L'ancien premier ministre Ehud Olmert, figure centrale de la politique israélienne, a été condamné lundi à huit mois de prison ferme pour fraude, poursuivant sa descente aux enfers après avoir dirigé le pays et tenté de faire la paix avec les Palestiniens.

La peine prononcée par un tribunal de Jérusalem est la deuxième condamnation ferme prononcée en l'espace d'un an contre celui qui fut à la tête du gouvernement de 2006 à 2009 et dont la carrière est éclaboussée par les accusations de corruption.

M. Olmert, 69 ans, est condamné à huit mois de prison ferme, huit mois avec sursis et 100 000 shekels d'amende (environ 25 000 dollars) pour avoir perçu et dissimulé des dizaines de milliers de dollars de l'homme d'affaires américain Morris Talansky, une connaissance de longue date, alors qu'il était ministre du Commerce et de l'Industrie (à partir de 2003), dit le jugement.

«Une telle conduite oblige à hisser le drapeau noir et mérite une peine significative et la prison ferme», ont écrit les trois juges du tribunal.

Les avocats de M. Olmert, qui a entendu sa condamnation en chemise bleu azur et les traits tirés, ont immédiatement annoncé qu'ils faisaient appel, ce qui suspend l'application de la peine. Il n'existe «pas de preuve de l'usage personnel qu'Ehud Olmert» aurait fait de cet argent, ont-ils expliqué dans un communiqué.

M. Olmert est déjà, depuis mai 2014, sous le coup d'une condamnation à six ans de prison ferme pour avoir touché des pots-de-vin dans un énorme projet immobilier alors qu'il était maire de Jérusalem (1993-2003). Là aussi, l'application de la peine est soumise à un appel.

Amateur de bonne chère

Le tribunal qui a condamné M. Olmert lundi a prévenu que, si elles étaient confirmées, les deux condamnations se cumuleraient.

Inquiété depuis des années, l'ancien avocat d'affaires, grand amateur de costumes chics, de cigares, de football, de bonne chère et de voyages à l'étranger paraissait pouvoir échapper à la Justice jusqu'en 2014.

Ancien du Likoud (droite), fidèle d'Ariel Sharon qu'il suivit au nouveau parti Kadima (centre droit), M. Olmert lui avait succédé à la tête du gouvernement en 2006 quand une attaque cérébrale foudroya M. Sharon.

Les soupçons avaient contraint M. Olmert à renoncer aux primaires de Kadima (centre droit), ouvrant la voie à l'accession au pouvoir de Benjamin Netanyahu, qui dirige Israël depuis.

Pour de nombreux Israéliens, M. Olmert porte la responsabilité des ratés de la guerre contre le Hezbollah au Liban en juillet-août 2006.

M. Olmert a aussi mené des négociations intensives, mais infructueuses, pour tenter de résoudre le conflit israélo-palestinien. Favorable à la création d'un État palestinien, il était prêt à un retrait israélien de la plus grande part de la Cisjordanie occupée, à des échanges de territoires avec les Palestiniens. Il acceptait aussi que Jérusalem soit la capitale de deux États, israélien et palestinien.

Des efforts qui «méritent l'admiration»

Dans une lettre versée au procès, l'ancien premier ministre britannique et émissaire international pour le Proche-Orient Tony Blair parlait de sa relation d'amitié et de confiance avec M. Olmert et disait, selon la presse israélienne: «Les efforts conscients d'Ehud en faveur de la paix avec les voisins d'Israël méritent l'admiration».

Les juges ont accédé à l'argument et opté pour une «peine légère en raison de la contribution apportée par Ehud Olmert au pays».

Mais, ajoutent-ils, «un homme public, un ministre qui reçoit de l'argent liquide en dollars, les détient dans une caisse secrète et en fait usage à des fins personnelles commet un délit qui porte atteinte à la confiance de la population envers le service public».

Selon le jugement, M. Olmert, alors ministre, a reçu de Morris Talansky au moins 150 000 dollars, et la somme a alimenté une caisse secrète contenant déjà 300 000 dollars provenant de versements en liquide. M. Olmert «décidait seul de l'usage de cet argent. Il a été prouvé que cet argent servait aussi à un usage personnel et privé», disent les juges.

M. Olmert avait initialement été relaxé dans cette affaire. Mais la justice avait rouvert le dossier après que son ex-secrétaire et femme de confiance Shula Zaken eut révélé l'existence d'agendas et d'enregistrements de conversations compromettantes avec M. Olmert.