Le Front al-Nosra, un des principaux groupes armés de Syrie, a affiché lundi son attachement à al-Qaïda et démenti toute intention de quitter le réseau extrémiste pour gagner le soutien de l'Occident et des pays du Golfe.

Al-Nosra «dément totalement toute information sur une rupture avec al-Qaïda» dans un communiqué publié via son compte twitter.

Branche syrienne d'al-Qaïda en Syrie depuis avril 2013, cette organisation occupe une position dominante dans le nord-ouest de la Syrie, en dépit des raids meurtriers de la coalition antidjihadistes conduite par les États-Unis, estiment les experts.

L'idée d'une rupture d'al-Nosra avec al-Qaïda a émergé au printemps 2014 à Deir Ezzor. Dans cette province de l'Est syrien, face à l'avancée des frères ennemis du groupe État islamique, la branche locale d'al-Nosra s'était alliée avec des factions du Front islamique et de l'Armée syrienne libre (ASL), mouvements rebelles considérés comme plus modérés, qui ont reçu des soutiens des Occidentaux et des monarchies pétrolières du Golfe.

Mais cette idée de rupture «a fait long feu», affirme Thomas Pierret, maître de conférence à l'université d'Édimbourg.

Celui qui la défendait est l'ancien mufti du groupe, Abou Mariya al-Qahtani, connu pour incarner l'aile «modérée» d'al-Nosra, aujourd'hui basé à Deraa (sud), mais marginalisé. Après sa défaite face à l'EI à Deir Ezzor, il a été remplacé par un faucon, le Jordanien Sami al-Oraydi, et la ligne s'est considérablement durcie.

«Les dynamiques internes du Front al-Nosra depuis l'été 2014 ne pointent pas du tout vers une dynamique de modération et une rupture avec Al Qaïda», a souligné M. Pierret.

La rumeur d'une prochaine rupture avec al-Qaïda avait pris de l'ampleur ces dernières semaines sur les réseaux sociaux, entraînant le démenti officiel cinglant publié mardi par l'organisation djihadiste.

«Le Front al-Nosra était et reste toujours le fer de lance des djihadistes sur la terre d'al-Cham (le Levant, NDLR), le premier dans les batailles, attaché à unifier les rangs autour de la charia», la loi islamique, affirme le groupe dans son communiqué.

Il dément aussi «totalement toute information sur une réunion avec les services de renseignement qataris et autres, ou sur la recherche de financement qatari ou du Golfe, car cela est contraire aux principes sur lesquels s'est basé al-Nosra depuis le début»

Pour Thomas Pierret, spécialiste de l'Islam en Syrie, «la ''fuite'' vient selon toute vraisemblance du Qatar, qui paraît vouloir forcer la main d'al-Nosra».

Né en janvier 2012, quelques mois après le début du soulèvement contre le régime de Bachar al-Assad, le Front a-Nosra est d'abord formé de djihadistes ayant combattu en Irak, dont le chef Abou Mohammad al-Jolani.

Selon les experts, le Qatar souhaite que se regroupent les rebelles dits modérés, ainsi qu'al-Nosra à condition que ce groupe renonce au label d'al-Qaïda.

Un point de vue partagé par Romain Caillet, expert des mouvements djihadistes. «L'écrasante majorité des membres d'al-Nosra veulent rester dans al-Qaïda et particulièrement les combattants étrangers, qui représentent au moins un tiers de l'organisation», a-t-il ajouté.

Une source au sein des services de sécurité libanais affirme qu'il y a eu débat il y a quelques mois sur une rupture, mais le chef al-Jolani et les principaux dirigeants «ont refusé par peur de perdre de leur popularité en perdant le label al-Qaïda». Ils craignent également que «si le groupe est financé par le Qatar, Doha exigera en contrepartie qu'il soit en première ligne dans la lutte contre les djihadistes de l'EI, ce qu'al-Nosra ne veut pas», a poursuivi cette source.

Un des groupes les mieux organisés et les plus disciplinés, al-Nosra, qui bénéficie d'un soutien plus important de la population que l'EI, a été la cible ces dernières semaines des raids de la coalition conduite par les États-Unis. Plusieurs de ses cadres ont trouvé la mort, dont le commandant militaire Abou Hammam al-Chami, un vétéran de la guerre en Afghanistan.

Pour M. Caillet, «Nosra subit des coups très durs, mais cela ne l'empêche pas de progresser et de s'implanter. Quand il est trop faible, il s'allie avec les autres groupes rebelles comme à Alep ou dans le sud, mais quand il est le plus fort, il se débarrasse de ses rivaux comme dans la province nord-ouest d'Idleb où il veut créer un émirat» à l'instar du califat autoproclamé par l'EI.