Dans le «quartier éthiopien» de Ramleh, rien ne transparaît de la colère qui s'est déversée dans la grande ville voisine de Tel-Aviv. Pourtant, ici aussi, on accepte de plus en plus mal d'être traité comme des citoyens de seconde zone.

Ramleh, une cité satellite de Tel-Aviv où vivent 4200 israéliens juifs d'origine éthiopienne sur une population totale d'environ 76 000 habitants, n'a pas été agitée par les heurts sans précédent qui ont mis aux prises les membres de la communauté dimanche à Tel-Aviv ou trois jours auparavant à Jérusalem.

Mais Inbal, rencontrée dans les rues de Ramleh alors qu'elle ramenait son fils de l'école, était bel et bien à la manifestation de Tel-Aviv. Car, à Ramleh aussi, le sentiment est largement répandu d'être considéré à l'école ou au travail en fonction de la couleur noire de sa peau et non pas comme ses citoyens israéliens à part entière, dit-elle.

«Trente ans en Israël et il y a toujours du racisme dans les écoles, dans les jardins d'enfants», dit Inbal, «c'est notre État, et nous y vivons. Mais je ne pense pas que nous fassions vraiment partie de la société».

Ramleh, qui s'enorgueillit de la coexistence entre juifs et Arabes, serait aussi un exemple d'intégration pour ses administrés d'origine éthiopienne, dit Moshe Hette, précisément en charge de l'insertion en tant que directeur du centre communautaire.

Mais même lui est bien obligé de le reconnaître: ailleurs en Israël, «les juifs d'Ethiopie sont en butte à la discrimination. La société israélienne ne reconnaît pas la force de la communauté éthiopienne. Ce n'est un secret pour personne, ni chez les décisionnaires, ni dans les ministères, ni dans les mairies, ni dans la police».

«Nous ressentons un sentiment malsain envers nous depuis maintenant plus de 30 ans», résume-t-il.

«Rien n'a changé» 

Les résidents de son quartier vivent dans de petites maisons dont beaucoup semblent à la limite de l'insalubre, comme tant d'autres des 135 500 juifs éthiopiens d'Israël.

Les exemples de réussite, celle d'entrepreneurs, d'artistes, du député Avraham Nagosa ou de la miss Israël 2013 Yityish Aynaw existent. Mais ils sont rares, en comparaison de tous ceux qui sont confinés à des emplois subalternes.

Le centre que dirige Moshe Hette offre aux habitants des services comme l'aide aux devoirs ou à la conduite d'une voiture. Des femmes s'y affairent dans un atelier de poterie, et un musée expose des costumes, des instruments rendant compte des traditions éthiopiennes.

Le centre porte le nom de Yossi Tabaja, un officier d'origine éthiopienne tué en Cisjordanie en 2000 au début de la seconde Intifada.

Les images qui ont provoqué la colère de la communauté juive éthiopienne -celles du soldat Damas Pakada se faisant molester par des policiers israéliens sans raison apparente il y a une semaine- ont frappé les esprits parce qu'elles ont rappelé à beaucoup des brimades qu'ils ont eux-mêmes subies, de la part de policiers ou de portiers de discothèques. Et parce que les juifs éthiopiens font leur service militaire comme les autres et, pour certains, meurent au combat, comme cela fut le cas lors de la guerre de Gaza en 2014.

Les milliers de participants aux manifestations de Tel-Aviv et Jérusalem sont essentiellement des jeunes nés en Israël qui ne rejettent pas la société israélienne, mais veulent y avoir leur part, disent des représentants de la communauté et des experts. A la manifestation de Jérusalem, les drapeaux israéliens se mêlaient aux drapeaux éthiopiens.

«Je fais partie de la société, mais je ressens le racisme au quotidien, surtout de la part de la police», dit Yoshua, un soldat de 20 ans qui ne veut pas confirmer qu'il a été blessé à Gaza en 2014 comme le disent ses proches. «Depuis 20 ans que je vis ici, j'entends qu'on parle de racisme et rien n'a changé».