Les Israéliens élisent leur Parlement dans moins d'un mois, mais le train de vie du premier ministre et la conduite de sa femme ont jusqu'ici relégué, au second plan dans la campagne, les défis sociaux et les menaces sécuritaires auxquels le prochain gouvernement fera face.

Pas de grands rassemblements ni de débats de fond : entre les vidéos caricaturales sur les réseaux sociaux, les slogans simplistes et les brocards personnels, rarement une campagne est tombée aussi bas, disent les politologues.

Les enjeux sont considérables. Israël sort d'une guerre au sud. Les tensions en font redouter une nouvelle au nord. Le pays de huit millions d'habitants s'inquiète de voir progresser le djihadisme et l'influence iranienne alentour. Les perspectives d'un règlement durable avec les Palestiniens sont lointaines.

À l'intérieur, Israël a connu une croissance de plus de 7 % de son PIB au 4e trimestre 2014 et le chômage était de 5,7 % en décembre. Mais ces chiffres cachent des disparités sociales parmi les plus grandes des pays développés.

Les inégalités et la cherté de la vie devraient peser davantage qu'une résolution du conflit israélo-palestinien le 17 mars, quand les électeurs devront décider de prolonger Benyamin Nétanyahou, premier ministre de droite depuis 2009, ou de le remplacer, disent les experts.

«Bottlegate»

Pourtant, les Israéliens passablement désabusés et rappelés aux urnes seulement deux ans après parce que M. Nétanyahou n'en pouvait plus des divisions de son cabinet ont davantage entendu parler pendant la campagne des frais de nettoyage et du goût prononcé pour les glaces à la pistache dans les résidences du premier ministre.

Une partie de la presse s'est déchaînée contre Mme Nétanyahou, Sara, soupçonnée d'avoir empoché l'argent de la consigne des bouteilles vides de la résidence de Jérusalem.

Malgré l'éventualité de poursuites, pas sûr que ces extravagances desservent M. Nétanyahou : «ça ne fait que jouer en sa faveur. L'électorat de droite et celui qui hésite perçoivent ça comme une vendetta de gauche» soutenue par les médias, dit Emmanuel Navon, professeur de relations internationales.

M. Netanyahu se délecte dans la parodie.

Dans une vidéo, il se met en scène en pleine discussion stratégique, quand un collaborateur vient l'informer d'un «nouveau scandale : il y a des escargots dans le jardin». Dans une autre, il ramène l'ordre dans un jardin d'enfants où une petite fille appelée Tzipi, du nom de l'une de ses adversaires Tzipi Livni, est spécialement agitée.

Dans une autre encore, il est la seule «bibisitter» (de son surnom, «Bibi») à qui un couple peut laisser les enfants en confiance.

Les sondages donnent le Likoud de M. Nétanyahou et l'Union sioniste constituée du Parti travailliste d'Isaac Herzog et du parti Hatnuah de Mme Livni au coude à coude avec près de 25 sièges. Mais, dans un système à la proportionnelle intégrale, c'est celui qui peut former une coalition et pas forcément celui qui a le plus de sièges qui prévaut.

«Besoin d'un homme fort»

M. Nétanyahou a un léger avantage, disent les politologues, sans exclure une surprise. Les scores des partis orthodoxes et du nouveau parti de centre droit de Moshe Khalon, dissident du Likoud, compteront beaucoup.

Dans la campagne, M. Herzog dit avoir été pressé de répondre à l'humour par l'humour. «Mais la vérité, c'est que la situation en Israël n'est pas drôle. Un enfant sur trois vivant sous le seuil de la pauvreté, ce n'est pas drôle. De jeunes couples vivant chez leurs parents, car ils ne peuvent pas se payer un appartement, ce n'est pas drôle non plus. Il y a encore quelques mois, tout un pays était dans les abris, et ça, ce n'est pas drôle du tout», dit-il en référence à la guerre de Gaza.

Denis Charbit, professeur de sciences politiques, voit là «le décalage entre une droite décomplexée qui met les gants de boxe et un adversaire qui pratique l'esquive et essaie de ne pas être trop présent sur le ring», de peur d'aliéner les électeurs de droite.

Avec les derniers évènements comme les accrochages à la frontière d'Israël, les attentats anti-juifs en Europe, les négociations sur le nucléaire iranien et même ses soucis domestiques, «c'est Nétanyahou qui définit l'agenda quotidien», dit l'expert.

Ils lui ont permis de dire qu'il s'était rendu à la marche contre le terrorisme à Paris en janvier en «représentant du peuple juif dans son entier». M. Charbit relève le manque apparent «de pugnacité de Herzog alors que tout le monde pense qu'Israël a besoin à sa tête d'un homme fort».