Le premier ministre irakien Haider al-Abadi a supprimé dimanche onze postes ministériels, réduisant ainsi d'un tiers le nombre de portefeuilles au sein de son gouvernement, première mesure concrète d'un vaste plan de réformes destinées notamment à lutter contre la corruption.

Parallèlement, une commission d'enquête parlementaire a jugé l'ancien premier ministre Nouri al-Maliki et 35 autres personnes responsables de la chute en juin 2014 aux mains des djihadistes de la deuxième ville d'Irak, Mossoul, dans un rapport qui sera transmis à la justice.

Le gouvernement avait approuvé le 9 août des réformes majeures prévoyant notamment la suppression des postes des trois vice-premier ministres, à la suite d'une vague de manifestations contre la corruption et la mauvaise gouvernance. Et le Parlement avait approuvé le plan deux jours plus tard.

Selon un communiqué du bureau de M. Abadi diffusé dimanche, le gouvernement a été amputé du ministère des Droits de l'Homme ainsi que de trois postes de ministres d'État dont celui en charge des Droits de la femme et celui des Affaires provinciales et parlementaires.

M. Abadi a également fusionné le ministère des Sciences et Technologies avec le ministère de l'Education supérieure, celui de l'Environnement avec la Santé, celui des Municipalités avec le Logement et la Reconstruction, et le Tourisme et l'Archéologie avec la Culture.

Calmer la rue 

L'un des autres points phares du plan du premier ministre était la suppression des postes des trois vice-présidents, dont Nouri al-Maliki, son principal rival, mais cette mesure nécessiterait un amendement de la Constitution pour être pleinement appliquée, ce qui est peu probable actuellement.

Ces dernières annonces visent à calmer le mécontentement populaire qui s'est exprimé dernièrement à Bagdad et dans le sud du pays lors de rassemblements contre la corruption et l'incompétence de la classe politique, sur fond de coupures quotidiennes d'électricité par des températures dépassant les 50° Celsius.

Elles interviennent alors que le pays est en proie aux violences au nord et à l'ouest de Bagdad où sévit le groupe djihadiste État islamique (EI).

Face à l'offensive fulgurante de l'EI en juin 2014, les forces gouvernementales avaient abandonné en grand nombre leurs positions et pris la fuite, permettant aux djihadistes de mettre la main sur du matériel militaire et de conquérir de larges pans de territoire.

Le député Abdelrahim al-Chammari, membre de la commission parlementaire sur la chute de Mossoul, a affirmé que le nom de M. Maliki, premier ministre de 2006 à 2014, figurait parmi les responsables mentionnés dans le rapport d'enquête.

Plusieurs autres anciens responsables sont cités dans le rapport, dont l'ancien ministre de la Défense Saadoun al-Doulaimi, l'ex-chef d'état-major Babaker Zebari, son adjoint Aboud Qanbar, ou encore l'ancien commandant des forces terrestres Ali Ghaidan.

Le rapport a été présenté au président du Parlement, Salim al-Joubouri qui a indiqué qu'il serait transmis au ministère public en vue d'éventuelles poursuites judiciaires.

«Rendre des comptes» 

«Tout le monde doit rendre des comptes au peuple, et la justice punira» les responsables, a-t-il dit dans un communiqué.

En tant que commandant en chef de l'armée, M. Maliki a joué une part importante dans l'affaiblissement de l'armée, en nommant notamment des commandants choisis pour leur loyauté plutôt que leur compétence, selon plusieurs experts.

Outre de nombreuses régions au nord de Bagdad, l'EI contrôle la majeure partie de la province d'Al-Anbar (ouest) frontalière de la Syrie, dont son chef-lieu Ramadi.

La chute de Ramadi aux mains de l'EI le 17 mai dernier a également fait l'objet d'une enquête d'une commission parlementaire à l'issue de laquelle une liste de responsables, des commandants de l'armée, a été également établie.

Dimanche, M. Abadi a «approuvé les recommandations de la commission d'enquête sur le renvoi devant la justice militaire d'un certain nombre de commandants pour avoir abandonné leurs positions (...) malgré plusieurs ordres leur enjoignant de ne pas se retirer», précise un communiqué officiel.

Si ces commandants sont renvoyés devant la justice militaire, il s'agirait d'une première pour des officiers ayant fui leurs positions depuis le lancement de l'offensive de l'EI en juin 2014.

En dépit du soutien des frappes aériennes de la coalition internationale antidjihadiste, conduite par les États-Unis, les forces gouvernementales n'ont repris que peu de territoires à l'EI.