Les autorités doivent laisser les Saoudiennes conduire et réformer la législation faisant des hommes les tuteurs des femmes, a recommandé jeudi un expert de l'ONU en visite à Ryad.

Cet expert, Philip Alston, a fait ces recommandations lors d'une conférence de presse à l'issue d'une mission de 12 jours pendant laquelle il a rencontré des responsables, des Saoudiens de condition modeste, des membres de la société civile et du monde religieux.

«Je crains que le gouvernement suive en fait (l'avis) d'une petite partie de voix conservatrices», a-t-il déclaré.

Ceci entrave le progrès économique et social que la riche monarchie saoudienne ambitionne de réaliser à travers un vaste plan de réformes annoncé l'année dernière, a souligné en substance cet expert spécialisé dans l'extrême pauvreté et les droits de l'Homme.

«Je crois fermement que le royaume devrait permettre aux femmes de conduire», a ajouté cet expert indépendant qui rend compte au Conseil des droits de l'Homme de l'ONU.

Il a souligné que le système de tutelle entravant la capacité des femmes de travailler et de voyager devait «être réformé».

Sous ce système, la femme saoudienne a besoin de l'autorisation de son garde masculin (le père, le mari, le frère ou autre) notamment pour pouvoir travailler ou voyager.

Des responsables saoudiens ont affirmé que la société n'était pas encore prête à ce que les femmes se mettent à conduire, mais M. Alston a indiqué qu'il revenait de jouer un rôle plus actif.

«Le rôle du gouvernement est de déterminer comment il peut changer de politique et comment il peut changer les attitudes», a-t-il dit en appelant à une campagne de sensibilisation.

M. Alston, un expert juridique australien, a estimé que l'interdiction de conduire et le système de tutelle contribuent à l'appauvrissement des Saoudiennes.

Il a cité l'exemple de femmes mal rémunérées qui ne peuvent pas s'offrir de chauffeur pour se déplacer.

«Ambivalence» sur les droits de l'Homme

À Jizane, région du sud-ouest la plus pauvre d'Arabie saoudite, M. Alston a dit avoir trouvé des conditions sociales qui «peuvent choquer tout Saoudien».

La plupart de ceux qui y vivent «dans des conditions extrêmement mauvaises» sont des Yéménites, arrivés il y a quelque 50 ans et - comme les autres étrangers - n'ont pas la nationalité saoudienne.

«Il doit y avoir un plan pour s'attaquer systématiquement à leur situation», a dit l'expert international, ajoutant toutefois que la plupart des personnes rencontrées en Arabie saoudite ne savent pas que la pauvreté existe dans ce pays, premier explorateur mondial de pétrole.

Il a indiqué que, bien que le gouvernement a été très coopératif lors de sa visite, il n'a reçu aucune donnée sur le nombre de personnes considérées comme pauvres.

Il a appelé les autorités à «libéraliser» leur approche des réseaux sociaux, disant avoir reçu des informations sur des cas où leurs utilisateurs ont été sanctionnés.

«Je pense que le royaume a longtemps eu une relation ambivalente avec (la question) des droits de l'Homme», mais la Vision 2030  offre l'occasion pour que cette question figure parmi les sujets «clefs» sur lesquels le pays a commencé à progresser, a-t-il dit.

Dans le cadre de sa réforme économique, le royaume réduit les subventions sur les carburants et l'électricité, une mesure accompagnée de compensations pour les nécessiteux.

Mais M. Alston a indiqué dans un communiqué qu'il n'existait pas dans le royaume de «plan cohérent ou complet pour parvenir à une protection sociale pour tous ceux qui en ont besoin».