La justice bahreïnie a inculpé lundi le chef de l'opposition chiite d'appel à la haine et à la violence pour changer le régime dirigé par la dynastie sunnite, sur fond d'appels à sa libération.

L'arrestation dimanche de cheikh Ali Salmane, secrétaire général du mouvement Al-Wefaq («L'entente»), a provoqué des heurts entre policiers et manifestants chiites qui se sont poursuivis lundi.

Le ministère public a indiqué que cheikh Salmane, 49 ans, demeurerait mardi en détention où se poursuivrait son interrogatoire.

Le leader chiite a été «inculpé d'incitation à un changement de régime par la force, des menaces et des moyens illégaux et d'insulte publique envers le ministère de l'Intérieur», a déclaré dans un communiqué le procureur Nayef Mahmoud.

Il a été également accusé d'avoir incité la population à violer la loi et à la «haine envers un segment de la population», a-t-il ajouté, dans une référence claire à la communauté sunnite, minoritaire dans le royaume.

Cheikh Salmane est également soupçonné d'avoir appelé à une ingérence étrangère «en exhortant des superpuissances à intervenir au Bahreïn pour le soutenir dans sa velléité de changer le régime», a-t-il dit.

Le procureur n'a pas précisé à quels pays il faisait allusion, mais les autorités bahreïnies accusent régulièrement l'Iran chiite de soutenir l'opposition, ce que Téhéran dément.

Les autorités n'ont pas révélé où était détenu cheikh Salmane, mais M. Mahmoud a indiqué que quatre avocats avaient été autorisés à le rencontrer lundi en privé et à assister à son interrogatoire.

Le Wefaq et quatre autres groupes d'opposition avaient averti plus tôt dans un texte conjoint que l'arrestation de cheikh Salmane constituait une «escalade» qui menace la «stabilité sociale» et la «paix civile».

Des manifestations sporadiques, émaillées d'incidents, ont lieu lundi soir dans des banlieues à majorité chiite de Manama, selon des témoins. Des heurts ont notamment éclaté entre policiers et manifestants près de la résidence de cheikh Salmane.

Arrestation «arbitraire»

«Toute escalade de la violence sera traitée par les autorités conformément à la loi», a pour sa part mis en garde le ministre de l'Information Isa Abdulrahman Al Hammadi, dans un entretien téléphonique avec l'AFP depuis Dubaï.

Des organisations locales et régionales de défense des droits de l'Homme ont également exigé la «libération immédiate et sans condition» de cheikh Salmane, détenu pour avoir exercé son «droit à la liberté d'expression», selon un communiqué.

Dénonçant dans un communiqué une arrestation «arbitraire», le mouvement chiite libanais Hezbollah a réclamé sa libération.

Proche allié des États-Unis et siège de la Ve flotte américaine, Bahreïn (1,3 million d'habitants) est secoué depuis février 2011 par un mouvement de contestation animé par la majorité chiite qui réclame une monarchie constitutionnelle.

La dynastie sunnite des Al-Khalifa a jusqu'ici réprimé d'une poigne de fer toutes les manifestations violentes. Un dialogue national, entamé en juillet 2011 et auquel a participé le Wefaq, n'a abouti à aucun résultat tangible. Des élections législatives, organisées en novembre, ont été boycottées par l'opposition.

Vendredi, à l'issue d'un Congrès général, le Wefaq a reconduit cheikh Salmane au poste de secrétaire général, qu'il occupe depuis 2006, pour un mandat de quatre ans.

Le même jour, une manifestation ayant rassemblé plusieurs milliers de chiites a été organisée près de Manama pour réclamer l'éviction du gouvernement et du Parlement, qualifiés «d'illégitimes».

Nabeel Rajab, directeur du Centre bahreïni des droits de l'Homme, a réagi à l'arrestation de l'opposant en affirmant que «le silence de la communauté internationale a contribué» au durcissement des autorités.

Face à la poursuite de la contestation, Bahreïn a alourdi les peines pour les auteurs de violences et introduit la peine capitale ou la prison à perpétuité en cas de morts ou de blessés.

Lundi, un tribunal de Manama a condamné deux chiites à la peine de mort et un troisième à la prison à vie pour avoir tué un policier. Neuf autres ont été condamnés à six ans de prison chacun pour leur implication dans l'explosion qui a tué le policier, a précisé l'agence officielle Bna.