Le père du soldat israélien Elor Azaria, accusé d'avoir achevé un assaillant palestinien blessé, a imploré mardi à Tel-Aviv la clémence du tribunal militaire qui juge son fils, lors d'un procès qui déchaîne les passions.

Défense et accusation sont entrées dans le débat sur la peine que devrait prononcer le tribunal au cours d'une audience ultérieure.

Les avocats du sergent de 20 ans ont fait déposer son père, son ancienne maîtresse d'école, et surtout plusieurs de ses officiers et camarades qui ont dressé de lui un tableau très éloigné du soldat exécutant froidement un Palestinien.

Après plusieurs mois d'un procès exceptionnel, Elor Azaria, qui a aussi la nationalité française, a été reconnu coupable d'homicide volontaire le 4 janvier.

Premier soldat israélien condamné pour homicide volontaire depuis 2005 selon la presse, il encourt vingt ans de prison. Les réquisitions de l'accusation, initialement attendues mardi, risquaient d'être reportées à une autre date.

Le soldat, membre d'une unité paramédicale, avait été filmé le 24 mars 2016 par un militant propalestinien alors qu'il tirait une balle dans la tête d'Abdel Fattah al-Sharif à Hébron, en Cisjordanie occupée.

Le Palestinien venait d'attaquer des soldats au couteau. Atteint par balles, il gisait au sol, apparemment hors d'état de nuire.

Le père d'Elor Azaria, Charlie, a décrit les mois de procès et d'attention publique comme une épreuve très difficile.

«Cette punition de 10 mois, cela suffit. Cela fait 10 mois que nous ne vivons plus, nous souffrons. Après tout ce que j'ai donné au pays, c'est de l'abus physique et psychologique», a dit, en sanglots, celui qui est venu vivre en Israël en 1975 et qui a servi 33 ans dans la police.

Charlie Azaria, une ancienne enseignante du soldat, des officiers et camarades ont parlé d'un garçon respectueux, attentif aux autres, constamment prêt à aider et ayant toujours rêvé d'unité combattante.

«Dans les opérations les plus dures, on le choisissait lui, le meilleur paramédic» de l'unité», a témoigné un de ses anciens officiers sous couvert de l'anonymat.

Elor Azaria pourrait avoir craqué sous la pression, ont signifié les témoins. Les Territoires palestiniens, Jérusalem et Israël étaient alors en proie à des violences quasi-quotidiennes.

Un effet Azaria?

Cela «aurait pu arriver à n'importe lequel d'entre nous», a dit en pleurs Ori Elon, un soldat de son unité, «soyez indulgents. Au bout du compte, on est des soldats, on s'occupe des autres, on est confronté à des situations difficiles».

À l'extérieur du tribunal, une cinquantaine de sympathisants, tenus à distance par des policiers, ont rappelé combien l'affaire divise l'opinion, entre ceux qui défendent le procès au nom du respect nécessaire de valeurs éthiques par l'armée et ceux qui invoquent le soutien dû aux soldats confrontés aux attaques palestiniennes.

«Voilà un soldat qui a tué un terroriste pour nous protéger», a dit l'un des leaders du rassemblement, Ran Buzaglo, auprès d'une banderole proclamant: «Le peuple soutient et salue le soldat et héros Elor Azaria».

Elor Azaria a plaidé non coupable. Il pensait que le Palestinien dissimulait sous ses vêtements une ceinture d'explosifs, ont expliqué ses avocats. Mais la cour a jugé le 4 janvier qu'Abdel Fattah al-Sharif avait été tué «inutilement».

Dans pays où l'armée est réputée comme un facteur d'unité face aux menaces extérieures, les messages haineux s'étaient multipliés sur les réseaux sociaux contre les juges militaires.

Le jugement a aussi suscité une multiplication d'appels à gracier le soldat de la part de personnalités politiques, à commencer par le premier ministre Benyamin Nétanyahou.

L'affaire a mis à l'épreuve l'incontournable institution qu'est l'armée, dont l'état-major, bravant la réprobation d'une grande partie de la droite dominante, a poussé à ce qu'Elor Azaria soit jugé.

Les conséquences se sont fait sentir après l'attentat au cours duquel un Palestinien a lancé son camion contre des soldats israéliens et tué quatre d'entre eux, le 8 janvier à Jérusalem.

L'armée a alors dû s'employer à faire taire une bruyante campagne selon laquelle les soldats avaient été victimes d'un «effet Azaria» et avaient tardé à tirer sur le Palestinien de peur de se retrouver dans la situation du sergent.

AP

Elor Azaria