Le président afghan, Ashraf Ghani, a pour la première fois accusé lundi le Pakistan voisin d'envoyer un «message belliqueux» à son pays, après une série d'attentats des talibans à Kaboul qui remettent en cause la reprise rapide des pourparlers de paix avec les insurgés.

Lors de son accession à la présidence, en septembre, M. Ghani s'était démarqué de son prédécesseur Hamid Karzaï en opérant un rapprochement avec Islamabad pour tenter de mettre fin à la rébellion talibane qui ensanglante l'Afghanistan depuis 2001.

Mais, lors d'une conférence de presse organisée lundi quelques heures après un nouvel attentat des talibans à Kaboul qui a fait cinq morts, le chef de l'État s'est montré sous son jour le plus critique envers le Pakistan. «Nous espérions la paix, mais c'est un message belliqueux que nous envoie le Pakistan», a-t-il lancé.

Selon lui, les attaques de Kaboul prouvent que le Pakistan abrite toujours des «camps d'entraînement de kamikazes et des fabriques de bombes». «Si notre peuple continue à être tué, notre relation avec le Pakistan perdra son sens», a-t-il prévenu dans cette mise en garde directe à son voisin.

«Qu'aurait fait le gouvernement pakistanais si le massacre de Shah Shahid (attentat qui a fait 15 morts jeudi soir à Kaboul, ndlr) s'était déroulé à Islamabad et les responsables étaient en Afghanistan?», s'est-il demandé.

Le Pakistan, qui a encouragé les talibans dans les années 90, est régulièrement accusé de continuer à souffler le chaud et le froid sur l'insurrection, bien qu'il s'en défende et affirme désormais oeuvrer à la réconciliation afghane.

Pour prouver sa bonne foi, le Pakistan a organisé les premiers pourparlers de paix directs entre les talibans et le gouvernement afghan en juillet, mais un second round prévu à la fin du même mois a été reporté sine die après l'annonce de la mort du mollah Omar, qui a aussitôt été remplacé par le mollah Akhtar Mansour à la tête des insurgés.

Selon des observateurs, ce dernier, auquel une partie de la rébellion nie toute légitimité, pourrait vouloir asseoir son autorité par la série d'attentats qui ont ensanglanté Kaboul et ainsi montrer sa détermination à poursuivre le «jihad».

Nouvel attentat à Kaboul

Le dernier attentat-suicide revendiqué par les talibans s'est déroulé lundi à un barrage filtrant l'accès à l'aéroport de la capitale afghane, à une heure de pointe.

L'attaque a tué cinq civils et en a blessé une dizaine d'autres, selon un porte-parole de la police de Kaboul, Ebadullah Karimi. «Elle était destinée à faire de nombreuses victimes parmi les civils», a-t-il ajouté.

Selon un responsable de l'aéroport international de Kaboul, qui s'exprimait sous couvert d'anonymat, tous les vols ont été suspendus «pour les prochaines heures». Et l'autorité pakistanaise de l'aviation civile a annoncé que les vols prévus entre Kaboul et le Pakistan voisin étaient suspendus en raison de cette attaque.

L'attentat a été revendiqué auprès de l'AFP par Zabihullah Mujahid, le porte-parole habituel des insurgés islamistes, selon lequel «deux véhicules appartenant à des troupes étrangères» étaient visés.

Les soldats de l'OTAN, mais aussi et surtout la police et l'armée afghanes, sont les cibles de prédilection des talibans depuis la chute de leur régime en 2001, bien que les civils soient les premières victimes de ces violences. D'après la mission de l'ONU dans le pays (UNAMA), 1592 civils ont été tués et 3329 blessés durant les six premiers mois de l'année 2015 dans des violences qui sont en hausse.

Les talibans sont à l'origine d'au moins deux autres attaques meurtrières commises à Kaboul dans le cadre de cette première vague d'attentats frappant la capitale afghane depuis l'avènement du mollah Mansour. Vendredi soir, un attentat-suicide contre l'académie de police de Kaboul a tué 27 personnes et l'assaut d'une base des forces spéciales américaines a fait 9 morts, dont huit Afghans et un soldat étranger.