Israël a annoncé lundi avoir exfiltré du Yémen en guerre 19 juifs au cours d'une opération secrète et périlleuse destinée à secourir les derniers survivants de l'une des plus vieilles communautés juives au monde.

Cette opération est la dernière au secours d'une communauté autrefois forte de plusieurs dizaines de milliers de membres et aujourd'hui menacée par la violence et l'extinction, a dit l'Agence juive, l'organisation paragouvernementale d'immigration israélienne qui l'a menée.

De ces hommes et femmes réputés descendre de ceux envoyés en Arabie il y a 2500 ans par le roi Salomon ne subsistent désormais plus au Yémen qu'une cinquantaine de juifs, qui ont choisi de rester, dit Yigal Palmor, directeur de la communication de l'Agence juive.

«Ce sont des individus un peu isolés» qui «n'ont pas voulu profiter de cette opération de la dernière chance», indique-t-il.

«C'est la fin de la communauté (juive du Yémen) en tant que telle», résume-t-il.

Leurs 19 coreligionnaires sont arrivés en Israël dans la nuit de dimanche à lundi pour 17 d'entre eux, précédés par 2 autres les jours précédents.

«Un jour peut-être on en fera un film. On parle d'une opération secrète dans un milieu hostile», explique M. Palmor, refusant d'entrer dans les détails d'une opération dont la préparation a pris «plusieurs mois».

«Peur des tribus»

Les migrants ont trouvé refuge dans un centre pour immigrants à Beer-Sheva, dans le sud d'Israël, où ils pourront rester plusieurs mois.

Là, épuisés par le voyage, ils restaient sous la surveillance attentionnée et étroite de l'Agence juive.

«Nous avons traversé trois pays», s'apprêtait à raconter en arabe aux journalistes le rabbin Salman Dahari, avant d'être interrompu par un représentant de cette Agence lui intimant de s'en tenir à des considérations moins sensibles.

Le dignitaire a raconté avoir emporté un rouleau de la Torah vieux de 600 ans, qu'il «tenait de (son) père, rabbin, qui lui-même le tenait de son père, rabbin lui aussi».

«Nous n'étions pas en danger. Je suis venu pour retrouver mes enfants, arrivés il y a un an», dit-il.

«Nous avions peur des tribus», a relaté Esther, une fillette de 11 ans. «Ils nous jetaient des choses et nous frappaient. Ici, c'est mieux», dit la petite fille en robe noire rehaussée de perles.

Le groupe a été conduit lundi soir à Jérusalem pour rencontrer le premier ministre Benyamin Nétanyahou et pour une séance photo avec le rouleau de la Torah.

La communauté juive du Yémen s'est réduite comme peau de chagrin, repliée sur elle-même, confrontée aux violences et aux menaces, victime des affrontements entre l'armée yéménite et la rébellion chiite Houthis. 

Venus d'Ethiopie aussi

Largement oubliée, elle ne subsistait plus qu'à Sanaa et à Raïda, dans le désert à 80 km au nord de la capitale.

En 2008, un membre de la communauté avait été assassiné pour avoir refusé de se convertir à l'islam. En 2012, Aharon Zindani avait subi le même sort uniquement parce qu'il était juif, selon M. Palmor. La même année, une jeune fille avait été séquestrée, convertie et mariée de force à un musulman.

Parmi les nouveaux arrivés en Israël figurent le fils d'Aharon Zindani, sa femme et leurs trois enfants, venus de Sanaa. 14 autres ont été exfiltrés de Raïda.

Depuis 1949, l'Agence juive a «ramené la communauté juive du Yémen chez elle, en Israël, et cette mission historique s'achève aujourd'hui», a réagi son chef Natan Sharansky.

Depuis sa création en 1948, Israël a accueilli 51 000 juifs du Yémen, selon l'Agence juive. Près de 50 000 d'entre eux avaient fait le voyage entre 1949 et 1952 à la faveur de l'opération «Tapis magique». Ensuite, l'émigration s'est poursuivie par petits groupes, vers Israël ou les États-Unis.

L'Agence juive affirme avoir sauvé environ 200 juifs au cours d'opérations secrètes ces dernières années.

L'État hébreu, où des centaines de milliers de juifs d'origine yéménite vivent aujourd'hui, se fait fort de donner refuge aux juifs du monde entier en butte aux menaces.

Il a organisé en 1984 et 1991 deux ponts aériens pour faire venir 80 000 juifs d'Éthiopie, confrontés à un énorme fossé culturel pour s'intégrer.

DE LA SYRIE À L'ÉTHIOPIE

SYRIE: le Mossad, service de renseignement israélien, et les commandos de marine israéliens ont mené au début des années 1970 une opération nommée «Couverture» en Syrie pour aider des dizaines de jeunes Juifs syriens à gagner secrètement Israël, révélait le journal Yediot Aharonot le 18 octobre 2005 après la levée du secret.

Sur ordre de la première ministre de l'époque Golda Meir, des départs clandestins étaient organisés par la mer depuis les côtes syriennes via notamment le Liban.

En 1948, la Syrie aurait compté environ 30 000 Juifs dont la plupart sont partis depuis. Un rapport américain sur la liberté de religion chiffrait en 2014 le nombre de Juifs en Syrie à moins de 20.

En novembre 2015 était révélée l'exfiltration controversée de deux des derniers Juifs syriens - deux femmes d'Alep -, commanditée par l'entrepreneur israélo-américain Moti Kahana qui revendique d'autres opérations en Iran ou au Yémen. Une troisième femme avait toutefois dû regagner la Syrie en guerre après le rejet de sa demande de visa par Israël.

IRAK: en 1948, les Juifs étaient encore 134 000 dont beaucoup descendaient des Hébreux déportés de Judée en 586 av. J.-C. par Nabuchodonosor. Mais réprimés et accusés d'être des agents d'Israël nouvellement créé, 96 % d'entre eux partent avec un pont aérien vers Israël organisé entre 1949 et 1951 (opération Ezra et Néhémie). Aujourd'hui, la communauté achève de s'éteindre.

ÉTHIOPIE: plus de 100 000 Juifs d'Éthiopie ont immigré en Israël depuis les années 1980 lors de plusieurs opérations dont la plus importante, l'opération Salomon en mai 1991 à la chute de Mengistu, a permis le transfert de 20 000 personnes vers Israël en 36 heures grâce à un gigantesque pont aérien.

Elle avait été précédée des opérations Moïse (1984) et Sheba ou Josué (1985, avec l'aide de six Hercules américains). Dans les années 2000 a été organisé le transfert de quelque 30 000 Falashmoras, Juifs d'Éthiopie convertis de force au christianisme au XIXe siècle dont le dernier groupe autorisé à immigrer est arrivé le 28 août 2013.