Benyamin Nétanyahou était assuré lundi d'une claire majorité de droite parmi les 120 députés du nouveau Parlement pour former le prochain gouvernement israélien, a indiqué la présidence.

Au moins 67 parlementaires sur un total de 120 ont soutenu le premier ministre sortant auprès du président Reuven Rivlin pour qu'il le charge de former le nouveau gouvernement, a dit le porte-parole de la présidence Jason Pearlman.

Le président invitera mercredi soir M. Nétanyahou, en poste depuis 2009, pour le charger officiellement de la formation du gouvernement, a dit M. Pearlman.

M. Nétanyahou a rallié le soutien des députés de son parti de droite (le Likoud), des deux partis nationalistes (Foyer juif, Israël Beiteinou), de deux formations ultra-orthodoxes (Shass et Liste Unifiée de la Torah) et du parti de centre droit Koulanou.

Une campagne qui a laissé des traces

Deux artistes connus pour leurs positions de gauche ont été pris à partie en quelques jours en Israël, suscitant l'inquiétude devant les divisions qu'aurait causées la campagne électorale achevée par le triomphe de Benyamin Nétanyahou.

La chanteuse israélienne Noa, connue pour son engagement pour la paix avec les Palestiniens, a été menacée et insultée à l'aéroport de Tel-Aviv, incident révélateur du climat postélectoral dans le pays, dit-elle sur sa page Facebook. Avant elle, l'écrivain Yonatan Gefen a été agressé chez lui.

Ces incidents ont conduit le président Reuven Rivlin à affirmer la nécessité de tourner la page de cette campagne.

Achinoam Nini, chanteuse israélienne d'origine yéménite plus connue sous le nom de Noa, est rentrée il y a quelques jours de tournée en Italie et dit avoir «eu droit à un beau comité d'accueil à l'aéroport».

«Ils ont crié: Voilà Achinoam Nini, l'israélophobe!», rapporte-t-elle. Il s'agissait apparemment du mouvement spontané de quelques personnes qui l'ont reconnue dans le hall d'arrivée de l'aéroport, a-t-elle dit dans la presse.

«Nous allons nous occuper de toi comme nous nous sommes occupés de Gefen», lui ont-ils lancé, selon son récit sur Facebook.

«Bienvenue dans le cauchemar»

Vendredi après-midi, un inconnu est venu chez l'écrivain Yonatan Gefen, de gauche lui aussi, a tenté de le frapper et l'a traité de «traître» et de «gauchiste».

Yonatan Gefen avait écrit sur sa page Facebook après le triomphe de Benyamin Nétanyahou aux élections parlementaires du 17 mars que cette date devrait rester comme la «Nakba» du camp de la paix.

La Nakba («catastrophe» en arabe) est le terme employé par les Palestiniens pour parler de la création de l'État d'Israël.

«C'est sympa, hein?», dit Noa sur sa page Facebook. «Bienvenue dans le cauchemar dans lequel nous nous sommes réveillés», ajoute-t-elle.

La victoire de M. Nétanyahou et de la droite a laissé la gauche sous le choc. Les sondages accordaient une solide avance à la liste de centre gauche conduite par le travailliste Isaac Herzog. Rarement une campagne israélienne a volé aussi bas, conviennent les politologues. Les derniers jours de campagne ont été marqués par la virulence de ton de M. Nétanyahou contre M. Herzog, son alliée Tzipi Livni et la gauche.

Pour rallier les électeurs de droite et les indécis, M. Nétanyahou a enterré l'idée d'un État palestinien s'il restait premier ministre, il a brandi le spectre d'un vote arabe massif, et a décrit M. Herzog et Mme Livni comme appartenant au camp de la capitulation face aux pressions internationales et palestiniennes.

«Embrasseurs d'amulettes»

La campagne laisse les relations avec le grand allié américain en mauvais état. Plusieurs responsables se sont alarmés des traces laissées dans la société israélienne.

Noa, âgée de 45 ans, collabore fréquemment avec des artistes palestiniens, et avec la chanteuse arabe israélienne Mira Awad.

Elle a exprimé à plusieurs reprises ses convictions de gauche et son engagement pour la paix. Elle avait participé au grand concert pour la paix à Tel-Aviv à l'issue duquel le premier ministre israélien Yitzhak Rabin avait été assassiné en 1995.

Deux autres artistes ont provoqué la colère d'une partie des Israéliens pendant la campagne, en tenant des propos jugés provocateurs et antireligieux.

Lors d'une grande manifestation du centre gauche à Tel-Aviv, l'artiste polyvalent Yaïr Gerbuz avait qualifié les électeurs de droite d'individus «hurlant "mort aux Arabes"», de «voleurs, corrompus... embrasseurs d'amulette idolâtres».

Devant le tollé provoqué par ses propos, le dramaturge Yehoshua Sobol est venu à son secours et a qualifié de «stupides» ceux «qui embrassent des mézouzas», ces rouleaux de parchemin comportant des passages bibliques et placés à l'entrée des maisons des juifs observants.

«Nous sortons d'une campagne électorale tumultueuse et vous avez le pouvoir en tant que représentants du public d'apporter la réconciliation», a dit lundi le président Rivlin lors de ses consultations avec les futurs députés pour choisir celui qui formera le nouveau gouvernement.

«Les mots peuvent se transformer en actes», s'est inquiété sur la radio publique le chef de la police Yohanan Danino. Il a appelé les responsables politiques à «calmer les esprits».

-Avec Delphine Matthieussent