Les talibans afghans, réunis en choura, leur conseil central, tentent de choisir un successeur au mollah Akhtar Mansour, leur chef tué par un tir de drone américain, une tâche complexe pour un mouvement fragmenté.

Convoquée dès dimanche selon des sources talibanes, à peine la nouvelle de la mort du mollah propagée, la choura se déroule en un lieu inconnu, probablement dans la zone frontalière entre l'Afghanistan et le Pakistan.

Ses membres, dont les experts estiment le nombre entre 12 et 60, se déplacent constamment par peur de nouvelles frappes de drone américains, selon un responsable insurgé.

D'après le président américain Barack Obama et le gouvernement afghan, le mollah Mansour a péri samedi dans un tir de drone américain dans une zone reculée du Pakistan. Ni Islamabad, ni les insurgés n'ont confirmé officiellement sa mort.

Les talibans lui cherchent activement un successeur à même d'unifier le mouvement.

«Notre principal défi est de surmonter nos divisions», résume un cadre insurgé depuis un lieu inconnu au Pakistan, où vivent la plupart des chefs talibans afghans.

La désignation de Mansour l'été dernier à la tête du mouvement islamiste avait mis au jour de profonds différends. Certains cadres avaient d'abord refusé de lui faire allégeance. D'autres avaient fait sécession.

Le nouveau leader devra avant tout être en mesure de faire la synthèse entre les différents courants, explique à l'AFP le général pakistanais à la retraite Talat Massoud, expert en questions sécuritaires: «Les talibans ne veulent plus de cette fragmentation dont ils ont souffert à la nomination du mollah Mansour.»

Mais «trouver un consensus risque de prendre du temps», admet le haut responsable taliban interrogé par l'AFP. Pour l'heure, «les discussions se poursuivent et les membres [de la choura] abordent toutes les questions», selon lui.

«Nous avons besoin de quelqu'un qui soit apte à concilier et non d'un guerrier», martèle un autre cadre taliban, basé dans le nord-ouest du Pakistan.

Les pourparlers de paix en question 

Parmi les différents noms avancés par les experts, celui du mollah Yacoub, fils du mollah Omar, âgé d'environ 25 ans, revient souvent.

«Il est susceptible d'unifier le mouvement, surtout parce qu'il est le fils du mollah Omar», fondateur du mouvement taliban en 1994, juge Rahimullah Yousafzaï, un analyste pakistanais fin connaisseur du mouvement.

Mais le jeune homme aurait lui-même rejeté la perspective de sa nomination, arguant de sa «jeunesse», selon une source talibane.

Autre figure évoquée: Sirajuddin Haqqani, le fils du fondateur du réseau insurgé du même nom, allié des talibans et réputé proche du Pakistan. Mais il aurait lui aussi décliné l'offre «pour raisons personnelles», d'après ce même interlocuteur.

Sirajuddin Haqqani, s'il jouit d'une aura de guerrier, est toutefois très controversé. Son réseau figure sur la liste américaine des organisations terroristes et Washington offre dix millions de dollars pour tout renseignement menant à sa capture.

Les insurgés pourraient s'accorder sur une direction bicéphale qui verrait Yacoub devenir le chef nominal du mouvement et Haqqani son véritable cerveau, selon une source.

Deux autres candidats sortent du lot: le mollah Abdul Ghani Baradar et le mollah Zakir Qayum.

Le mollah Baradar a aidé le mollah Omar à fonder le mouvement et a été son bras droit avant d'être arrêté en 2010 au Pakistan. Il a été officiellement libéré par les Pakistanais en 2013, mais selon la presse, il est toujours assigné à résidence par les autorités pakistanaises.

Le mollah Qayum est lui aussi un vétéran du mouvement taliban. Opposé à des pourparlers de paix, il avait d'abord boycotté le mollah Mansour avant de lui faire allégeance le mois dernier.

Adjoint du mollah Mansour avec Sirajuddin Haqqani, Haibatullah Akhundzada, ancien chef des tribunaux afghans, est également en lice.

Le mollah Mansour aura passé moins d'un an à la tête du mouvement insurgé. Initialement considéré comme un partisan des efforts de paix, il a orchestré les plus grands succès militaires talibans en Afghanistan depuis la chute de leur régime en 2001, avec notamment la prise de la ville septentrionale de Kunduz en septembre 2015.

Son successeur devra donc trancher sur l'éventuelle reprise des pourparlers de paix avec Kaboul. Entamés l'été dernier, ils avaient été interrompus à l'annonce de la mort du mollah Omar. Ils sont au point mort depuis.