Le secrétaire d'État américain John Kerry est arrivé à Riyad pour discuter avec l'Arabie saoudite d'une éventuelle «pause» dans les opérations militaires au Yémen, où des dizaines de civils ont été tués mercredi en tentant de fuir le conflit.

Le chef de la diplomatie américaine est arrivé de Djibouti, où il bouclait une tournée en Afrique de l'Est. Il a rencontré dans la soirée à Riyad le nouveau prince héritier, Mohammed ben Nayef, et doit s'entretenir jeudi avec le roi Salmane, et le président yéménite en exil, Abd Rabbo Mansour Hadi.

«Nous allons discuter de la nature de la pause et comment elle pourrait être mise en oeuvre», a déclaré M. Kerry devant la presse à Djibouti, exprimant «l'extrême préoccupation» des États-Unis devant «la situation humanitaire au Yémen».

Selon l'ONU, au moins 1200 personnes ont été tuées au Yémen depuis le 19 mars, dont près de la moitié étaient des civils.

«Je suis convaincu de leur volonté de mettre en oeuvre une pause», a ajouté M. Kerry à propos des Saoudiens, proches alliés des États-Unis et fers de lance d'une coalition arabe combattant depuis le 26 mars au Yémen les rebelles chiites Houthis soutenus par l'Iran.

Le secrétaire d'État a précisé avoir déjà évoqué cette semaine cette «pause humanitaire» avec son nouvel homologue saoudien Adel al-Jubeir, qu'il rencontrera jeudi, selon une source diplomatique américaine. Il en a aussi parlé avec le chef de la diplomatie iranienne Mohammad Javad Zarif, a confié un diplomate américain.

Le ministre yéménite des Affaires étrangères, Riyadh Yassin, a indiqué à la presse à Riyad, où il est réfugié, qu'il espérait s'entretenir jeudi avec M. Kerry «surtout au sujet de l'aide humanitaire au Yémen» et de «la façon dont on peut avancer» dans ce domaine.

«Pour l'instant, la crise immédiate est humanitaire», a martelé M. Kerry, annonçant une enveloppe de 68 millions de dollars d'assistance destinée aux organisations humanitaires au Yémen.

Vingt-deux d'entre elles ont d'ailleurs averti qu'elles risquaient de cesser leur aide d'urgence si les voies terrestres, maritimes et aériennes n'étaient pas immédiatement rouvertes pour permettre un approvisionnement en fuel.

L'ONG Oxfam a réclamé «une cessation immédiate et permanente du conflit».

Lundi, Riyad avait dit envisager des trêves ponctuelles dans certaines zones du Yémen pour permettre l'acheminement de l'aide.

Mais les Houthis, qui ont conquis de vastes territoires depuis leur entrée dans la capitale Sanaa en septembre 2014 et ont poussé le président yéménite à l'exil, n'y semblent pas disposés.

Les Houthis sont parvenus mercredi à frapper directement l'Arabie saoudite, tuant cinq personnes dans un bombardement sur la ville frontalière de Najrane. Riyad affirme pourtant que la menace contre son territoire n'a plus cours, après six semaines de raids aériens au Yémen.

La frontière entre les deux pays est le théâtre d'échanges de tirs sporadiques depuis le début de la campagne aérienne de la coalition, fin mars. Douze soldats et gardes-frontières saoudiens sont morts dans ces échanges de tirs et il y a eu au moins une tentative d'incursion de Houthis à la frontière au cours de laquelle des «dizaines de rebelles» ont été tués, selon Riyad.

32 civils tués à Aden 

Le gouvernement yéménite a demandé mercredi une intervention militaire terrestre de la communauté internationale pour «sauver le Yémen».

Dans une lettre adressée au Conseil de sécurité, l'ambassadeur du Yémen à l'ONU Khaled Alyemany dénonce des «atrocités» commises par les Houthis, dont des tirs contre des civils qui tentaient de fuir le pays.

A Aden, 32 personnes ont été tuées et 67 blessées mercredi par des obus alors qu'elle tentaient de fuir les combats par la mer. Un responsable des services de santé a accusé les Houthis d'avoir tiré ces obus sur un port de pêche et une barge utilisée par les habitants d'un quartier pris sous le feu.

La plupart des réfugiés se rendent à Djibouti, juste en face des côtes du Yémen.

John Kerry a «remercié» ce petit pays ultra-stratégique de la Corne de l'Afrique, au bord du détroit de Bab al-Mandeb, notamment pour l'accueil et le transit d'un demi-millier d'Américano-Yéménites ayant fui le Yémen avec leurs familles.

Il a aussi remercié Djibouti pour sa participation militaire à la lutte contre les shebab en Somalie voisine.

«Djibouti est en première ligne dans les efforts contre le terrorisme», s'est félicité le secrétaire d'État, promettant que les États-Unis «continueraient à collaborer étroitement avec le gouvernement de Djibouti sur les stratégies de contre-terrorisme pour toute l'Afrique de l'Est et la péninsule arabique».

Ex-colonie française, Djibouti abrite plusieurs bases militaires étrangères, dont la seule base américaine en Afrique, d'où partent notamment des drones utilisés en Somalie contre les islamistes shebab.

Après l'Arabie saoudite, John Kerry sera à Paris jeudi soir, où il s'entretiendra avec ses homologues des pays du Golfe et participera aux célébrations du 70e anniversaire de la victoire des Alliés du 8 mai 1945.