Des avions de la coalition menée par l'Arabie saoudite ont lancé de nouvelles frappes jeudi soir au Yémen contre les rebelles chiites soutenus par l'Iran, qui a dénoncé une intervention «dangereuse».

De fortes explosions ont secoué en soirée la capitale Sanaa. Un correspondant de l'AFP a fait état de tirs de la défense antiaérienne en réponse à ce que des témoins ont décrit comme des frappes de la coalition contre une base à l'entrée ouest de Sanaa, tenue par les rebelles chiites Houthis.

Les premiers raids de l'opération «Tempête décisive» ont été qualifiés de «succès» et se prolongeront jusqu'à ce que les «objectifs» soient atteints, a déclaré à Ryad un porte-parole de la coalition, affirmant qu'il n'y avait pas de projet d'offensive terrestre dans l'immédiat.

Mais le chef des rebelles, Abdel Malek al-Houthi, condamnant une «invasion», a averti que les «Yéménites ne vont pas rester sans réagir».

L'Iran a mis en garde contre une propagation du conflit, son président Hassan Rohani condamnant une «agression» militaire.

En pleines négociations sur le nucléaire avec Téhéran, les États-Unis ont apporté leur soutien à l'intervention, sans toutefois y participer directement. La Maison-Blanche s'est déclarée inquiète des «activités iraniennes» au Yémen, parlant d'informations sur «le transfert iranien d'armes» dans ce pays.

Le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon a affirmé que la négociation était «la seule solution» pour résoudre la crise, alors que l'Union européenne s'est inquiétée des «risques de graves conséquences régionales».

La plupart des pays arabes ont serré les rangs derrière l'Arabie saoudite et réaffirmé leur soutien au président yéménite reconnu par la communauté internationale, Abd Rabbo Mansour Hadi.

Ce dernier est arrivé jeudi à Ryad, selon l'agence officielle SPA, en route pour participer au sommet annuel arabe qui s'ouvrira samedi en Égypte.

Pas de troupes au sol pour l'instant

M. Hadi avait été ces derniers jours au centre de nombreuses spéculations, notamment sur le point de savoir s'il était encore présent à Aden, alors que des forces antigouvernementales se rapprochaient de cette grande ville du sud où il était retranché depuis février après la prise de Sanaa par les rebelles Houthis.

L'opération militaire a été déclenchée dans la nuit de mercredi à jeudi par des frappes saoudiennes sur différentes positions des Houthis.

Des habitants de la capitale Sanaa ont fait état de violentes explosions. Certains ont décidé de fuir par crainte de nouveaux raids. «Je m'en vais avec ma famille» car «Sanaa n'est plus sûre», a témoigné Mohamed, un habitant.

Jeudi soir, de nouvelles frappes ont visé une base militaire près de Taëz, la troisième ville du pays, sur la route entre la capitale Sanaa et Aden, dans le sud, selon des sources officielles et des témoins.

Les rebelles chiites et leurs alliés tentent de progresser pour étendre leur zone d'influence dans le sud du pays où la base aérienne d'Al-Anad a été la cible de deux raids aériens, selon des sources militaires. Elle avait été prise par les rebelles mercredi.

Un autre raid a visé une base des forces spéciales alliées aux Houthis à Qatabah, à 120 km au nord d'Aden, d'après des habitants du secteur.

L'Arabie saoudite a mobilisé 150 000 militaires et 100 avions de combat, tandis que les Émirats arabes unis ont engagé 30 avions de combat, Koweït 15 appareils et le Qatar 10, a indiqué Al-Arabiya, chaîne de télévision à capitaux saoudiens. Bahreïn a annoncé participer avec 12 avions.

L'opération mobilise également l'Égypte - avec son aviation et sa marine -, la Jordanie, le Soudan, le Pakistan et le Maroc, selon Ryad.

Le déploiement de troupes au sol n'est pas prévu, a précisé le porte-parole de la coalition.

L'intervention militaire fait suite à plusieurs appels à l'aide émanant du gouvernement yéménite, incapable de faire face à l'avancée des rebelles.

Elle «vise à défendre le gouvernement légitime du Yémen et à empêcher le mouvement radical houthi de prendre le contrôle du pays», a expliqué l'ambassadeur saoudien aux États-Unis, Adel al-Jubeir.

Les premiers raids ont notamment permis de «détruire les défenses aériennes des rebelles houthis, (et) la base aérienne Al-Daïlami attenante à l'aéroport de Sanaa», selon SPA.

Des forces loyales au président ont en outre repris l'aéroport d'Aden, passé la veille sous le contrôle des forces antigouvernementales.

Inquiétude pour les civils

Les bombardements avant l'aube ont fait au moins 14 morts civils à Sanaa, selon la défense civile. Amnesty International a fait état de 25 morts à Sanaa, dont six enfants.

À Londres et New York, l'intervention militaire au Yémen a entraîné une hausse des cours du pétrole. Les marchés ont réagi avec inquiétude à l'entrée en guerre du principal exportateur mondial de pétrole, l'Arabie saoudite, et aux répercussions possibles du conflit sur le contrôle du détroit de Bab al-Mandeb, qui voit passer près de trois millions de barils par jour de brut.

La crise au Yémen s'est envenimée depuis septembre 2014 quand les Houthis ont déferlé sur Sanaa pour y contester le pouvoir de M. Hadi et dénoncer un projet de Constitution sur un État fédéral qui priverait son fief dans le nord d'un accès à la mer.

Pour les experts, le Yémen est le théâtre d'une guerre par procuration entre l'Iran chiite et le royaume saoudien sunnite, qui risque d'aboutir à une désintégration du pays.

À cela s'ajoute la poursuite d'attaques d'Al-Qaïda dans la péninsule arabique (Aqpa). Pour ajouter au chaos, le groupe jihadiste Etat islamique a récemment revendiqué des attentats suicide ayant fait 140 morts à Sanaa.



La Ligue arabe apporte son «soutien total»

Le secrétaire général de la Ligue arabe Nabil al-Arabi a exprimé jeudi son «soutien total» à l'intervention militaire conduite par l'Arabie saoudite pour défendre le président du Yémen face à l'avancée des rebelles chiites Houthis.

«C'est une opération contre des cibles appartenant aux Houthis qui ont mené un coup d'État», a jugé M. Arabi durant une réunion des chefs de la diplomatie arabes préparant le sommet annuel de la Ligue qui doit s'ouvrir samedi, dans la station balnéaire égyptienne de Charm el-Cheikh.

Les autorités yéménites avaient appelé mercredi à une intervention militaire «urgente» et l'Arabie saoudite a lancé dans la nuit ses avions de combat pour bombarder des positions des Houthis, notamment à Sanaa, dans une opération militaire «impliquant plus de 10 pays», selon elle.

Durant la réunion de jeudi, les chefs de la diplomatie de l'Égypte et du Koweït ont affirmé que l'intervention au Yémen était une nécessité.

L'offensive des Houthis «nous a obligé à répondre rapidement et à adopter les mesures nécessaires pour rétablir la paix et la sécurité», a indiqué le ministre des Affaires étrangères du Koweït Cheikh Sabah al-Khaled al-Sabah.

Son homologue égyptien Sameh Choukri a estimé de son côté qu'«il était nécessaire qu'une coalition de pays arabes réponde à l'appel du président yéménite».