Une crise a éclaté jeudi entre l'Iran et l'Arabie saoudite au sujet du grand pèlerinage cette année à la Mecque, sur fond de crispations croissantes entre les deux puissances régionales rivales.

Les autorités iraniennes, accusant Riyad de «sabotage», ont affirmé que les pèlerins iraniens ne pourraient pas accomplir le hadj en septembre faute d'accord avec l'Arabie saoudite, un an après le drame ayant coûté la vie à des milliers de pèlerins.

«Les conditions ne sont pas réunies et il est désormais trop tard» pour que les Iraniens puissent aller à La Mecque, a dit à Téhéran le ministre de la Culture et de la guidance islamiques, Ali Janati, cité par l'agence Irna. «Le sabotage vient des Saoudiens».

La réponse saoudienne n'a pas tardé. Le ministère chargé du pèlerinage a affirmé dans un communiqué que le royaume ««n'a absolument pas interdit aux pèlerins iraniens de venir» au hadj.

Le royaume «accueille tous les pèlerins d'où qu'ils viennent dans le monde, de toutes nationalités et de toutes confessions», mais les visites doivent être organisées «dans le cadre des directives qui régissent les affaires du hadj», a-t-il ajouté.

Selon lui, «l'interdiction est venue du gouvernement iranien (...)» qui a «refusé de signer l'accord pour finaliser les préparatifs pour le hadj, en mettant en avant des exigences» non précisées.

Malgré la rupture de leurs relations diplomatiques en janvier, des pourparlers saoudo-iraniens se sont tenus en avril en Arabie saoudite pour fixer les conditions de l'organisation du hadj après le choc provoqué par la mort de près de 2.300 personnes, dont plus de 450 Iraniens, dans une gigantesque bousculade au pèlerinage de septembre 2015.

Téhéran avait alors dénoncé l'«incompétence» de Riyad.

«Froide et impropre»

Lors des rencontres en Arabie saoudite, «l'attitude (des Saoudiens) a été très froide et impropre. Ils n'ont pas accepté nos propositions concernant la délivrance des visas, le transport et la sécurité des pèlerins», a dit M. Janati.

«Les responsables saoudiens disent que nos pèlerins doivent aller dans un autre pays pour faire la demande de visa», ce qui est inacceptable, selon lui.

Téhéran demandait que les visas soient délivrés en territoire iranien, bien que les relations diplomatiques soient rompues.

Saïd Ohadi, le président de l'Organisation iranienne du hadj, a dit que Riad avait également refusé de «donner l'autorisation aux compagnies aériennes iraniennes de transporter en Arabie saoudite» les pèlerins.

Ces pourparlers étaient les premiers entre officiels des deux puissances rivales depuis la rupture de janvier à l'initiative des Saoudiens.

Ceux-ci entendaient protester contre le saccage de l'ambassade saoudienne à Téhéran par des Iraniens dénonçant l'exécution d'un opposant chiite saoudien.

Riad a aussi rompu toute relation économique et commerciale, interdisant les liaisons aériennes entre les deux pays.

«Climat très hostile»

«Malheureusement, il y a en Arabie saoudite un climat politique très hostile à l'encontre de l'Iran», selon M. Ohadi.

L'Arabie saoudite sunnite et l'Iran chiite s'opposent ouvertement sur toutes les crises au Moyen-Orient et s'accusent mutuellement de chercher à élargir leur influence dans la région.

Ils s'affrontent indirectement en Syrie où Téhéran soutient le régime du président Bachar al-Assad, alors que Riyad appuie des groupes rebelles.

Les deux pays s'opposent aussi sur le Yémen, où l'Iran soutient les rebelles Houthis et dénonce régulièrement les bombardements de la coalition arabe menée par l'Arabie saoudite en appui au pouvoir. Les Saoudiens accusent pour leur part Téhéran de s'ingérer dans les affaires yéménites.

Riyad et Téhéran s'affrontent en outre à propos de la situation en Irak, à Bahreïn ou encore au Liban.

Leurs relations évoluent en dents de scie depuis la révolution islamique iranienne en 1979.

Les deux pays avaient déjà rompu leurs relations de 1987 à 1991, en raison d'affrontements entre pèlerins iraniens et forces saoudiennes lors du hadj en 1987, qui avaient fait plus de 400 morts dont une majorité d'Iraniens.

Environ 500 000 pèlerins iraniens se rendaient chaque année en Arabie saoudite pour le petit pèlerinage, qui s'effectue à n'importe quelle période de l'année. L'Iran a suspendu le petit pèlerinage en avril 2015 après l'agression de deux jeunes pèlerins par des policiers saoudiens. En 2015, quelque 60 000 Iraniens s'étaient rendus à la Mecque pour le grand pèlerinage.