Les Yéménites attendaient vendredi soir l'entrée en vigueur, juste avant minuit, d'une trêve dans le conflit qui doit permettre aux agences humanitaires de convoyer de l'aide à des millions de personnes en détresse.

Des belligérants ont cependant exprimé leurs doutes sur l'engagement de la partie adverse à la respecter alors que les avions de la coalition menée par l'Arabie saoudite ont continué à bombarder la rébellion chiite des Houthis, qui s'est emparée de vastes territoires dans le pays.

«Nous sommes prêts. Nous étions même prêts avant que la trêve soit déclarée» par les Nations unies jeudi, a expliqué à l'AFP Abeer Etefa, porte-parole du Programme alimentaire mondial (PAM). C'est «notre dernier espoir», a-t-elle ajouté, précisant que deux bateaux remplis de nourriture et de carburant croisaient au large d'Aden.

Le PAM est parvenu depuis une semaine à livrer 9000 tonnes de nourriture à son entrepôt au Yémen et la trêve est maintenant nécessaire pour pouvoir distribuer cette aide ainsi que pour «atteindre toutes les régions du Yémen, peu importe qui les contrôle», d'après Mme Etefa.

Selon elle, près de quarante camions, partis en deux convois vers Aden et Saada, n'ont pas encore pu atteindre leur but à cause de l'état des routes et des problèmes de sécurité.

Les Nations unies ont annoncé que la trêve devait entrer en vigueur vendredi à 23H59 locales et durer jusqu'à la fin du ramadan, mois de jeûne pour les musulmans, prévue le 17 juillet.

Deuxième trêve

«Il est impératif et urgent que l'aide humanitaire atteigne toutes les personnes vulnérables (...) tout au long de la trêve», a déclaré un porte-parole de l'ONU, Stéphane Dujarric, plus d'une semaine après l'inscription du pays au niveau maximal d'urgence sanitaire.

Selon l'ONU, 80% de la population --soit 21 millions de personnes-- ont besoin d'aide ou de protection et plus de 10 millions ont dû mal à se nourrir ou à trouver de l'eau potable à cause d'un conflit qui a fait plus de 3200 morts, dont une moitié de civils, depuis la fin mars.

Une précédente trêve à la mi-mai avait duré cinq jours, mais les combats avaient ensuite repris de plus belle et n'ont pas cessé depuis.

Cette fois-ci, «nous espérons que la trêve mènera à la fin de l'agression saoudienne», a dit Mohammed Ali al-Houthi, qui dirige le Haut comité révolutionnaire, instance suprême de la rébellion chiite.

Soutenus par l'Iran et aidés par des unités de l'armée restées fidèles à l'ex-président Ali Abdallah Saleh, les Houthis ont pris Sanaa et plusieurs régions du nord, du centre et de l'ouest du pays.

«Art de la ruse»

Après avoir pris la capitale en septembre, ils ont avancé et poussé à l'exil le président Hadi, qui a trouvé refuge en Arabie saoudite, déclenchant le 26 mars une campagne de raids aériens menée par Riyad.

Les Houthis «sont maîtres dans l'art de la ruse, même avec la communauté internationale. Leurs groupes militaires sur le terrain ne montrent pas de bonne volonté, ni un engagement sincère à solidifier une trêve humanitaire», a affirmé à l'AFP le ministre yéménite des droits de l'Homme, Ezzedine al-Asbahi, lui aussi en exil à Riyad.

«Je crois que la coalition n'a reçu  (...) aucune preuve d'engagement de l'autre partie», a abondé un responsable saoudien sous couvert de l'anonymat. «Nous pensons que cette pause sera inutile».

Dans la population, l'espoir semblait mince. «On ne veut pas d'une trêve de 5 ou 10 jours, dont nous compterons chaque minute. On veut une solution à la crise au Yémen», lançait Mohammed al-Juhayfi, un habitant de Sanaa.

La coalition n'a pas fait de commentaire sur la trêve, mais ses avions ont continué vendredi à frapper des positions rebelles, notamment au nord de la capitale, à Aden et à Saada, bastion de la rébellion dans le nord du pays, selon des témoins.

Par ailleurs, neuf civils ont été tués quand un raid aérien a visé par erreur une école servant d'abri à des réfugiés dans un village de la province de Lahj (sud), a affirmé un responsable local à l'AFP, ajoutant qu'il s'agissait de la troisième erreur en une semaine.