Les talibans sont entrés dans Tarin Kot, une capitale provinciale du sud de l'Afghanistan, où les autorités locales réclamaient d'urgence du renfort tandis que les habitants paniqués tentaient d'échapper aux combats.

Ce nouveau développement intervient alors que l'armée afghane est déjà déployée sur plusieurs fronts depuis que les insurgés menacent d'également s'emparer de deux autres chefs-lieux, Lashkar Gah (province du Helmand), et Kunduz (capitale de la province du même nom). Les talibans avaient déjà brièvement occupé Kunduz en septembre 2015.

«Les talibans sont entrés dans la ville (de Tarin Kot) et combattent pour s'emparer du siège de la police et celui du NDS (agence de renseignement)», a déclaré à l'AFP Haji Bari Daad, un responsable tribal de Tarin Kot.

«Nous craignons qu'ils ne prennent d'assaut la prison pour libérer des insurgés captifs», a-t-il ajouté, une tactique déjà utilisée par les talibans lors de leur prise de Kunduz.

Le chef de la police d'Uruzgan, Wais Samim, a admis que nombre des postes de défense de la ville étaient tombés sans combattre.

«Certains policiers ont quitté leurs postes. Il y a des gens ici qui souhaitent délibérément que l'ennemi réussisse», a-t-il dit à l'AFP. «Nous traiterons ce problème dès que nous aurons repoussé l'ennemi».

Tarin Kot est la capitale de la province d'Uruzgan (sud), une région productrice de pavot. La ville était depuis des mois quasiment assiégée par les talibans.

Les autorités de Tarin Kot ont plaidé pour des renforts et un soutien aérien d'urgence.

«Si des renforts n'arrivent pas, la ville va tomber aux mains des talibans», a déclaré à l'AFP le chef du conseil provincial d'Uruzgan, Karim Khademzai.

«Les rues sont vides et les magasins fermés», a-t-il ajouté, soulignant que les habitants n'avaient nulle part où aller, la ville étant encerclée par les insurgés.

Le gouverneur à l'aéroport

Les services du président afghan Ashraf Ghani ont fait savoir que le gouvernement ne laisserait pas «Uruzgan devenir un sanctuaire pour les terroristes».

«Des renforts ont atteint la province, et le chef de la police locale et les responsables provinciaux sont au front pour combattre l'ennemi», a indiqué sur Facebook le porte-parole du président Ghani, Shahhussain Murtazawi.

Mais plusieurs habitants ont rejeté ces affirmations, soulignant que ces mêmes responsables avaient été vus en train de fuir vers l'aéroport.

«Beaucoup de responsables provinciaux, dont le gouverneur et d'autres figures gouvernementales sont à l'aéroport», a affirmé M. Khademzai.

Le général Abdul Raziq, puissant chef de la police de Kandahar, a déclaré qu'il mènerait personnellement un contingent de renforts militaires en Uruzgan.

«Nous sommes en route vers Tarin Kot avec des centaines d'hommes pour repousser l'attaque ennemie», a-t-il dit à l'AFP.

Les talibans, réputés dans le passé être un mouvement plutôt rustique peu à même de mener de véritables offensives contre les villes, ont fait preuve d'une redoutable efficacité dans leurs attaques urbaines ces derniers mois.

Ils ont aussi multiplié les attentats dans la capitale, Kaboul. La dernière attaque en date, lundi, a fait plus de 40 morts.

Les forces afghanes, déployées sur des fronts multiples, peinent désormais à assurer la sécurité de provinces éloignées comme Uruzgan, où les forces australiennes, néerlandaises et américaines ont combattu pendant des années.

Quitter «immédiatement» la zone

Un habitant de Tarin Kot, Sabir Menawal, a indiqué à l'AFP que des combattants rebelles étaient entrés dans sa maison, située près du siège de la police, et y avaient pris position pour tirer sur les bâtiments officiels.

«Les talibans nous ont ordonné de quitter immédiatement la zone», a-t-il dit à l'AFP. «J'ai fui avec ma famille dans une zone plus sûre de Tarin Kot, mais nous craignons que les combats ne s'étendent là aussi», a-t-il ajouté.

En s'approchant, les insurgés avaient promis sur les réseaux sociaux de faire preuve d'indulgence à l'égard des forces gouvernementales à condition qu'elles se rendent sans conditions.

Début mars 2016, les talibans avaient refusé de participer à des pourparlers de paix avec Kaboul et avaient dans la foulée annoncé la lancée d'une nouvelle «offensive de printemps» contre les forces gouvernementales.

L'avancée des talibans depuis un an

(KABOUL) - Les principales offensives menées par les talibans depuis l'éphémère prise de Kunduz en septembre 2015.

Prise de Kunduz, dans le Nord-est

Le 28 septembre 2015, les talibans lancent un assaut contre Kunduz, capitale provinciale du Nord-Est, parvenant, pour la première fois depuis la chute de leur régime en 2001, à s'emparer d'un grand centre urbain. Trois jours plus tard, les forces afghanes annoncent la reprise du centre-ville mais les combats se poursuivent dans les faubourgs pendant près de deux semaines.

Le 3 octobre, en plein combats entre insurgés islamistes et armée afghane, soutenue par les forces spéciales de l'OTAN, un avion des forces spéciales américaines bombarde l'hôpital de Médecins sans frontières (MSF). Le drame fait 42 morts, dont 14 membres de l'ONG, et des dizaines de blessés.

Le 13 octobre, les talibans annoncent leur retrait complet de Kunduz.

Districts du Sud assiégés

Fin 2015, les insurgés prennent le contrôle de larges parties du district-clé de Sangin, haut-lieu de la production d'opium, dans l'est de la province du Helmand, un fief taliban dans le Sud.

En février et mars 2016, les forces afghanes se retirent de plusieurs districts des provinces de Helmand et Uruzgan pour renforcer des points stratégiques, en particulier pour défendre Lashkar Gah, capitale provinciale du Helmand assiégée par les talibans.

Offensive de printemps, Kaboul ciblé

Début mars 2016, les talibans refusent de participer aux pourparlers de paix avec Kaboul, mettant un coup d'arrêt aux espoirs du gouvernement de régler un conflit vieux de plus de 14 ans.

À la mi-avril, les talibans annoncent le début de leur «offensive de printemps» baptisée «Opération Omari», en l'honneur du mollah Omar, le fondateur du mouvement taliban dont la mort a été annoncée à l'été 2015.

Les insurgés lancent un assaut contre Kunduz. Les forces gouvernementales avec le soutien - aérien notamment - de leurs alliés occidentaux réussissent à repousser cette nouvelle offensive sur la ville. Mais la situation reste tendue.

Le 19 avril, un attentat contre un bâtiment officiel à Kaboul fait au moins 64 morts et près de 350 blessés. Il s'agit d'une des attaques les plus meurtrières menées par les talibans dans la capitale depuis 2001.

Le 21 mai, le chef des talibans afghans, le mollah Akhtar Mansour, est tué dans un tir de drone américain au Pakistan. Son successeur, le mollah Habatullah Akhundzada, appelle les «envahisseurs américains» à quitter l'Afghanistan.

Poussée talibane dans le Sud

En juin, Barack Obama annonce un renforcement de l'engagement américain en soutien aux forces afghanes, en autorisant les forces américaines à s'attaquer plus directement aux talibans qui menacent le gouvernement de Kaboul.

Un mois plus tard, il annonce le maintien de 8400 soldats américains dans le pays jusqu'à la fin de son mandat, début 2017.

Début août, les talibans déclenchent une vaste offensive dans le Helmand, encerclant Lashkar Gah et ses 200 000 habitants. L'armée afghane est épaulée par les frappes aériennes afghanes et américaines.

L'armée afghane, qui envoie de nouveaux renforts, dont ses forces spéciales, dans le Helmand pour protéger la capitale provinciale, mène une contre-offensive.

Troisième capitale provinciale menacée

Après Lashkar Gah et Kunduz, les talibans menacent désormais une troisième capitale provinciale, Tarin Kot, chef-lieu de la province d'Uruzgan (sud) où d'intenses combats ont lieu.