Au moins 76 personnes ont été tuées en 24 heures dans le sud du Yémen après plus de trois semaines de combats entre rebelles chiites et forces gouvernementales soutenues par une campagne aérienne arabe, l'ONU réclamant un cessez-le-feu «immédiat».

Les victimes, majoritairement des rebelles, ont été tuées dans des raids aériens de la coalition conduite par l'Arabie saoudite et des combats entre partisans et adversaires du président Abd Rabbo Mansour Hadi, selon des sources concordantes.

Et, d'après un dernier bilan fourni vendredi par l'Organisation mondiale de la Santé, le conflit a fait 767 morts et 2.906 blessés depuis le 19 mars, dont un grand nombre de civils.

Après d'intenses raids nocturnes dans le nord du pays, l'aviation de la coalition a bombardé à deux reprises vendredi un dépôt d'armes à l'est de la capitale Sanaa, selon des témoins.

Des colonnes de fumée se sont élevées du site qui appartient à la Garde républicaine, unité d'élite de l'armée restée fidèle à l'ex-président Ali Abdallah Saleh qui s'est rallié aux rebelles chiites Houthis.

À Taëz (sud-ouest), le palais présidentiel, visé par des raids, a été réduit à l'état de ruines, selon un photographe de l'AFP.

La coalition a aussi bombardé Aden, capitale du Sud, où un chef rebelle a été tué dans une frappe contre sa voiture, selon une source militaire.

Mesurant la gravité de la situation, le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon avait appelé jeudi à une trêve «immédiate» dans ce pays «en feu».

Mais la coalition a réaffirmé sa détermination à poursuivre son opération militaire. «Nous avons besoin de patience et de persévérance. Nous ne sommes pas pressés», a répété vendredi son porte-parole, le général Ahmed Assiri, lors de son point de presse quotidien à Ryad.

Aidés par des militaires pro-Saleh, les Houthis liés à l'Iran ont lancé en juillet 2014 une offensive qui leur a permis de s'emparer totalement de la capitale Sanaa et de plusieurs provinces du nord, du centre et de l'ouest du pays.

7,5 millions d'habitants touchés

Pour tenter de stopper leur progression dans le Sud et les empêcher de prendre le pouvoir dans le pays, la coalition, alliée de M. Hadi, bombarde quotidiennement leurs positions depuis le 26 mars, date de leur entrée à Aden et de la fuite du président en Arabie saoudite voisine.

Les violences ont poussé à la fuite des milliers d'étrangers. L'Allemagne a procédé vendredi à l'évacuation par avion de «plus de 100 personnes», parmi lesquelles des ressortissants allemands et d'autres pays européens.

À Oslo, les autorités ont annoncé la libération d'un journaliste norvégien détenu depuis fin mars au Yémen, où il était soupçonné d'espionnage.

L'ONU et ses partenaires humanitaires ont lancé un appel urgent à une aide internationale de près de 274 millions de dollars pour répondre aux besoins de 7,5 millions d'habitants touchés directement par le conflit (sur une population de plus de 24 millions).

«Des milliers de familles ont fui leurs maisons en raison des combats et des frappes. Les familles ordinaires ont du mal à accéder aux soins de santé, à l'eau, à la nourriture et au carburant», a prévenu le coordinateur humanitaire, Johannes Van Der Klaauw.

À Taëz, malgré les violences, les habitants, privés d'électricité et d'eau courante depuis plusieurs jours, vont s'approvisionner en eau dans les rares puits de la ville, selon un correspondant de l'AFP.

«Il est grand temps de soutenir (l'idée) de couloirs permettant le passage de l'aide qui sauve des vies et de passer à la paix véritable», a dit Ban Ki-moon.

Dans une lettre adressée au secrétaire général de l'ONU, le ministre iranien des Affaires étrangères Mohammed Javad Zarif juge que la situation humanitaire au Yémen est en passe d'atteindre «une ampleur catastrophique».

Il accuse la coalition arabe conduite par l'Arabie saoudite de «cibler essentiellement des infrastructures purement civiles» comme des hôpitaux et des écoles, et de «viser de manière aveugle les zones résidentielles».

Estimant «qu'il n'y a pas de solution militaire à ce conflit», il énumère les quatre points du plan de paix proposé par l'Iran: cessez-le-feu immédiat, accès humanitaire «sans entraves», reprise du «dialogue national» entre tous les protagonistes de cette crise et «formation d'un gouvernement d'union nationale».

Al-Qaïda en profite

Présenté comme l'instigateur de l'offensive de la rébellion, l'ex-président Saleh a démenti les rumeurs lui prêtant la volonté de s'exiler. «Je ne suis pas le genre de personne à chercher à s'installer à Jeddah ou à Paris (...). Personne n'ose me demander de quitter mon pays natal», a-t-il tweeté.

Le chaos dans ce pays pauvre de la péninsule arabique a profité à Al-Qaïda, qui a étendu sa présence dans le sud-est du Yémen en s'emparant vendredi d'un camp militaire à Moukalla, chef-lieu de la province du Hadramout et désormais entièrement sous son contrôle.

Dans le même temps, des tribus ont pris le contrôle des champs pétrolifères de Masila, au lendemain de la prise du terminal pétrolier d'Al-Chehr, quelque 150 km plus au sud, selon un chef tribal.