, M. Nétanyahou n'avait d'autre choix que de se montrer « prudent ».

« Vous devez choisir les batailles que vous pouvez mener », dit-il.

« Vous ne pouvez pas vous battre pour tout. Vous ne pouvez pas affronter quelqu'un d'aussi important pour Israël (que M. Trump) sur des questions comme celles-là », dit-il.