Les États-Unis, le Royaume-Uni et la France ont décidé de fermer leurs ambassades au Yémen face à l'aggravation de la crise, un départ précipité qui s'est soldé par la saisie de véhicules américains par la milice chiite des Houthis, au pouvoir à Sanaa.

Avant de partir brusquement et d'être évacués mercredi vers Washington, via Oman, diplomates et militaires américains ont consciencieusement détruit documents et équipements sensibles, ainsi que des armes lourdes, et ont abandonné des voitures à l'aéroport international yéménite, a annoncé le gouvernement américain.

Le Yémen, pays à majorité sunnite et allié des États-Unis dans la lutte contre Al-Qaïda, est plongé dans le chaos depuis la montée en puissance de la milice chiite des Houthis: celle-ci est entrée en septembre à Sanaa et s'est emparée fin janvier des bâtiments officiels, poussant à la démission les chefs de l'État et du gouvernement, assignés à résidence. Elle a ensuite annoncé la mise en place de nouvelles instances dirigeantes.

Mercredi soir à Sanaa, des dizaines de miliciens chiites en armes avaient pris position près de l'ambassade fermée des États-Unis dans l'est de la capitale, selon des habitants.

À l'aéroport international, le nouveau pouvoir s'est emparé de trois véhicules de l'ambassadeur américain Matthew Tueller et de ses collaborateurs, ainsi que de 25 véhicules de Marines chargés de la sécurité de la chancellerie, selon des sources aéroportuaires.

Depuis Washington, la porte-parole du département d'Etat Jennifer Psaki a dénoncé un acte «totalement inacceptable» et exigé le «respect des conventions internationales» en matière diplomatique et consulaire.

«Nous espérons revenir» au Yémen, a d'ailleurs souligné Mme Psaki, mais sans préciser quand.

Documents et armes détruits

La diplomatie américaine a aussi confirmé que des documents «confidentiels» et des équipements sensibles avaient été détruits, conformément aux «précautions» d'usage.

Le porte-parole du Pentagone, le colonel Steven Warren, a ajouté qu'avant d'évacuer l'ambassade les Marines «avaient détruit leurs armes lourdes et armes automatiques». Ce corps d'élite de l'armée américaine a lui aussi quitté le Yémen, non sans avoir cassé à coups de masse ses «armes personnelles», pistolets et fusils.

D'après un employé yéménite de la chancellerie, les Américains «ont détruit tout ce qu'ils ne pouvaient pas emporter», comme des ordinateurs et des véhicules qu'ils ont écrasés avec des grues.

Washington avait annoncé dans la nuit de mardi à mercredi la fermeture de son ambassade à Sanaa en raison de «la détérioration de la situation sécuritaire». Il avait aussi recommandé à ses ressortissants de «quitter le pays».

Ce retrait risque de compliquer la lutte que mènent les États-Unis contre Al-Qaïda, bien implanté au Yémen et ennemi des Houthis, en l'absence d'autorités yéménites reconnues internationalement.

Toutefois, d'après la Maison-Blanche, la lutte contre le réseau «terroriste», notamment sa puissante filiale yéménite Al-Qaïda dans la Péninsule arabique (Aqpa), va se poursuivre, grâce à des forces spéciales du «ministère (américain) de la Défense (qui resteront) sur le terrain au Yémen».

Du côté de la diplomatie, L'Iran chiite, accusé de soutenir les Houthis, a critiqué la décision «hâtive» de Washington de partir.

Le Royaume-Uni a fait de même, suspendant les opérations de son ambassade et évacuant ses diplomates. La France a conseillé à sa centaine de ressortissants de quitter le Yémen «dans les meilleurs délais» et annoncé la fermeture de son ambassade vendredi «jusqu'à nouvel ordre». L'Allemagne a «adapté les mesures de sécurité déjà élevées» autour de sa chancellerie.

Compte-rendu à l'ONU jeudi

Avant le départ des Occidentaux, le chef de la milice chiite Abdel Malek al-Houthi s'était pourtant voulu rassurant: «la situation sécuritaire est très stable» à Sanaa, avait-il déclaré mardi.

Des discussions sous l'égide de l'ONU, en vue d'une sortie de crise du pays, semblent piétiner. Une nouvelle réunion autour de l'émissaire onusien Jamal Benomar s'est tenue mercredi soir dans la capitale yéménite.

Les miliciens chiites veulent la dissolution du Parlement, qu'ils ont annoncée vendredi. Les partis politiques souhaitent au contraire conserver cette assemblée, dernière institution légitime à leurs yeux après la démission du président et du gouvernement.

M. Benomar doit faire un compte-rendu jeudi au Conseil de sécurité de l'ONU qui avait dénoncé le coup de force des Houthis.

Les miliciens, qui contrôlent aussi des provinces du nord, ont poursuivi leur offensive militaire dans le centre du pays où ils ont pris Baïda, un verrou du Sud réfractaire aux Houthis.

À Sanaa, quatre personnes ont été blessées lors de la dispersion par la milice chiite d'une manifestation hostile. D'autres rassemblements anti-Houthis se sont tenus à Aden (sud).

Le Yémen, pays pauvre de la péninsule arabique, est dans la tourmente depuis le soulèvement qui a abouti au départ en 2012 du président Ali Abdallah Saleh après 33 ans au pouvoir. Ce dernier, qui reste puissant, est soupçonné de soutenir les Houthis.