Riyad a indiqué jeudi vouloir continuer à faire preuve de retenue et à respecter la trêve fragile au Yémen malgré les violations répétées du cessez-le-feu, tandis que l'émissaire de l'ONU au Yémen s'est dit inquiet, exhortant les parties en conflit à respecter la trêve.

De son côté, le gouvernement yéménite a marqué son mécontentement de l'Iran en rappelant son représentant diplomatique à Téhéran.

Entrée en vigueur mardi soir pour une période de cinq jours renouvelables, la trêve est destinée à permettre l'acheminement des aides humanitaires à la population qui manque de tout.

Elle a été initiée par l'Arabie saoudite, chef de file d'une coalition arabe qui a lancé le 26 mars une campagne aérienne pour tenter d'empêcher les rebelles chiites de prendre le contrôle total du Yémen.

La coalition a indiqué avoir choisi la retenue en dépit de violations du cessez-le-feu commises par les rebelles Houthis, soutenus par l'Iran chiite. Des échanges de tirs sporadiques ont eu lieu dans des villes du sud entre rebelles et partisans du président Abd Rabbo Mansour Hadi, réfugié en Arabie saoudite.

«Nous faisons preuve de retenue (...) Nous avons dit que nous allions respecter un cessez-le-feu humanitaire de cinq jours, à la condition que les Houthis respectent ce cessez-le-feu. Malheureusement, ce n'est pas le cas», a déclaré le ministre saoudien des Affaires étrangères, Adel al-Jubeir, évoquant «plus d'une dizaine d'incursions», des tirs de roquette dans les villes frontalières saoudiennes Najran et Jazan et des «accrochages» au Yémen.

Il s'exprimait en marge d'un sommet à Camp David, au nord de Washington, réunissant les États-Unis et les six pays du Conseil de coopération du Golfe (Arabie saoudite, Bahreïn, Emirats arabes unis, Koweït, Oman et Qatar).

«Nous nous sommes abstenus de tirer», a poursuivi le ministre.

A l'issue de sa première mission à Sanaa depuis sa nomination en avril, l'émissaire de l'ONU Ismaïl Ould Cheikh Ahmed s'est de son côté dit «très inquiet des violations de la trêve humanitaire».

Il a exhorté tous les protagonistes à «respecter strictement la cessation des opérations militaires pour la période convenue de cinq jours pour faciliter l'aide humanitaire tant nécessaire».

Chargé de relancer la recherche d'une solution politique au Yémen, il a indiqué avoir rencontré à Sanaa des dirigeants de partis politiques et des représentants de la société civile et avoir l'intention de poursuivre ses consultations pour assurer un «retour à un dialogue entre les Yéménites».

Crise avec l'Iran 

Aidés de militaires restés fidèles à l'ex-président Ali Abdallah Saleh, les Houthis ont lancé en juillet 2014 à partir de leur fief à Saada (nord) une offensive qui leur a permis de s'emparer de vastes zones du centre et de l'ouest du Yémen, y compris la capitale Sanaa en janvier.

Ils ont ensuite progressé dans le sud, entraînant l'intervention de la coalition arabe pour stopper leur avancée et contraignant M. Hadi et une bonne partie de son gouvernement à fuir le pays en Arabie saoudite voisine.

Le gouvernement yéménite n'a cessé, depuis la montée en puissance des Houthis, de dénoncer les «ingérences de l'Iran au Yémen», accusant entre autres Téhéran de livrer des armes aux rebelles chiites.

Jeudi, il a annoncé le rappel de son chargé d'affaires à Téhéran Abdallah al-Sirri pour protester contre les «ingérences et le soutien de l'Iran» aux Houthis, a indiqué à l'AFP le bureau de presse de M. Hadi installé à Riyad.

Tout en reconnaissant soutenir politiquement les Houthis, les autorités iraniennes ont toujours nié armer les rebelles.

Mercredi, le ministre yéménite des Affaires étrangères Riyad Yassine a accusé l'Iran d'avoir envoyé au Yémen un bateau d'aide humanitaire sans l'«accord des autorités légitimes», allant jusqu'à dire que son gouvernement examinait «une rupture des relations diplomatiques avec l'Iran».

Téhéran a finalement dit s'être coordonné avec l'ONU pour décharger dans un port yéménite sa cargaison d'aide.

Ben Rhodes, conseiller en politique étrangère du président Barack Obama, a rappelé la volonté des États-Unis «de voir le cessez-le-feu et la pause humanitaire maintenus et les discussions politiques gagner du terrain».

Distribution difficile 

Le conflit a provoqué une grave crise humanitaire avec des coupures d'eau et d'électricité ainsi que des pénuries de nourriture, de carburant et de médicament. Au moins 1.578 personnes ont été tuées et 6.504 blessées depuis la mi-mars, selon un dernier bilan de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS).

La mobilisation de pays arabes avec un doublement à 540 millions de dollars de l'aide saoudienne et l'envoi de dizaines de tonnes de médicaments et de vivres du Qatar et du Koweït, laisse espérer une opération de secours massive.

Selon le gouvernement yéménite, sept navires transportant des secours ont pu atteindre le Yémen cette semaine et 18 camions-citernes chargés de carburant sont entrés au pays à partir de l'Arabie saoudite.

Un avion d'aide de Médecins sans frontières et un autre de l'ONU ont atterri à l'aéroport international de Sanaa, où les vols ont repris progressivement après la réparation des dégâts, selon un responsable.

Mais la distribution de l'aide pose problème en certains endroits. Un chef local des pro-Hadi Ali al-Ahmadi s'est alarmé de l'absence de toute aide à Aden, la capitale du Sud, où «aucune cargaison n'est arrivée depuis le début de la trêve».

Près de Dhaleh, plus au nord, les Houthis ont confisqué huit camions de vivres destinés à des commerçants, selon un responsable local.