L'Iran et l'Arabie saoudite se sont mutuellement accusés mardi de déstabiliser le Yémen où la coalition arabe menée par Ryad a intensifié ses raids aériens, alors que se profile une crise humanitaire majeure.

Le Fonds des Nations unies pour l'enfance (UNICEF) a déploré la mort de 62 enfants dans les combats depuis une semaine au Yémen, qui ont «gravement endommagé les services sanitaires les plus rudimentaires». Le Haut-Commissaire de l'ONU aux droits de l'Homme a lui averti que «le pays semble être au bord de l'effondrement total».

La capitale yéménite a subi mardi avant l'aube les frappes les plus violentes depuis le déclenchement le 26 mars de raids aériens menés par l'Arabie saoudite contre des rebelles chiites pro-iraniens, alliés à des militaires restés fidèles à l'ex-président Ali Abdallah Saleh.

«De fortes explosions ont résonné toute la nuit. C'était horrible», a témoigné un habitant, Assem al-Sabri.

Le ton est monté entre Ryad et Téhéran, alors que tous les regards étaient tournés vers Lausanne et l'issue des négociations sur le nucléaire iranien.

Le ministre saoudien des Affaires étrangères Saoud al-Fayçal a eu des mots très durs contre les rebelles chiites Houthis, M. Saleh et l'Iran, qu'il a tenus pour responsables du conflit.

«Les miliciens chiites et l'ex-président Saleh ont, avec le soutien de l'Iran, cherché à déstabiliser le Yémen» a-t-il déclaré. «Nous ne sommes pas des va-t-en guerre mais, dès lors que l'on bat les tambours de la guerre, nous y sommes prêts».

«Le feu de la guerre» 

En écho, l'Iran a averti que l'opération au Yémen pourrait embraser le Moyen-Orient.

«Le feu de la guerre» poussera «toute la région à jouer avec le feu», a déclaré le vice-ministre iranien des Affaires étrangères Hossein Amir-Abdollahian, ajoutant: «les opérations militaires doivent s'arrêter immédiatement».

L'Iran a annoncé l'envoi au Yémen d'une aide comprenant «19 tonnes de médicaments et de matériel de santé, des produits vitaux et deux tonnes de nourriture».

Téhéran est accusé par plusieurs pays arabes de chercher à accroître son influence au Moyen-Orient en soutenant les Houthis.

Après être entrés dans la capitale Sanaa en septembre, les Houthis ont conquis des régions dans le centre, l'ouest et le sud, jusqu'à menacer Aden, la deuxième ville du pays, entraînant le début des frappes.

L'ONU a évacué ses derniers employés étrangers du Yémen et installé son émissaire Jamal Benomar en Jordanie, selon un porte-parole.

Les raids d'une extrême violence se sont concentrés dans la nuit de lundi à mardi sur des positions de la Garde républicaine, corps d'armée resté fidèle à l'ex-président Saleh.

L'objectif premier de la coalition, qui comprend neuf pays arabes, est d'affaiblir les infrastructures militaires des Houthis et de leurs alliés.

Une intervention au sol, présentée par des experts comme indispensable pour repousser les Houthis, n'est «pas nécessaire» pour l'instant, a estimé le porte-parole saoudien de la coalition, le général Ahmed Assiri, tout en soulignant qu'une telle nécessité pouvait apparaître «à tout moment».

Il a également implicitement admis la responsabilité de la coalition dans un raid qui a fait 40 morts lundi dans le camp de déplacés d'Al-Mazrak, au nord-ouest du Yémen. «La coalition a été visée par des miliciens depuis une zone résidentielle et l'aviation a dû répliquer», a dit le porte-parole.

«Les dommages collatéraux peuvent se produire», a déploré M. Assiri après des critiques d'Amnesty International, selon qui au moins six civils figurent parmi quatorze personnes brûlées vives après un raid de la coalition visant une cible Houthie mardi dans la province d'Ibb (centre du Yémen).

Aide médicale bloquée

L'Union européenne à Bruxelles, et le Haut Commissariat de l'ONU aux droits de l'Homme à Genève ont décrié cette attaque et d'autres ayant touché des civils.

L'ONU a dénoncé en particulier une attaque contre trois hôpitaux à Daleh (sud), par la 33ème division blindée, favorable à l'ex-président Saleh, et des Houthis.

Le QG de la 33ème division a subi mardi un raid de la coalition qui a fait 32 morts parmi ses soldats, a affirmé à l'AFP une source médicale.

Les violences secouent Aden où dix personnes, dont des civils, ont été tuées dans des tirs des rebelles, selon une source médicale.

Médecins sans frontières (MSF) a annoncé avoir «traité plus de 550 blessés depuis le 19 mars à la suite d'affrontements à Aden, Lahej et d'autres régions du sud».

Le Comité international de la Croix-Rouge a indiqué mardi ne pas avoir obtenu les garanties de sécurité nécessaires pour faire atterrir au Yémen un avion chargé de matériel médical.

Dans ce contexte, l'Agence européenne de la sécurité aérienne (EASA) a recommandé aux compagnies aériennes d'éviter le survol du Yémen.