Le premier ministre Benyamin Nétanyahou semblait en passe jeudi d'élargir son gouvernement pour en faire le plus à droite de l'histoire d'Israël avec le retour probable de l'ultranationaliste Avigdor Lieberman, figure détestée des Palestiniens, au ministère de la Défense.

Les proches de M. Nétanyahou continuaient à négocier jeudi avec ceux de M. Lieberman pour que celui-ci rentre dans la coalition gouvernementale avec Israël Beiteinou, le parti de la droite dure qu'il dirige.

Les fuites de part et d'autre dans la presse présentaient un accord comme proche.

M. Lieberman apporterait les six voix d'Israël Beiteinou au Parlement et réaliserait ainsi l'ambition publiquement avouée par M. Nétanyahou d'élargir sa majorité.

Sa victoire inattendue aux législatives de mars 2015 avait accordé à M. Nétanyahou la plus ténue des majorités (61 voix sur 120), le laissant à la merci des caprices de ses alliés et faisant peser un doute permanent sur la durée de son quatrième gouvernement.

Le retour au gouvernement de M. Lieberman, qui fut le ministre des Affaires étrangères de M. Nétanyahou de 2009-2012 puis de 2013-2015 et qui demeure une figure incontournable et controversée de la politique israélienne, s'opérerait après un retournement de situation abracadabrant.

Car, M. Nétanyahou avait semblé proche, mercredi matin, après des mois de théâtre d'ombres, de conclure un accord avec le chef du Parti travailliste, Isaac Herzog, se posant en champion de la paix avec les Palestiniens.

Durcissement

Le retour de M. Lieberman risque de susciter les inquiétudes de la communauté internationale quant à la politique du gouvernement Nétanyahou, en particulier sur le conflit israélo-palestinien, alors que les craintes d'une nouvelle escalade sont déjà vives.

Au ministère de la Défense, M. Lieberman superviserait les activités de l'armée dans les Territoires palestiniens. Les commentateurs posent déjà la question d'un durcissement sous l'influence d'un homme qui, il y a quelques jours, accusait le gouvernement Nétanyahou de manquer de fermeté face aux attaques palestiniennes et de ne pas construire dans les grands blocs de colonies de Cisjordanie, territoire palestinien occupé depuis 1967.

La poursuite de la colonisation --la construction d'habitations civiles sur des territoires occupés par Israël-- est illégale aux yeux de la communauté internationale qui y voit un obstacle majeur à la paix.

M. Lieberman a réclamé la peine de mort contre les auteurs d'attentats anti-israéliens pour entrer dans la coalition. Il a laissé entendre mercredi que le gouvernement pourrait accéder à cette exigence, parmi d'autres comme celle, essentielle, du portefeuille de la Défense.

Le retour au gouvernement israélien d'un homme «connu pour ses vues d'extrême droite sur les Palestiniens est une preuve supplémentaire du fait que Nétanyahou préfère promouvoir l'extrémisme au sein de son gouvernement», a réagi le ministère palestinien des Affaires étrangères dans un communiqué.

État de siège diplomatique

Le rappel de M. Lieberman «constitue la réponse de Nétanyahou» aux efforts actuels de la France et de la communauté internationale pour ranimer l'effort de paix, a-t-il dit.

Les discussions sur l'élargissement du gouvernement ont coïncidé avec une déconcertante intervention du président égyptien Abdel Fattah al-Sissi évoquant «une opportunité réelle» de résolution du conflit israélo-palestinien. Elle a poussé certains commentateurs israéliens à spéculer sur une action concertée de MM. Nétanyahou et Sissi pour pousser à l'entrée des travaillistes dans le gouvernement israélien.

Ces tractations ont capoté spectaculairement mercredi, laissant le Parti travailliste en lambeaux.

La France travaille à réunir cet automne une conférence internationale qui braque M. Nétanyahou. Le quartette pour le Proche-Orient prépare un rapport qui préoccupe Israël. Et Israël s'inquiète que Barack Obama, dans ses derniers mois à la présidence des États-Unis, ne fasse payer des années de frustration à M. Nétanyahou.

«Au lieu de présenter au monde un gouvernement plus modéré en prévision des graves défis qui nous attendent, Nétanyahou lui présente le gouvernement le plus extrémiste à avoir jamais servi», écrivait jeudi le quotidien Yedioth Ahronoth.

Pour son concurrent Maariv aussi, c'est avec le gouvernement «le plus extrémiste depuis la fondation d'Israël» que le pays va au-devant d'un «siège diplomatique». Mais «l'essentiel, c'est que Nétanyahou soit sain et sauf», ironisait-il.