Plusieurs attaques ont fragilisé le cessez-le-feu entré en vigueur mardi au Yémen alors que s'ouvraient en Suisse des pourparlers sous l'égide de l'ONU visant à mettre fin au conflit dans ce pays pauvre de la péninsule arabique.

«Le début d'une cessation des hostilités» est «une première étape cruciale» pour établir «une paix durable dans le pays», a déclaré le médiateur de l'ONU Ismaïl Ould Cheikh Ahmed en confirmant le début de la trêve de sept jours, éventuellement renouvelable.

Le cessez-le-feu a pris effet à l'heure prévue, à 12 h locales (4 h, heure de Montréal), a indiqué à l'AFP le général saoudien Ahmed Assiri, porte-parole de la coalition arabo-sunnite conduite par Riyad qui intervient au Yémen.

Depuis mars, elle y aide les forces progouvernementales à reprendre la capitale Sanaa et les régions conquises par des rebelles chiites Houthis, accusés de liens avec l'Iran.

Malgré la trêve, le bruit des armes n'a pas complètement cessé mardi.

Quinze membres des forces progouvernementales ont péri dans des attaques rebelles dans la province de Marib (est), selon une source militaire loyaliste qui a accusé les Houthis de «violer la trêve».

À Taëz, au moins sept civils, dont trois enfants, ont été tués par des bombardements rebelles, selon une source médicale. Des militants cités par l'agence progouvernementale Saba ont fait état de «dizaines de cas de violation du cessez-le-feu» par les rebelles dans la troisième ville du pays.

Pourtant, un porte-parole militaire des rebelles avait auparavant affirmé «accueillir favorablement» l'appel de l'ONU au respect de la trêve. Le général Charaf Louqman avait même exprimé l'espoir que les «agresseurs s'engagent sérieusement» à la respecter, selon Sabanews, l'agence contrôlée par les rebelles.

Le médiateur de l'ONU a lui exhorté «les différentes parties» à respecter le cessez-le-feu et à «oeuvrer pour un arrêt total et permanent du conflit».

Ce souhait est partagé par la population, qui paie un lourd tribut. «Nous demandons aux protagonistes de faire des concessions (...), car tous les Yéménites veulent désespérément voir le Yémen sortir de cette crise», a ainsi imploré Ali Hassan, un habitant de Sanaa.

La guerre a fait depuis mars quelque 6000 morts et 28 000 blessés, dont de nombreux civils, et a directement affecté 80 % de la population.

L'Organisation mondiale de la santé a annoncé vouloir profiter de la trêve pour distribuer de l'aide médicale après avoir obtenu des assurances des belligérants.

PHOTO JEAN-MARC FERRE, AFP

Des membres non identifiés d'une délégation sont photographiés à l'ouverture des pourparlers yéménites à Macolin, en Suisse, le 15 décembre. 

Droit de riposte

Au vu des échecs passés, des experts restent prudents sur la durée de la trêve et l'issue des pourparlers entre les Houthis et le camp du président Abd Rabbo Mansour Hadi.

«Même avec ce cessez-le-feu, il ne faut pas s'attendre à la paix, en tout cas pas avant longtemps», estime ainsi Farea al-Muslimi, du Carnegie Middle East Centre, qui s'exprimait à Washington devant des journalistes. «Il y a trop de parties prenantes» pour que le conflit se règle vite, assure-t-il, affirmant qu'«il n'y a pas eu assez de pression internationale sur les acteurs du conflit» pour qu'ils s'engagent promptement sur le chemin de la paix.

De son côté, le médiateur de l'ONU, qui a réussi à organiser des pourparlers «directs», a affiché son ambition de favoriser «un cessez-le-feu permanent» et «un retour à une transition politique pacifique et ordonnée».

La trêve de sept jours sera «renouvelable automatiquement si l'autre partie (les Houthis et leurs alliés) la respecte», a indiqué le président Hadi. La coalition a d'ailleurs prévenu qu'elle se «réservait le droit de riposter en cas de violation» par les Houthis.

En Suisse, les discussions interyéménites se déroulent loin des caméras, dans un lieu gardé secret. Selon la radio suisse, elles se sont ouvertes dans un hôtel à Macolin, bourgade au nord de Bienne, dans le canton de Berne.

Les parties doivent y discuter d'un «plan» de mise en oeuvre progressive de la résolution 2216 du Conseil de sécurité, qui exige le retrait des rebelles et de leurs alliés, mais aussi de milices, des zones conquises depuis 2014, ainsi que la restitution des armes lourdes à l'État, selon une source onusienne.

Issus de la minorité zaïdite (une branche du chiisme), les Houthis, alliés à de puissantes unités militaires restées fidèles à l'ex-président Ali Abdallah Saleh, se sont emparés depuis juillet 2014 de larges pans du pays, dont la capitale et des provinces du nord-ouest, de l'ouest et du centre qu'ils contrôlent toujours.

Les forces antirebelles ont reconquis cet été cinq provinces du Sud, dont celle d'Aden, deuxième ville du pays.

La situation est rendue encore plus complexe par l'influence grandissante des groupes djihadistes rivaux Al-Qaïda et État islamique (EI), qui ont renforcé leurs positions, en particulier dans le sud du pays.

PHOTO KHALED ABDULLAH, REUTERS

Un jeune militant houthi à Sanaa, le 15 décembre.

PHOTO KHALED ABDULLAH, REUTERS

Des combattants loyaux aux Houthis brandissent leurs armes, à Sanaa, le 15 décembre.