Israël tentait samedi de contenir les retombées du vote d'une résolution de l'ONU contre les colonies après avoir accusé le président américain Barack Obama de ne pas s'être opposé à cette résolution «honteuse».

Le Conseil de sécurité a voté le texte vendredi, l'abstention des États-Unis ayant permis l'adoption de la première résolution de l'ONU depuis 1979 condamnant Israël pour sa politique de colonisation.

La décision de Washington de ne pas opposer son veto a provoqué la colère d'Israël, qui a accusé M. Obama d'abandonner son plus proche allié au Moyen-Orient dans les derniers jours de son administration.

Le vote est intervenu malgré les efforts du président américain élu Donald Trump qui avait fait pression sur l'Égypte, à l'origine de la résolution, pour qu'elle le reporte.

Mais après la volte-face du Caire, la Nouvelle-Zélande, la Malaisie, le Sénégal et le Venezuela avaient décidé de présenter de nouveau le texte.

Même si la résolution ne prévoit pas de sanctions contre Israël, les responsables israéliens craignent qu'elle ne facilite les poursuites à la Cour de justice internationale et n'encourage des sanctions contre les produits des colonies.

Le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou a condamné la résolution et critiqué le président américain dans des termes particulièrement durs, en accusant le gouvernement Obama de s'être «associé en coulisses» à la «ligue anti-israélienne» à l'ONU.

«Israël rejette cette résolution anti-israélienne honteuse des Nations unies et ne s'y conformera pas», ont fait savoir les services du premier ministre dans un communiqué.

L'État hébreu «attend avec impatience de travailler avec le président élu Donald Trump et avec tous nos amis au Congrès, républicains comme démocrates, pour neutraliser les effets néfastes de cette résolution absurde», poursuit le communiqué.

Michael Oren, ancien ambassadeur d'Israël aux États-Unis et ministre adjoint chargé de la diplomatie publique, a laissé entendre que la résolution était «antisémite».

«De tous les conflits dans le monde (...) seuls les Juifs sont mis sur la sellette (...) Il me semble que cela ressemble beaucoup à de l'antisémitisme», a-t-il déclaré à des journalistes peu après le vote.

Donald Trump a quant à lui promis sur Twitter qu'après sa prise de fonction, «les choses seraient différentes» à l'ONU.

Menace pour la solution à deux États

Washington, plus important allié d'Israël, a traditionnellement servi de bouclier diplomatique à l'État hébreu en le protégeant des résolutions de l'ONU.

Mais frustrés par des années d'efforts diplomatiques infructueux, les États-Unis ont justifié leur abstention par l'impact de la colonisation sur la recherche de la paix au Proche-Orient.

«On ne peut en même temps défendre l'expansion des colonies israéliennes et une solution à deux États», comme le fait Benyamin Nétanyahou, a déclaré l'ambassadrice américaine aux Nations unies Samantha Power après le vote, accueilli par des applaudissements.

L'administration Obama avait mis son veto à une résolution similaire en 2011. Mais cinq ans plus tard, la position du président sortant, qui entretient des relations notoirement exécrables avec M. Nétanyahou, faisait l'objet de nombreuses spéculations sur un possible revirement.

La résolution votée vendredi exhorte Israël à «cesser immédiatement et complètement toute activité de colonisation en territoire palestinien occupé, dont Jérusalem-Est», affirmant par ailleurs que les colonies israéliennes «n'ont pas de valeur juridique» et sont «dangereuses pour la viabilité d'une solution à deux États».

Un porte-parole du président palestinien, Mahmoud Abbas, a qualifié cette résolution de «grand camouflet» pour Israël.

«Il s'agit d'une condamnation internationale unanime de la colonisation et d'un fort soutien à une solution à deux États», a déclaré Nabil Abu Roudeina à l'AFP.

Pour le numéro deux de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP), Saëb Erakat, il s'agit «d'un jour historique» et d'une «victoire (...) du droit international».

La Ligue arabe a également salué samedi cette résolution qui reflète «l'appui et le soutien de la communauté internationale à la lutte historique du peuple palestinien».

Le secrétaire général de l'organisation panarabe Ahmed Aboul Gheit a dit espérer que cette résolution fasse naître «un élan permettant d'intensifier les appels pour pousser la partie israélienne à se conformer à cette résolution et à l'ensemble des décisions internationales liées à l'arrêt de la colonisation».

Après l'adoption du texte, Israël a annoncé le rappel de ses ambassadeurs au Sénégal et en Nouvelle-Zélande «pour consultations». L'État hébreu n'a pas de relations diplomatiques avec le Venezuela ou la Malaisie.

Les colonies israéliennes: près de 50 ans de controverses

La colonisation par Israël de la Cisjordanie occupée et de Jérusalem-Est annexée, dont une résolution du Conseil de sécurité de l'ONU a demandé la fin, suscite des controverses depuis près de 50 ans.

Que sont les colonies?

Ce sont des villages, des localités et des villes construites sur des territoires conquis par Israël lors de la guerre des Six Jours, en 1967, et habitées par des civils israéliens.

Israël a commencé à établir un réseau de colonies dans toute la Cisjordanie occupée à partir des années 1970 et a continué de l'étendre après les accords d'Oslo de 1995, qui ont divisé ce territoire en zones israéliennes et palestiniennes.

Aujourd'hui, quelque 430 000 colons israéliens vivent en Cisjordanie occupée, aux côtés de 2,6 millions de Palestiniens.

Plus de 200 000 Israéliens vivent aux côtés d'au moins 300 000 Palestiniens à Jérusalem-Est, partie palestinienne de la ville sainte qu'Israël occupe depuis 1967 et a annexée en 1980. Les Palestiniens veulent en faire la capitale de l'État auquel ils aspirent.

Environ 30 000 colons israéliens vivent également sur la partie du plateau du Golan qu'Israël a conquis aux dépens de la Syrie en 1967, puis a annexé.

Israël a fait évacuer en 2005 les colonies qui s'étaient implantées dans la bande de Gaza.

Quel est leur statut juridique?

Les Nations unies et la majeure partie de la communauté internationale considèrent comme illégales toutes les colonies israéliennes en Cisjordanie occupée et à Jérusalem-Est annexée.

De son côté, l'État d'Israël distingue juridiquement les colonies qu'il a approuvées et celles qui n'ont pas eu le feu vert du gouvernement, qualifiées d'avant-postes ou de colonies sauvages.

Qui sont les colons?

De nombreux colons israéliens se sont installés en Cisjordanie et à Jérusalem-Est à la recherche de logements abordables. Le gouvernement les encourage à s'installer dans des villes comme Ariel, Maale Adoumim ou les colonies ultra-orthodoxes de Beitar Ilit et Modiin Ilit.

Pour beaucoup de juifs nationalistes religieux vivre dans les terres bibliques de Judée et de Samarie (nom donné par les Israéliens à la Cisjordanie) est l'accomplissement d'une promesse divine. Des centaines d'entre eux vivent ainsi près du caveau des Patriarches à Hébron, un site sacré pour les juifs et les musulmans et un des lieux où se focalise la violence entre Israéliens et Palestiniens.

Comment les Palestiniens voient-ils les colonies?

Les Palestiniens considèrent les colonies israéliennes comme un crime de guerre et un obstacle majeur à la paix. Ils veulent que les Israéliens se retirent de toutes les terres qu'ils occupent depuis la guerre de 1967 et qu'ils démantèlent toutes les colonies, bien qu'ils aient accepté le principe de petits échanges territoriaux égaux en taille et en valeur.

De son côté, l'État hébreu exclut un retour complet aux frontières d'avant 1967 mais se dit prêt à se retirer de certaines parties de la Cisjordanie tout en annexant ses plus grands blocs de colonies, qui abritent la majorité des colons.