Le secrétaire d'État américain John Kerry a défendu mercredi la solution à deux États, «seule voie possible» pour la paix entre Israéliens et Palestiniens et la démocratie dans l'État hébreu, une vision aussitôt dénoncée comme «biaisée» par le premier ministre israélien.

Quelques minutes seulement après le discours de M. Kerry, le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou a sèchement dénoncé un discours «biaisé contre Israël».

«Pendant plus d'une heure, M. Kerry s'en est pris obstinément aux colonies et a très peu évoqué la racine du conflit - l'opposition palestinienne à un État juif quelles que soient ses frontières», a-t-il dit.

Les relations entre les États-Unis et Israël se sont à nouveau tendues depuis un vote vendredi à l'ONU condamnant les colonies israéliennes.

Dans l'attente du discours du chef de la diplomatie américaine, M. Nétanyahou avait pourtant fait reporter mercredi un vote sur des permis de construire dans des quartiers de colonisation à Jérusalem-Est.

Mais la mairie de Jérusalem a dans le même temps approuvé une construction destinée à des colons.

La solution à deux États est «en grave danger», a prévenu M. Kerry, qui doit quitter ses fonctions le 20 janvier, dans un grand discours exposant la vision de l'administration du président sortant Barack Obama sur le Proche-Orient.

«Menace» des colonies sur la paix

L'adoption d'une résolution à l'ONU vendredi condamnant les colonies israéliennes, sur laquelle les États-Unis n'ont pas opposé de veto - une première depuis 1979 - et qui a provoqué la colère de l'État hébreu, «visait à préserver la solution à deux Etats», a expliqué M. Kerry.

Mais «si le choix est celui d'un seul État, Israël peut être soit Juif soit démocratique - il ne peut pas être les deux - et il ne sera jamais vraiment en paix», a noté M. Kerry.

Car «comment Israël peut-il concilier son occupation perpétuelle avec ses idéaux démocratiques ?», a fait valoir le secrétaire d'État. «Quiconque réfléchissant sérieusement à la paix ne peut ignorer la réalité de la menace des colonies sur la paix», a-t-il ajouté.

Selon le dirigeant américain, ces deux États devraient suivre le tracé des frontières de 1967 - avant la guerre des Six jours -, en procédant à «des échanges de territoires équivalents» issus d'un consentement mutuel.

Israël serait alors reconnu comme un «État juif» et Jérusalem comme capitale des deux États, a indiqué M. Kerry.

Le chef de la diplomatie américaine a accusé Israël de mener «un projet exhaustif pour s'approprier des terres en Cisjordanie qui empêche toute implantation des Palestiniens là-bas». La politique des colons «est en train de décider de l'avenir d'Israël. Leur objectif déclaré est clair: ils croient en un seul État, le grand Israël», a-t-il dénoncé.

Constructions à Jérusalem-Est

M. Kerry entendait laisser sa marque sur un processus de paix qu'il a beaucoup porté, mais qui est actuellement moribond.

Outre la colère de l'État hébreu sur le vote à l'ONU, M. Kerry doit défendre une politique que le futur président américain Donald Trump ne va pas forcément suivre.

Le milliardaire a nommé récemment un ambassadeur en Israël David Friedman, qui entend déménager l'ambassade des États-Unis «dans la capitale éternelle d'Israël, Jérusalem», un geste qui pourrait sonner le glas des efforts de l'Amérique pour la paix.

Juste avant le discours de M. Kerry, M. Trump avait apporté son soutien à l'État hébreu, traité selon lui «avec un total mépris».

Les Israéliens «étaient habitués à avoir un grand ami aux États-Unis, mais ce n'est plus le cas. Le début de la fin a été cet horrible accord avec l'Iran (sur la politique nucléaire, NDLR), et maintenant (l'ONU)! Reste fort Israël, le 20 janvier est très proche!».

M. Nétanyahou l'a remercié sur son compte Twitter «pour sa chaleureuse amitié» et son «soutien sans faille envers Israël».

La mairie de Jérusalem a donné mercredi son feu vert pour une construction destinée à des colons dans le quartier palestinien de Silwan à Jérusalem-est, occupée et annexée par Israël, a indiqué Ir Amim, une ONG israélienne anti-colonisation.

Silwan, situé en contrebas des murailles de la Vieille ville, est le théâtre de tensions permanentes entre plusieurs centaines de colons et 55 000 Palestiniens qui y résident.

Selon Ir Amim, la demande pour le permis de construire a été présentée par des membres d'Ateret Cohanim, une organisation religieuse ultra-nationaliste qui s'est fixé comme objectif d'étendre la colonisation à Jérusalem-Est.

Quelque 430 000 colons israéliens vivent actuellement en Cisjordanie occupée et ils sont plus de 200 000 à Jérusalem-Est dont les Palestiniens veulent faire la capitale de l'État auquel ils aspirent.

Le plan de John Kerry en six points

John Kerry a énoncé mercredi six grands principes faisant consensus selon lui au sujet de la paix au Proche-Orient, qui «pourraient servir de base à des négociations sérieuses lorsque les parties seront prêtes».

«Sans préjuger ni imposer d'issue», M. Kerry a estimé lors d'une conférence de presse qu'il y avait «un large consensus sur le fait qu'un accord final sur le statut (d'Israël et des Territoires palestiniens, NDLR) répondant aux besoins des deux camps» comprendrait ces six points.

1 - «Établir des frontières sûres et reconnues par la communauté internationale entre Israël et une Palestine viable et d'un seul tenant, en négociant à partir du tracé de 1967 avec des échanges de territoires équivalents acceptés par chacun.»

Ce principe, contenu dans la résolution onusienne 242 votée en 1967, «est accepté depuis longtemps par les deux côtés et reste la base d'un accord aujourd'hui». «Aucun changement ne sera reconnu par la communauté internationale à moins qu'il ne soit accepté par les deux côtés».

2- «Accomplir la vision de la résolution 181 de l'Assemblée générale des Nations unies (datant de 1947, NDLR) de deux États, avec deux peuples, l'un juif l'autre arabe, avec une reconnaissance mutuelle et une équité des droits pour la totalité de leurs ressortissants respectifs.»

«Cela a été un principe fondamental de la solution à deux États depuis le début: créer un État pour le peuple juif et un État pour le peuple palestinien, dans lequel chacun peut accomplir ses aspirations nationales».

3 - «Trouver une solution juste, approuvée, équitable et réaliste au problème des réfugiés palestiniens, avec une assistance internationale, et qui comprenne une compensation, des options et une aide pour trouver des logements permanents, une reconnaissance de la souffrance ainsi que d'autres mesures nécessaires pour une résolution totale qui soit cohérente avec deux États pour deux peuples.»

«La communauté internationale peut fournir un soutien et une assistance importants, y compris récolter des fonds pour contribuer à la compensation et à d'autres besoins des réfugiés», mais ceci «sans affecter l'essence d'Israël».

4 - «Trouver une solution acceptée mutuellement pour Jérusalem comme capitale internationalement reconnue de deux États, et protéger et assurer la liberté d'accès aux sites religieux en concordance avec le statu quo établi.»

«Jérusalem est la question la plus sensible pour les deux côtés, et une solution doit satisfaire non seulement les besoins des parties, mais aussi les trois religions monothéistes».

5 - «Répondre de manière satisfaisante aux besoins d'Israël en matière de sécurité et mettre un terme complet à toute occupation, tout en faisant en sorte qu'Israël puisse se défendre efficacement et que la Palestine puisse assurer la sécurité de sa population dans un État souverain et non militarisé.»

«Trouver le juste équilibre entre ces exigences est l'un des défis les plus importants auxquels nous ayons fait face pendant les négociations».

6 - «Mettre fin au conflit et à toutes les requêtes en suspens, permettant des relations normalisées et renforçant la sécurité régionale pour tous, comme envisagé par l'initiative de paix des pays arabes.»

«Il est essentiel pour les deux côtés que l'accord final sur le statut résolve toutes les questions en latence et apporte un règlement final au conflit, afin qu'ils puissent entrer dans une nouvelle ère de coexistence pacifique et de coopération».