Le premier ministre israélien sortant Benyamin Nétanyahou a radicalement fait monter les enchères lundi, à la veille d'élections parlementaires très incertaines, en écartant pour la première fois aussi clairement la création d'un État palestinien s'il est réélu.

Dans les dernières heures de la campagne et sous la pression de sondages défavorables, M. Nétanyahou a donné un sévère coup de barre à droite pour mobiliser indécis et déçus. Ses propos contre un État palestinien, un acte de défi envers la communauté internationale, constituent son rejet le plus explicite d'une solution à deux Etats depuis longtemps.

Au cours d'une ultime offensive médiatique, M. Nétanyahou a aussi tenté de mettre les questions controversées de Jérusalem et de la colonisation au coeur du débat. Il a promis de continuer à construire des logements pour colons à Jérusalem-Est, partie palestinienne annexée et occupée de la ville, avec le but déclaré d'empêcher que les Palestiniens n'y établissent la capitale de l'État auquel ils aspirent.

Son principal adversaire, le travailliste Isaac Herzog, s'est montré plus retenu, tout en déclarant que les grands blocs de colonies en Cisjordanie devaient rester israéliens et en rejetant une partition de Jérusalem.

Les législatives sont dans une large mesure un référendum pour ou contre M. Nétanyahou, 65 ans, premier ministre depuis mars 2009, et au pouvoir pendant presque une décennie en comptant le premier de ses trois mandats, de 1996 à 1999.

Coalition

Mardi, 5,88 millions d'électeurs israéliens sont appelés à choisir leurs 120 députés de 5 h GMT à 20 h GMT (1 h à 16 h, heure de l'Est). Ils devraient avoir dans la nuit de mardi à mercredi une idée assez précise de la composition de la 20e Knesset. Les résultats définitifs sont attendus d'ici jeudi après-midi, a indiqué à l'AFP le porte-parole de la commission électorale.

Mais, vu la dispersion des voix et la complexité des alliances possibles, les Israéliens risquent de ne pas connaître le nom de leur prochain chef de gouvernement avant plusieurs jours, voire plusieurs semaines.

Dans le système israélien, ce n'est pas forcément le chef de la liste arrivée en tête qui est appelé à former le gouvernement mais celui, parmi les 120 députés élus, qui sera le plus à même de constituer une coalition. Les derniers sondages vendredi donnaient une avance de quatre sièges à la liste conduite par M. Herzog (25 ou 26) sur celle du Likoud de M. Nétanyahou (21 ou 22).

Pendant des semaines, M. Nétanyahou s'est promu en meilleur rempart contre les menaces de l'extrémisme islamiste et d'un Iran détenteur de l'arme nucléaire. De leur côté, M. Herzog, 54 ans, et son alliée centriste Tzipi Livni, 56 ans, l'ont attaqué sur la cherté de la vie et des logements, et sur les fortes disparités sociales.

Washington pour deux États

Lundi, M. Nétanyahou a haussé la rhétorique de plusieurs tons sur le conflit israélo-palestinien, relégué au second plan pendant quasiment toute la campagne.

Créer un État palestinien aujourd'hui dans le contexte régional, c'est l'assurance que les territoires cédés tomberont entre les mains des extrémistes, a-t-il martelé dans différentes interviews. «Telle est la réalité qui s'est imposée ces dernières années. Celui qui n'en tient pas compte joue les autruches», a-t-il dit au site d'information NRG.

«C'est exact», a-t-il répondu à NRG qui lui demandait si cela signifiait qu'il n'y aurait pas d'État palestinien s'il conservait son poste.

Tout en s'abstenant de prendre position dans le scrutin, le président américain Barack Obama reste «attaché à une solution à deux États» israélien et palestinien, a indiqué le secrétaire d'État américain John Kerry.

De son côté, le négociateur palestinien en chef Saëb Erakat a accusé Benyamin Nétanyahou d'avoir «tout fait pour enterrer la solution à deux États».

Symboliquement, M. Nétanyahou a réservé son dernier déplacement significatif à l'une des colonies les plus contestées, celle de Har Homa, aux confins des quartiers palestiniens de Jérusalem-Est et du sud de la Cisjordanie.

La communauté internationale considère comme illégale la colonisation dans les territoires occupés ou annexés par Israël depuis 1967.

Isaac Herzog a réfuté les accusations de M. Nétanyahou quant à une partition de Jérusalem. Jérusalem est «la capitale d'Israël pour l'éternité, elle doit rester réunifiée dans tout accord» avec les Palestiniens, a-t-il dit à la radio publique. Il a accusé M. Nétanyahou d'être responsable de «l'impasse totale» dans laquelle se trouvent les efforts de paix.

Il a en revanche annoncé que son alliée Tzipi Livni avait renoncé à occuper le poste de premier ministre à mi-mandat en cas de victoire commune, afin d'augmenter les chances de victoire du centre gauche.