Le président iranien Hassan Rohani prête samedi serment devant le Parlement, en présence de plusieurs dirigeants étrangers, avant de présenter son gouvernement dont la composition a d'ores et déjà été critiquée par ses alliés réformateurs.

Religieux modéré de 68 ans, M. Rohani a officiellement commencé son second mandat jeudi après la « validation » de son élection par le guide suprême, l'ayatollah Ali Khamenei.

Téhéran a invité à la cérémonie au Parlement des responsables étrangers, notamment Federica Mogherini, la chef de la diplomatie de l'Union européenne (UE). Contrairement aux États-Unis qui accentuent la pression pour isoler l'Iran, les Européens souhaitent développer leurs relations avec ce pays de 80 millions d'habitants.

Parmi les autres invités figure le président zimbabwéen Robert Mugabe.

L'émir du Qatar, qui avait assisté à la cérémonie en 2013, n'a pas fait le déplacement alors que son pays est en crise ouverte avec l'Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, Bahreïn et l'Égypte, qui lui reprochent notamment ses relations avec Téhéran.

Pas de femmes ministres ?

Pour les Iraniens, la vraie question est aujourd'hui la composition du gouvernement.

M. Rohani est critiqué depuis plusieurs jours, des responsables affirmant qu'il aurait finalement renoncé à nommer des femmes ministres et accordé très peu de place aux réformateurs qui l'ont soutenu dans la campagne. Le cabinet sortant comprenait trois vice-présidentes.

« Les réformateurs ont permis l'élection de Rohani en 2013 et en 2017 [...], il doit écouter ceux qui l'ont soutenu », a déclaré Rassoul Montajabnia, vice-président du parti réformateur Confiance nationale, selon le quotidien Arman.

Lors des deux scrutins, les candidats réformateurs se sont retirés pour soutenir M. Rohani, élu les deux fois avec la promesse de normaliser les relations avec l'Occident et de renforcer les libertés culturelles, sociales et politiques.

« Rohani a créé une grande attente avec ses promesses lors de la campagne électorale et aujourd'hui il apparaît en retrait », a déclaré à l'AFP Ali Shakourirad, chef du parti réformateur Unité du peuple.

En renonçant à présenter des femmes à des postes ministériels, il a voulu « éviter les problèmes avec les dignitaires religieux » et « éviter les difficultés éventuelles » alors qu'il commence son second mandat, affirme-t-il.

Le président n'a pas encore dévoilé la liste de son gouvernement. Il a deux semaines pour le faire à compter de ce jour et devra obtenir un vote de confiance du Parlement.

Consultations

Le ministre des Affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif, et celui du Pétrole, Bijan Namdar Zanganeh, doivent rester en place, selon plusieurs sources.

« Rohani devrait facilement avoir la confiance du Parlement pour ses ministres. Il a consulté tous azimuts les dirigeants du pays, et je ne pense pas qu'on verra des changements fondamentaux dans la politique économique et sociale », a déclaré à l'AFP Henry Smith, spécialiste de l'Iran au groupe de consultants Control Risks.

Ces dernières semaines, Hassan Rohani a été confronté à l'arrestation de son frère, Hossein Fereydoun, par la justice, contrôlée par les conservateurs, qui l'accuse de corruption. M. Fereydoun a dû payer une caution de 7,6 millions d'euros pour être libéré.

M. Rohani a aussi mis un terme à la guerre des mots avec les Gardiens de la révolution, l'armée d'élite du pays, après avoir critiqué leur rôle dans l'économie.

« Rohani n'a pas intérêt à pousser les Gardiens de la révolution hors du secteur économique. Il veut juste créer un espace pour attirer des investissements étrangers et les nouvelles technologies dont le pays a besoin », ajoute M. Smith.

L'accord nucléaire avec les grandes puissances conclu en juillet 2015 a permis le retour des grandes compagnies internationales notamment avec le récent accord avec la société pétrolière française Total et le groupe chinois CNPC dans le domaine du gaz.

Mais les sanctions américaines, notamment contre les Gardiens de la révolution, et l'hostilité grandissante du président Donald Trump compliquent la tâche du président Rohani qui a besoin de milliards de dollars d'investissements étrangers pour relancer l'économie et résorber le chômage qui atteint 12,7 % de la population active.

« Le problème est que l'Iran sent le besoin de répondre aux actions des États-Unis, ce qui donne des arguments aux Américains » pour augmenter la pression contre Téhéran, affirme M. Smith.