La milice chiite des Houthis au Yémen a acheminé de nouveaux renforts vers le sud du pays et livré combat à des tribus à l'est lundi, après une déclaration de l'émissaire de l'ONU mettant en garde contre une guerre civile.

Alors que le Yémen s'enfonce dans le chaos avec un territoire morcelé et des violences impliquant plusieurs groupes armés, le Conseil de sécurité a appelé à reconnaître la «légitimité» du président contesté Abd Rabbo Mansour Hadi et à préserver «l'unité» du pays.

Proches de l'Iran chiite, les Houthis contrôlent le nord du Yémen et depuis février la totalité de la capitale Sanaa. Le sud du pays est dominé par les partisans de M. Hadi, qui s'est réfugié à Aden après sa fuite de Sanaa.

Les belligérants ont continué à mobiliser leurs troupes malgré les appels à la désescalade.

Les Houthis ont envoyé des renforts vers le sud, avec comme objectif Aden, deuxième ville du pays, mais leur progression se heurte à la résistance de tribus, selon des sources sécuritaires.

Sur le chemin d'Aden, des unités des forces spéciales proches des Houthis ont pris dimanche le contrôle de l'aéroport de Taëz, troisième ville du pays, et la base militaire attenante. Quatre habitants ont été blessés par des tirs lors d'une nouvelle manifestation pour réclamer le départ des forces spéciales, selon des témoins.

Une conquête totale de la ville de Taëz permettrait aussi aux Houthis d'avancer vers le détroit stratégique de Bab al-Mendeb, à l'embouchure du Golfe d'Aden et de la mer Rouge, une importante voie maritime pour le commerce international.

Au sud de Taëz, deux convois de Houthis ont dû rebrousser chemin après des affrontements avec des tribus, selon des responsables locaux.

Et dans la province de Marib, à l'est de Sanaa, des tribus sunnites ont repoussé un convoi des Houthis au prix de violents combats qui ont fait «des dizaines de morts», dont six membres de tribus, selon des sources tribales. Il n'était pas possible de confirmer ce bilan.

«Pas le drapeau iranien»

La milice chiite bénéficie de puissants soutiens dans l'armée parmi les fidèles de l'ex-président Ali Abdallah Saleh, au pouvoir de 1978 à 2012. Ce dernier a fait cause commune avec les Houthis aux dépens de M. Hadi, soutenu, lui, par les monarchies sunnites du Golfe dont l'Arabie saoudite.

Le ministre saoudien des Affaires étrangères, Saoud Al-Fayçal, a d'ailleurs sommé lundi les Houthis de mettre fin à leur «coup d'État», de se retirer de «tous les bâtiments publics» et de permettre «le rétablissement du gouvernement légitime».

Face à la progression des Houthis, Aden se prépare.

Selon des sources de sécurité, les troupes fidèles à M. Hadi, soutenues par des tribus et des membres des «comités populaires» (supplétifs de l'armée), renforcent les défenses de la ville, en établissaient notamment une ceinture de sécurité.

Le ministre de la Défense Mahmoud al-Soubeihi a inspecté les forces pro-Hadi entre les provinces de Lahej (sud) et Taëz, et les a exhortées à renforcer leurs positions pour «contrer toute avancée des Houthis».

M. Hadi a promis de tout faire pour que ce soit «le drapeau de la République du Yémen (qui) flotte sur les montagnes de Maran (bastion des Houthis) à Saada, et non pas le drapeau iranien».

«Scénario libyen ou syrien» 

Face à lui, le chef des Houthis, Abdel Malek al-Houthi, a invité «le grand peuple du Yémen» à s'enrôler dans sa milice, justifiant l'avancée de ses combattants vers le sud au nom de la lutte contre les extrémistes sunnites d'Al-Qaïda et du groupe État islamique (EI).

Alors qu'Al-Qaïda dans la péninsule arabique (Aqpa), bien implantée dans le sud du Yémen, est considérée comme la branche la plus dangereuse du réseau, l'EI a revendiqué les attentats suicide anti-Houthis ayant fait 142 morts vendredi à Sanaa.

Le groupe djihadiste a mis lundi en ligne des photos des cinq kamikazes, précisant que quatre d'entre eux étaient originaires d'Ibb et le cinquième de Sanaa.

Signe de son activisme croissant au détriment d'Al-Qaïda, l'EI a affirmé avoir tué 29 membres des forces de sécurité dans la province de Lahej, la deuxième «wilaya» qu'il revendique dans ce pays après celle de Sanaa.

Lors de la réunion du Conseil de sécurité, l'émissaire de l'ONU Jamal Benomar a prévenu dimanche que le Yémen s'acheminait vers «une guerre civile» et risquait la «dislocation» avec «une division croissante entre le nord et le sud». Continuer les hostilités mènera «à un scénario libyen ou syrien».