De violents affrontements ont éclaté lundi à Sanaa où la puissante milice chiite d'Ansaruallah s'est rapprochée du palais présidentiel pour renforcer son emprise sur la capitale yéménite.

Au moins neuf personnes ont été tuées et près de 67 personnes, dont des civils, ont été blessées, lundi dans la capitale du Yémen, a indiqué à l'AFP le vice-ministre de la Santé.

Après de longues heures de tensions et de combats, un cessez-le-feu a été décrété en fin de journée. L'arrêt des hostilités a ensuite été confirmé par des témoins.

Le cessez-le-feu a été annoncé peu après un appel de la Ligue arabe à «toutes les forces politiques» à mettre fin à «l'escalade malheureuse des violences au Yémen».

Les ambassades américaine et britannique à Sanaa avaient également exigé que les armes se taisent.

Un premier bilan de source médicale avait fait état d'au moins deux morts.

Le président Abd Rabbo Mansour Hadi n'a pas été directement menacé puisqu'il n'était pas présent au palais présidentiel, situé dans le sud de la capitale, autour duquel se sont concentrés les affrontements.

Le président, qui utilise rarement ce palais, a multiplié les consultations dans sa résidence, où il a négocié le cessez-le-feu avec un représentant d'Ansaruallah, selon des sources politiques.

Des miliciens chiites ont affirmé s'être emparés d'une colline stratégique située près du palais. «Nous contrôlons le Jebel Nahdine qui surplombe le palais présidentiel, et nous permettons aux gardes de la présidence de quitter leur position avec une arme personnelle», a affirmé Ali al-Bukhaiti, un responsable de la milice d'Ansaruallah.

Par ailleurs, des miliciens ont commencé à pilonner aux armes moyennes et lourdes un camp de la garde présidentielle situé au sud du palais, ont rapporté des témoins. Des renforts de miliciens ont aussi été vus faisant route vers le palais avec deux chars de combat.

Le convoi du premier ministre Khaled Bahah a essuyé des tirs de miliciens chiites après avoir participé à une réunion avec le président Hadi. M. Bahah en est sorti indemne, a indiqué la ministre de l'Information Nadia al-Sakkaf.

Ansaruallah veut un accès à la mer

Les capacités du pouvoir semblent de plus en plus restreintes, car la ministre de l'Information a annoncé que la télévision nationale et l'agence officielle Saba échappaient désormais au contrôle de l'autorité de l'État. Les miliciens chiites, appelés aussi houthis, «refusent de publier une quelconque déclaration du gouvernement», selon Mme al-Sakkaf.

La milice d'Ansaruallah semble ainsi chercher à renforcer son emprise à Sanaa où elle était entrée le 21 septembre et contrôlait jusqu'ici les principaux secteurs et bâtiments publics de la capitale.

Le regain de violences est intervenu deux jours après l'enlèvement par les miliciens chiites d'Ahmed Awad ben Moubarak, le chef de cabinet du président et l'un des architectes du projet de nouvelle Constitution.

M. ben Moubarak, qui a supervisé la rédaction de ce projet de Loi fondamentale, avait dirigé le processus de dialogue national lancé après le départ de l'ancien président Ali Abdallah Saleh en février 2012 après un an de soulèvement.

Les miliciens chiites, qui n'ont cessé de monter en puissance depuis leur entrée dans la capitale, s'opposent à ce texte qui prévoit un Yémen fédéral, composé de six régions.

Le découpage du pays les priverait en effet d'un accès à la mer, l'une de leurs principales quêtes depuis qu'ils ont quitté leur fief montagneux de Saada, dans le nord, pour conquérir de larges proportions du territoire yéménite.

Les civils, victimes collatérales

Les habitants de quartiers proches du palais présidentiel ont fui en masse après le début des affrontements.

Sanaa ressemblait à une ville morte lundi. L'impressionnant déploiement de miliciens sur les principaux axes a dissuadé les employés et les élèves de se rendre au travail et dans les écoles, a rapporté un correspondant de l'AFP.

La tension était palpable dans la capitale depuis samedi, date de l'enlèvement revendiqué par les miliciens chiites de M. ben Moubarak.

Région d'origine du chef de cabinet, la province sudiste de Chabwa a arrêté lundi sa production de pétrole, selon un responsable gouvernemental. Son gouverneur Ahmed Ali Belhaj a expliqué que cette décision visait à exprimer la solidarité avec M. ben Moubarak, originaire de Chabwa.

Dans la province voisine de Hadramout, les employés du champ pétrolier de Massila ont arrêté la production également par solidarité avec M. ben Moubarak, selon un responsable du secteur pétrolier.

Ces développements compliquent la tâche du président Hadi qui a déjà du mal à asseoir son autorité depuis que les miliciens chiites d'Ansaruallah sont entrés dans Sanaa.