Les députés irakiens ont approuvé mardi une partie des candidats proposés au nouveau gouvernement après des semaines de retard et une session chaotique au Parlement, non loin duquel des milliers de manifestants ont exigé la mise en place rapide de réformes.

Mais certains députés, qui ont été exclus de la réunion pour avoir conspué le président du Parlement et perturbé une précédente session, ont affirmé leur intention de contester légalement le vote.

Le Premier ministre Haider al-Abadi tente depuis des semaines de mettre en place un nouveau gouvernement pour remplacer les ministres affiliés aux partis par des technocrates plus à mêmes, selon lui, de mettre en oeuvre les réformes anticorruption adoptées en 2015 dans la foulée de grandes manifestations populaires contre l'incurie et le clientélisme de la classe politique.

Mais les changements proposés avaient été rejetés par les partis au Parlement qui s'appuient sur les ministères pour assurer leur protection et financement. Le Parlement était paralysé depuis des semaines avec des députés observant des sit-in, se bagarrant à la chambre et cherchant à destituer leur chef.

Mardi, lors d'une nouvelle session à Bagdad, des députés ont empêché M. Abadi de s'exprimer en lançant dans sa direction des bouteilles d'eau, selon un parlementaire. Ils ont également crié «Salim, dehors, dehors!» à l'adresse du chef du Parlement Salim al-Joubouri qualifié «d'illégitime».

La session a alors été déplacée dans une autre salle où, après le quorum requis, le vote a eu lieu, et les députés protestataires ont été empêchés d'y assister.

Les députés ont approuvé les candidats de M. Abadi aux postes de ministres de l'Electricité, de la Santé, de l'Education supérieure, du Travail et des Ressources hydrauliques, ont précisé à l'AFP la députée Sarwa Abdelwahid et deux autres parlementaires.

Ils ont rejeté les autres candidats sur la liste de M. Abadi qui va présenter d'autres candidats samedi, ont-ils ajouté.

«Pauvreté, violence» 

Il y a une semaine, M. Abadi a appelé les parlementaires à mettre de côté leurs différends et à faire leur travail, mais en vain.

Alors que le désordre gagnait le Parlement, des milliers d'Irakiens ont manifesté à proximité pour réclamer des réformes, répondant à un nouvel appel de l'influent dirigeant chiite Moqtada Sadr.

Brandissant des drapeaux irakiens et scandant que les hommes politiques étaient «tous des voleurs», ils ont défilé de la place Tahrir vers une entrée de la Zone verte, le lieu ultrasécurisé où siègent les principales institutions de l'État.

«Nous participons à cette manifestation pour affirmer notre rejet du gouvernement sectaire», a déclaré Abou Ali al-Zaidi, chauffeur de taxi de 47 ans venu de Missane. «Le gouvernement en place n'a rien apporté à part la pauvreté et la violence».

«Tous les Irakiens doivent protester pour rejeter le gouvernement actuel qui a échoué dans tous les domaines», a renchéri Abou Mohammed al-Sudani, habitant de Bagdad. «Les quotas et les partis qui contrôlent tout sont la cause de l'échec du cabinet».

Les postes clés au gouvernement sont depuis des années partagés sur la base de quotas politiques et sectaires, une pratique avec laquelle les manifestants veulent en finir. 

Changement «fondamental»

«Nous voulons que les ministres soient indépendants, hors du contrôle des partis», a dit Ali al-Bahadli, un religieux membre du mouvement Sadr présent à la manifestation.

Soumis à de fortes pressions depuis des mois, M. Abadi a appelé en février à un changement «fondamental» au cabinet pour qu'il inclut «des personnalités professionnelles et technocrates et des universitaires».

Il a présenté le 31 mars au Parlement une liste de 13 candidats qui avait été rejetée. Les puissants blocs politiques avaient alors proposé leurs propres candidats, remplaçant sur une nouvelle liste la plupart des noms suggérés par M. Abadi.

Un sit-in de deux semaines avait déjà eu lieu en mars devant la Zone verte à l'appel de Moqtada Sadr.

Ce dignitaire issu d'une influente famille chiite réclame un gouvernement de technocrates susceptible de s'attaquer à la corruption qui gangrène la classe politique et l'État, la mauvaise gouvernance et le délabrement des services publics.

Ces blocages s'ajoutent à l'impact négatif sur l'économie et le budget de l'État de la chute des prix du brut.

L'ONU et les États-Unis ont exprimé leur inquiétude de voir les querelles politiques prendre le pas sur la lutte contre le groupe djihadiste État islamique (EI), qui contrôle des territoires à l'ouest et au nord de Bagdad.