Frustrés par l'incapacité des agences de l'ONU d'organiser la distribution de l'aide humanitaire au Yémen, des habitants d'Aden critiquent l'organisation internationale parfois accusée de collusion avec les rebelles chiites des houthis.

Dans la grande ville portuaire du sud, la trêve initiée par l'ONU semble futile aux yeux des résidants confrontés au blocus imposé à certains quartiers par les rebelles chiites.

«Aden est au bord de la famine et on n'a pas besoin de la trêve d'Ismaïl Ould cheikh Ahmed (l'émissaire de l'ONU) mais d'une levée du blocus qui permette de faire entrer dans la ville de l'aide par voies maritime et terrestre», s'emporte Mohammed Mossaed, un activiste de la société civile.

Pour des raisons de sécurité, les agences de l'ONU n'ont pas pu débarquer à Aden des cargaisons d'aides transportées par des navires accostant au large. Les rebelles houthis ont par ailleurs empêché un convoi humanitaire de 50 camions d'entrer en ville, selon un responsable d'un collectif de secours, Adnane al-Kaf.

«En toute franchise, il n'y a pas eu de changement fondamental sur le terrain qui permette de débarquer l'aide à Aden», a déclaré une porte-parole du Programme alimentaire mondial (PAM), Abeer Etefa, en référence à la poursuite des raids de la coalition arabe dirigée par l'Arabie saoudite et des combats entre rebelles et forces pro-gouvernementales.

Selon elle, trois bateaux chargés d'aide attendent toujours au large de la deuxième ville du Yémen.

La trêve était destinée à faciliter l'acheminement d'une aide cruciale à des millions d'habitants. Mais entrée en vigueur vendredi avant minuit et censée durer jusqu'au 17 juillet, elle a été aussitôt violée par les belligérants.

Feu à la raffinerie d'Aden

Le patron de l'ONU Ban Ki-moon est «très déçu» de l'échec de la trêve mais n'a «pas perdu espoir et les discussions continuent en ce moment», a indiqué son porte-parole sans donner de détails sur ces contacts.

À Aden et dans le sud en général, les combats n'ont pas cessé et les avions de la coalition ont continué à bombarder les positions rebelles.

Lundi, un incendie s'est déclaré sur le site de la raffinerie de pétrole d'Aden touché par des tirs rebelles, selon des témoins et un responsable. Des familles ont commencé à fuir le secteur. En outre, la coalition a ciblé les houthis dans la ville.

«De quelle trêve parle l'ONU, alors que nous sommes soumis aux bombardements des houthis et que le prix des tomates et des pommes de terre a été multiplié par six?», s'interroge un habitant, Yasser Mounir Moubarak.

Il résume le sentiment de nombreux résidants d'Aden qui risquent chaque jour leur vie et ne trouvent pas ou difficilement de quoi manger.

«La trêve ne peut que profiter aux houthis. On l'a constaté lors de la première pause pendant laquelle aucune aide n'a atteint Aden alors que tout était acheminé à Hodeïda (port de l'ouest) et accaparé par les houthis», affirme un autre habitant Anis Obbad.

Lever le blocus

Une précédente trêve de cinq jours en mai avait été plus au moins respectée mais les combats avaient ensuite repris de plus belle.

Pour Radfan Dabis, un habitant, «la seule solution» à la crise humanitaire «à Aden est un retrait des houthis et une levée du blocus» qu'ils imposent à des quartiers pour tenter d'en déloger les combattants proches du gouvernement en exil du président Abd Rabbo Mansour Hadi.

L'un des représentants du camp des pro-Hadi va jusqu'à accuser l'ONU de «collusion» avec les houthis.

Nayef Saleh al-Bakri, vice-gouverneur qui préside le «Conseil de résistance d'Aden», a dénoncé l'«incapacité de l'organisation à assurer une protection» pour l'un des navires d'aide mouillant au large d'Aden.

Il s'est étonné de voir l'ONU réussir récemment à faire entrer 38 camions d'aide dans des zones d'Aden contrôlées, selon lui, par les houthis et d'avoir ignoré celles aux mains de leurs adversaires.

De leur côté, les rebelles, soutenus par l'Iran, reprochent à l'ONU de ne pas avoir exercé suffisamment de pressions pour mettre fin aux raids saoudiens.

«L'ONU et la communauté internationale doivent assumer leur responsabilité pour obtenir la fin de l'agression et du blocus imposés au peuple yéménite», a déclaré Saleh al-Sammad, un responsable rebelle.