Deux Palestiniens ont été tués lundi par l'armée israélienne alors qu'elle intervenait dans le camp de réfugiés de Qalandiya en Cisjordanie occupée pour démolir la maison de l'auteur d'un attentat.

Le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou a dit son intention d'accélérer le rythme des démolitions des maisons des auteurs d'attentats, décidées dans le cadre de mesures punitives face à la vague actuelle de violences et d'attaques anti-israéliennes.

Anticipant des heurts, les soldats sont entrés en masse au milieu de la nuit dans ce camp historiquement turbulent pour démolir l'appartement de Muhammad Abou Shaheen. Arrêté en juillet, il est accusé d'avoir tué un Israélien, Danny Gonen, le 19 juin près d'une colonie de Cisjordanie, a dit l'armée israélienne.

Un habitant du camp disant s'appeler Abou Amr a raconté à l'AFP avoir entendu du bruit vers 2 h. « Il y avait des centaines de soldats partout » dans l'entrelacs serré des rues du camp, a-t-il dit, « j'ai dit aux enfants de ne pas bouger. Après, il y a eu une explosion [probablement l'explosion détruisant le logement], puis une fusillade pendant une trentaine de minutes ».

Les soldats israéliens ont essuyé des tirs et ont été attaqués par des centaines de Palestiniens à coups de pierres et de bouteilles incendiaires, a indiqué l'armée israélienne.

Des sources médicales palestiniennes ont rapporté la mort d'Ahmed al-Ayesh, 28 ans, et de Laith Manasra, 21 ans. Des centaines de personnes ont suivi leurs funérailles.

15 minutes pour partir 

Le porte-parole de l'armée israélienne Peter Lerner a fait état de trois morts, mais ce chiffre n'a pas été confirmé.

Les heurts n'ont pas empêché les soldats israéliens de faire évacuer les habitants de l'immeuble de deux étages et des bâtiments voisins, et de faire sauter le dernier niveau autrefois occupé par Muhammad Abou Shaheen et où vivaient encore son épouse et ses deux filles.

« Ils nous ont donné 15 minutes pour quitter les lieux », a dit le frère de Muhammad Abou Shaheen sans divulguer son prénom.

Les démolitions provoquent régulièrement des affrontements, mais rarement aussi meurtriers. Elles sont particulièrement délicates dans les camps de réfugiés.

Quelque 11 000 réfugiés palestiniens ayant fui leurs villages lors de la création d'Israël en 1948 s'entassent dans le camp de Qalandiya au pied du mur censé protéger Israël des attentats venus de Cisjordanie, selon l'agence de l'ONU pour les réfugiés palestiniens UNRWA.

Ouvert en 1949 avec l'idée d'être temporaire, il est devenu une ville. Environ 60 % de ses habitants ont moins de 25 ans et un résidant sur cinq est au chômage, selon l'UNRWA. Qalandiya est le point de passage routier entre Ramallah, en Cisjordanie, et Jérusalem pour les Palestiniens. Le point de passage, véritable forteresse israélienne, est souvent synonyme pour les Palestiniens qui se déplacent d'heures d'attente et est l'un des symboles honnis de l'occupation. Des heurts violents se produisent régulièrement aux alentours.

« Châtiment collectif »

M. Nétanyahou a décidé d'accélérer les démolitions punitives pour répondre à la flambée de violences qui a fait depuis le 1er octobre 83 morts côté palestinien - dont un Arabe israélien - et 12 côté israélien. Une majorité des Palestiniens tués l'ont été en tentant ou en menant des attaques anti-israéliennes.

Israël a détruit samedi en Cisjordanie les domiciles de quatre Palestiniens accusés d'attentats.

Six autres maisons (3 à Jérusalem-Est, 3 en Cisjordanie) sont sous le coup d'ordres israéliens de démolition, dit l'ONG israélienne de défense des droits de l'Homme Hamoked. Seize autres pourraient être concernées.

L'organisme onusien OCHA pour les questions humanitaires a dénoncé ces démolitions comme « une forme de châtiment collectif », proscrit par les lois internationales. Selon l'OCHA, une vingtaine de personnes, dont huit enfants, n'ont plus de foyer après les démolitions des derniers jours.

Le gouvernement israélien défend l'effet dissuasif des démolitions sur ceux qui seraient tentés de passer à l'acte. « Ces derniers mois, des Palestiniens livrent leurs fils ou nous informent à l'avance qu'ils sont sur le point de commettre un attentat pour éviter que leur habitation ne soit détruite », selon le ministre de la Défense Moshé Yaalon.

Des experts en droits de l'Homme de l'ONU ont par ailleurs alerté sur de possibles exécutions sommaires commises par les forces israéliennes.

« Des cas d'usage excessif de la force par les forces de sécurité israéliennes contre des Palestiniens, y compris certains qui semblent constituer des exécutions sommaires, continuent d'être signalés et certains ont été enregistrés sur des vidéos », ont affirmé dans une déclaration écrite le rapporteur spécial de l'ONU sur les droits de l'Homme dans les territoires palestiniens, Makarim Wibisono, et l'expert de l'ONU sur les exécutions sommaires, Christof Heyns. Ils demandent aussi aux autorités israéliennes des enquêtes rapides et indépendantes sur tous les cas suspects d'exécutions extrajudiciaires.