Le ministre israélien de la Défense a démissionné vendredi avec fracas et remis ouvertement en cause la crédibilité du premier ministre Benyamin Nétanyahou, en pleins remous causés par le retour probable au gouvernement de l'ultranationaliste Avigdor Lieberman.

« J'ai dit au premier ministre qu'étant donné son comportement au cours des derniers évènements et mon manque de confiance en lui, je démissionnais du gouvernement et de la Knesset (Parlement) et prenais mes distances avec la vie politique », a annoncé Moshé Yaalon sur Twitter.

Il s'agit d'une attaque retentissante de la part d'un homme estimé en Israël pour avoir combattu lors de la guerre de 1973, commandé ensuite la prestigieuse brigade parachutiste et gravi tous les échelons, jusqu'à la tête de l'état-major puis de ce ministère, capital dans un pays constamment sur le pied de guerre.

Devant la presse, M. Yaalon s'en est ensuite pris à ces « éminents politiciens » animés par « le cynisme et la soif de pouvoir » et gouvernés par « les échéances électorales et les sondages » plutôt que les valeurs morales. Des mots qui semblent directement adressés à MM. Nétanyahou et Lieberman.

Le monde politique israélien est en effervescence depuis que M. Nétanyahou a proposé mercredi le portefeuille de la Défense à M. Lieberman, actuellement dans l'opposition. En retour, il était présumé offrir les Affaires étrangères à M. Yaalon.

Le but du premier ministre est d'élargir sa majorité parlementaire, qui ne tient qu'à une voix.

Mais la décision de M. Nétanyahou de proposer la Défense à M. Lieberman a également été largement interprétée par les commentateurs comme une manoeuvre destinée soit à sanctionner M. Yaalon, soit à écarter un potentiel rival au sein du Likoud, leur parti (droite).

« Fascisme »

L'ancien premier ministre et ministre de la Défense travailliste Ehud Barak est allé encore plus loin dans ses critiques.

« Le gouvernement d'Israël a été contaminé par une montée du fascisme », a-t-il affirmé, cité par le site web de la chaîne de télévision privée 2.

Avec Avidgor Lieberman, détesté par les Palestiniens, auteur de propos anti-arabes et populiste belliqueux, c'est le gouvernement le plus à droite de l'histoire d'Israël qui se profile selon les commentateurs.

Grâce à M. Lieberman et son parti Israël Beiteinou, M. Nétanyahou aurait au Parlement une majorité de 66 voix sur 120.

À la Défense, M. Lieberman superviserait notamment les activités de l'armée dans les Territoires palestiniens occupés.

Les commentateurs posent déjà la question d'un durcissement vis-à-vis des Palestiniens alors que les craintes d'une nouvelle escalade sont vives.

Il y a quelques jours, Avigdor Lieberman accusait le gouvernement de manquer de fermeté face à la vague actuelle d'attaques palestiniennes, et de ne pas construire dans les grands blocs de colonies de Cisjordanie occupée.

La société « menacée »

M. Yaalon et l'actuel état-major passent pour avoir tempéré les ardeurs de ceux qui, au gouvernement et à droite, y compris M. Lieberman, poussaient à une répression accrue face aux violences.

Depuis des semaines, M. Yaalon et l'armée sont au centre de vives querelles sur les valeurs et le rôle social d'une institution incontournable. M. Yaalon a soutenu, y compris contre M. Nétanyahou, ses généraux qui prônaient la retenue face aux attentats ou allaient jusqu'à dresser un parallèle entre l'Allemagne nazie et certains « signes » observés en 2016 en Israël.

Vendredi, il a dit son inquiétude pour la démocratie israélienne : « Malheureusement, des éléments extrémistes et dangereux ont pris le contrôle d'Israël et du Likoud et menacent la société », a-t-il affirmé.

L'ex-ministre de la Défense avait encouragé dimanche les officiers à dire ce qu'ils pensent sur de tels sujets, quitte à contredire leurs supérieurs ou leurs dirigeants politiques.

Ces propos auraient rendu furieux M. Nétanyahou, qui l'avait rappelé à l'ordre.

Le premier ministre aurait aussi cherché à stopper l'ascension d'un éventuel concurrent, selon des commentateurs. M. Yaalon ne s'est pas privé de le laisser ruminer en déclarant : « Je reviendrai prendre part à la compétition pour la direction d'Israël ».

Le retrait de M. Yaalon devrait signifier l'entrée au Parlement du rabbin israélien Yehuda Glick, considéré par les Palestiniens et des responsables israéliens comme un dangereux provocateur pour son engagement en faveur du droit des juifs à prier sur l'esplanade des Mosquées à Jérusalem.