Le secrétaire d'État américain John Kerry doit rencontrer samedi à Amman le président palestinien Mahmoud Abbas, au lendemain d'une journée marquée par des heurts qui ont fait plus de 80 blessés en Cisjordanie et à Gaza.

Cette entrevue intervient alors que le premier ministre israélien Benjamin Nétanyahou et l'Autorité palestinienne sont soumis à la pression d'une communauté internationale inquiète d'un éventuel embrasement généralisé.

Par ailleurs, le déplacement de M. Kerry à Amman intervient alors que la Russie et la Jordanie, alliée des États-Unis, viennent de conclure un accord pour coordonner les opérations militaires dans le ciel de la Syrie. L'annonce surprise de cet accord a été faite vendredi à Vienne lors d'une réunion quadripartite sur la crise syrienne. La visite de M. Kerry en Jordanie avait été programmée avant cette annonce.

Rouverture de l'esplanade des Mosquées

Des milliers de Palestiniens se sont rendus vendredi sur l'esplanade des Mosquées à Jérusalem, ouverte par Israël sans restriction pour la première fois depuis des semaines dans un geste d'apaisement mais des heurts violents ont fait plus de 80 blessés en Cisjordanie et à Gaza.

À Gaza, des jeunes lanceurs de pierres ont affronté les soldats israéliens près de la barrière de sécurité qui enferme ce territoire. Ces derniers ont riposté par des tirs qui ont fait 65 blessés dont trois journalistes et quatre secouristes, selon des sources médicales palestiniennes.

En Cisjordanie occupée, des heurts violents ont également opposé des Palestiniens à l'armée israélienne, notamment près de Hébron. Vingt Palestiniens ont été blessés par des tirs, selon les secours palestiniens.

Une Israélienne et ses deux fillettes ont par ailleurs été blessées en Cisjordanie quand leur véhicule a essuyé un jet de cocktail Molotov, a indiqué l'armée israélienne.

Les mouvements palestiniens avaient appelé à une «journée de la colère» devenue rituelle après la prière, en Cisjordanie et à Gaza.

La situation dans la Vieille ville de Jérusalem par laquelle on accède à l'esplanade des Mosquées était en revanche sans comparaison avec celle de la semaine dernière quand des centaines de policiers israéliens contrôlaient presque tout le monde et interdisaient le passage aux hommes de moins de 40 ans.

Environ 25 000 musulmans ont participé à la prière alors qu'ils sont habituellement 10 à 15 000, a dit à l'AFP cheikh Azzam al-Khatib, chef de la fondation islamique qui administre l'esplanade.

«S'écarter du précipice»

Le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou et l'Autorité palestinienne sont soumis à la pression d'une communauté internationale inquiète d'un éventuel embrasement généralisé.

La levée des restrictions d'âge semble relever des «propositions constructives» évoquées par le secrétaire d'État américain John Kerry et M. Nétanyahou jeudi.

M. Kerry doit rencontrer samedi à Amman le président palestinien Mahmoud Abbas et le roi Abdallah II de Jordanie, gardienne de l'esplanade des Mosquées.

Le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-Moon a plaidé «fortement» vendredi pour une rencontre directe entre MM. Nétanyahou et Abbas.

«En dépit de la colère et de la polarisation, il est encore temps de s'écarter du précipice», a-t-il insisté.

La question du contrôle et de l'accès à l'esplanade des Mosquées, troisième lieu saint de l'islam également révéré par les juifs comme l'emplacement de leur ancien temple, catalyse les tensions.

Les Palestiniens accusent Israël de vouloir changer les règles (le «statu quo») qui régissent les lieux et, au-delà, diviser l'esplanade entre juifs et musulmans. Israël se défend de tels projets.

Réuni à Vienne vendredi, le quartette (Russie, États-Unis, Union européenne, ONU), fondé en 2002 pour jouer le rôle de médiateur dans le conflit israélo-palestinien, a appelé dans un communiqué Israël à coopérer avec la Jordanie.

Le quartette, selon le texte, «encourage Israël à travailler avec la Jordanie au maintien du statu quo», qui prévoit notamment que seuls les musulmans peuvent prier sur le site de l'esplanade.

Le quartette a aussi appelé à «un maximum de retenue et à éviter toutes rhétorique et actions provocatrices».

«Soulèvement populaire»

À Jérusalem, les fidèles interrogés par l'AFP près de l'esplanade des Mosquées savouraient l'instant mais ruminaient de rester soumis au bon vouloir israélien. Beaucoup doutaient que cela suffise à dissiper les tensions et soulignaient que les problèmes fondamentaux des Palestiniens, dont l'occupation israélienne, restaient entiers.

Wissam Abou Madi, 20 ans, n'était plus allé sur l'esplanade depuis trois mois.

«Bien sûr que c'est mieux. Mais les checkpoints sont toujours là et les fouilles continuent», dit-il.

En Cisjordanie, les manifestants ne donnaient aucun signe de vouloir cesser les protestations. «Cela fait 25 ans qu'on négocie. Ces négociations stupides n'ont mené nulle part», a dit à l'AFP un homme de 53 ans à Hébron, qui a préféré taire son nom.

«Ceci est un soulèvement populaire contre l'occupation israélienne», a-t-il ajouté.

Jérusalem, les territoires palestiniens et Israël sont en proie depuis le 1er octobre à une vague de violences qui a coûté la vie à 50 Palestiniens (pour moitié des auteurs d'attentats), à un Arabe israélien et à huit Israéliens.

Un soldat israélien a été légèrement blessé vendredi en Cisjordanie, dans la dernière en date d'une série d'attaques à l'arme blanche de la part de Palestiniens isolés, a dit l'armée. Les camarades du soldat ont ouvert le feu sur son agresseur palestinien, âgé de 17 ans, le blessant grièvement.

Par ailleurs, un Palestinien blessé la semaine dernière par des soldats israéliens à Gaza est mort des suites de ses blessures.