Accusé de soutenir le terrorisme et mis au ban diplomatique par l'Arabie saoudite et plusieurs de ses alliés, le Qatar a appelé mardi à «un dialogue ouvert et honnête» pour sortir de cette crise.

Dans un discours diffusé par la chaîne de télévision qatarie Al Jazeera, le chef de la diplomatie de l'émirat, Mohammed bin Abdul Rahman, a assuré qu'il n'y aura pas «d'escalade» de la part du Qatar, allié de longue date des États-Unis, comme l'Arabie saoudite.

«Notre relation avec les États-Unis est stratégique», a-t-il insisté : «Il y a des choses sur lesquelles nous ne sommes pas d'accord, mais les secteurs dans lesquels nous coopérons sont plus nombreux que ceux dans lesquels nous divergeons».

Le Qatar héberge notamment la plus grande base aérienne américaine dans la région, forte de 10 000 hommes, et siège du commandement militaire américain chargé du Moyen-Orient. Al-Udeid est cruciale pour le combat de la coalition internationale contre le groupe État islamique en Syrie et Irak.

Désormais sur la touche dans la région, l'émirat a vu lundi matin l'Arabie saoudite, Bahreïn, les Émirats arabes unis, le Yémen, l'Égypte et les Maldives rompre toute relation diplomatique avec lui.

Se sont ajoutées des mesures économiques comme la fermeture de toutes les frontières terrestres et maritimes entre ces pays et le Qatar, ainsi que des interdictions de survol aux compagnies aériennes qataries ou des restrictions aux déplacements des personnes.

L'Iran au coeur de la crise

Doha, par ailleurs exclu de la coalition militaire arabe contre les rebelles pro-iraniens au Yémen, semblait donc jouer la carte de l'apaisement mardi.

Riche pays gazier à la politique étrangère controversée, l'émirat avait au départ réagi avec colère, accusant ses voisins de vouloir le mettre «sous tutelle» et de l'étouffer économiquement.

L'émir du Koweït, seul membre du Conseil de coopération du Golfe (CCG) avec Oman à ne pas avoir rejoint ce mouvement de rupture, avait reçu lundi un émissaire du roi saoudien Salmane avant d'appeler l'émir du Qatar pour l'«exhorter à la retenue».

Abdul Rahman a précisé mardi que l'émir du Koweït, Sheikh al-Sabah, avait notamment demandé à son homologue qatari, sheikh Tamim ben Hamad Al-Thani, de repousser son discours prévu le même jour.

Alliée à la fois de Ryad et de Doha, Washington avait invité les pays du Golfe à rester «unis» lundi.

Les chefs de la diplomatie iranienne Mohammad Javad Zarif et russe Sergueï Lavrov se sont entretenus séparément avec leur homologue qatari. Les présidents turc Recep Tayyip Erdogan et russe Vladimir Poutine ont aussi appelé «à des solutions de compromis».

La semaine dernière, le Qatar s'était dit victime de «pirates informatiques» ayant publié sur le site de son agence officielle QNA de faux propos attribués à l'émir Tamim.

Ces déclarations, considérées comme authentiques par Ryad et Abou Dhabi, rompaient avec le consensus régional sur des sujets sensibles, et notamment l'Iran, vu comme un allié stratégique par Doha mais considéré par les Saoudiens comme «le fer de lance du terrorisme».

L'Iran chiite est le grand rival régional de l'Arabie saoudite sunnite et leurs relations diplomatiques sont rompues depuis 2016.

Cette crise intervient deux semaines après la visite du président américain Donald Trump à Ryad où il avait exhorté Arabes et musulmans à se dresser contre les groupes extrémistes et fustigé l'Iran.

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Un avion de Qatar Airways survole la ville de Doha.

«C'est la panique»

Les conséquences économiques pourraient être grandes pour le Qatar. L'Égypte et six compagnies aériennes du Golfe ont suspendu leurs vols sur Doha. Et la compagnie Qatar Airways devra rallonger ses nombreuses routes vers l'Europe et les Amériques, ne pouvant plus utiliser l'espace aérien saoudien.

La fermeture du seul accès terrestre au Qatar, via l'Arabie saoudite, affectera lui les importations de biens de consommation.

Affolés par ce blocus de facto saoudien, des habitants de Doha ont pris d'assaut les supermarchés lundi, et le lait, le riz ou le poulet ont rapidement disparu des rayons. «C'est la panique», a témoigné Ernest, un Libanais, poussant deux chariots pleins à craquer.

Le gouvernement qatari a affirmé qu'il prendrait «toutes les mesures nécessaires pour mettre en échec les tentatives de nuire à (sa) population et (son) économie».

La Bourse de Doha a aussi accusé le coup, clôturant en baisse de 7,58% lundi soir.

Cette crise est la plus grave depuis la naissance en 1981 du CCG, qui réunit l'Arabie saoudite, Bahreïn, les Émirats arabes unis, le Koweït, Oman et le Qatar.

Le Qatar a toujours poursuivi sa propre politique régionale, affirmant son influence par le sport - il accueillera le Mondial 2022 de soccer - et les médias, avec la chaîne de télévision Al Jazeera dont les bureaux à Ryad ont été fermés lundi.

Mais il est accusé par ses détracteurs de soutenir les réseaux djihadistes Al-Qaïda et le groupe État islamique (EI), ainsi que les Frères musulmans, classés «terroristes» par certains pays arabes.

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L'émir du Qatar, Tamim ben Hamad Al-Thani.