Après 20 ans de préparation et autant de millions de dollars de frais, les dirigeants palestiniens coupent mercredi le ruban du grand musée dédié à leur histoire et leur culture. Son architecture est impeccable, mais les salles d'exposition sont vides.

La direction palestinienne claironne depuis des mois, à grand renfort de communiqués et de conférences de presse, l'ouverture de ce musée censé devenir le réceptacle d'une mémoire nationale soumise selon les Palestiniens aux tentatives israéliennes d'éradication.

Seulement, lorsque le président Mahmoud Abbas inaugurera mercredi le musée sur les collines de la ville universitaire de Bir Zeit, en Cisjordanie occupée, il n'y aura ni exposition ni installation dans les amples salles du vaste édifice au vague profil de base spatiale ou de papillon de verre et de pierre blanche locale.

«Ceci n'est pas un musée vide», objecte Omar Qattan, son directeur, mais «un bâtiment destiné à abriter un musée». Il a coûté «28 millions de dollars, financés à 95 % par des Palestiniens», et emploie actuellement une quarantaine de personnes, précise-t-il.

«Le programme d'exposition va débuter en octobre. Ce que nous célébrons actuellement, c'est la fin des travaux du bâtiment et des jardins», explique M. Qattan. «Nous nous étions engagés sur un calendrier et il était important de nous y tenir plutôt que d'attendre l'exposition inaugurale».

Depuis des mois, cette exposition mobilisait des chercheurs partis explorer les albums de famille palestiniens à travers le monde pour réunir une masse de souvenirs. Mais sa mise à disposition du public est pour le moment gelée.

Au cours des six derniers mois, «le directeur et plusieurs responsables du musée ont démissionné», explique à l'AFP une source proche du projet sous le couvert de l'anonymat. «Il y a eu des différences de vues», explique-t-elle sans plus de précision.

Du coup, malgré les roulements de tambour ayant précédé l'inauguration, cette dernière ne délivrera «aucun message», déplore-t-elle. Les critiques de l'Autorité palestinienne trouveront là un argument supplémentaire pour l'accuser d'incompétence.

À Beyrouth aussi

Créer un lieu de mémoire est pourtant crucial pour les Palestiniens qui en manquent notoirement. Toujours sous occupation israélienne, confrontés à la poursuite de la colonisation qui grignote toujours plus l'État indépendant auquel ils aspirent, ils défendent une destinée nationale commune.

L'idée du musée est née en 1997, quatre ans après l'installation de l'Autorité palestinienne dans les Territoires occupés, dans l'euphorie de la signature des Accords d'Oslo, ceux-là mêmes qui devaient permettre la création en 1999 d'un État palestinien et mettre fin au conflit israélo-palestinien.

Un an plus tard, alors que les Palestiniens commémoraient les 50 ans de la «catastrophe» qu'a constitué pour eux la création d'Israël en 1948, la fondation Taawon, une association à but non lucratif, décidait de s'atteler à la réalisation du musée.

Aujourd'hui, ce joyau architectural niché dans un jardin aux nombreuses espèces horticoles s'étend sur quatre hectares.

Le bâtiment a été conçu par des architectes irlandais et chinois qui ont mis un point d'honneur à le fondre dans le décor naturel et à lui donner une ambition écologique. Les imposantes baies vitrées et les terrasses enchevêtrées permettront, assurent les organisateurs, d'économiser eau et énergie.

Le musée s'est doté d'une plateforme électronique pour atteindre les 1,9 million de Gazaouis sous blocus, et les Palestiniens des camps de réfugiés du Proche-Orient empêchés d'entrer dans les Territoires occupés.

En plus, des antennes pourraient ouvrir au Liban et en Jordanie où se trouvent la plupart des camps de réfugiés palestiniens de l'ONU. La toute première exposition annoncée par le musée doit se tenir la semaine prochaine à Beyrouth. Elle sera consacrée à la broderie traditionnelle et reviendra ensuite à Bir Zeit. En octobre.