Les grandes puissances et l'Iran ont poursuivi jeudi à Vienne une discussion aussi complexe que laborieuse, dans l'espoir d'enterrer enfin leurs désaccords sur le programme nucléaire de Téhéran.

Les diplomates de la République islamique et du «5+1» (Chine, États-Unis, France, Royaume-Uni, Russie et Allemagne) ont négocié une grande partie de la journée, au lendemain d'une rencontre à trois qui s'est prolongée tard mercredi soir entre le secrétaire d'État américain John Kerry, son homologue iranien Mohammad Javad Zarif et la représentante de l'UE Catherine Ashton.

La délégation iranienne a quitté Vienne en fin d'après-midi, laissant les «5+1» conclure seuls. Selon M. Zarif, la prochaine réunion associant John Kerry aura lieu dans trois semaines.

«Les efforts diplomatiques pour trouver une solution à la question du nucléaire iranien se trouvent maintenant dans une phase critique», a déclaré à la presse jeudi soir le porte-parole de Mme Ashton, Michael Mann.

«Nous faisons de gros efforts pour progresser et restons totalement décidés à trouver une solution complète d'ici le 24 novembre», a-t-il ajouté.

M. Mann a précisé que des experts allaient «à nouveau se rencontrer dans les prochains jours pour poursuivre le travail technique».

L'accord auquel tous aspirent serait historique. Il garantirait que le programme nucléaire iranien poursuit des objectifs exclusivement civils, en échange d'une levée des sanctions internationales qui pèsent sur la République islamique et son économie.

Ce faisant, il mettrait fin à un différend qui empoisonne les relations internationales depuis le début des années 2000, quand les grandes puissances, mais aussi Israël et les pays du Golfe notamment, ont commencé à soupçonner l'Iran de chercher en secret à se doter de l'arme atomique.

Les négociations intensives entamées en janvier ont permis des avancées.

L'Iran dit ainsi avoir commencé à modifier le réacteur à eau lourde d'Arak, près de Téhéran, pour y limiter la production de plutonium, l'un des ingrédients permettant de fabriquer une bombe nucléaire.

Un accord serait également à portée de main pour renforcer le rythme et la teneur des inspections menées en Iran par l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), une agence de l'ONU.

«On pourrait voir tout s'effondrer»

Plusieurs points importants restent toutefois en suspens, en particulier la capacité que l'Iran conserverait, après un accord, de produire de l'uranium enrichi, le matériau utilisé pour le nucléaire civil, mais aussi, à un taux plus élevé d'enrichissement, pour le nucléaire militaire.

Mohammad Javad Zarif a assuré jeudi aux médias iraniens que le dialogue entre les parties était désormais orienté vers «la recherche d'une solution, plutôt que sur l'examen minutieux des problèmes.»

Pour autant, confiait mercredi soir un haut responsable américain, «il n'y a d'accord sur rien tant qu'il n'y a pas d'accord sur tout. On pourrait voir tout s'effondrer faute d'entente sur 2% du dossier, même si on est d'accord sur les 98% restants».

«Ce sont des négociations incroyablement complexes, qui descendent à un niveau de détail extraordinaire», a rapporté cette source: «Des pages entières d'annexes sont attachées à la moindre ligne de chaque accord politique, parce que les détails sont absolument décisifs».

Les parties s'étaient donné jusqu'au 20 juillet pour aboutir, avant de s'octroyer un délai supplémentaire jusqu'au 24 novembre.

À l'approche de cette date butoir, l'Iran a suggéré qu'une nouvelle prolongation pourrait être nécessaire, avant que M. Zarif ne change d'avis jeudi.

«Il reste 40 jours avant la fin du délai et aucun des négociateurs ne pense qu'une prolongation est opportune, nous partageons cette opinion (...) ce n'est même pas la peine d'y penser», a déclaré le ministre cité par la télévision d'État iranienne.

«Prendre des décisions difficiles»

La diplomatie américaine ne veut pas non plus parler d'extension «pour le moment». «Les dates limites aident à prendre des décisions difficiles, et nous avons justement des décisions difficiles à prendre», plaide Washington.

Pour l'Iran, un accord rapide signifierait l'espoir d'une reprise économique.

Quant au président américain Barack Obama, il espère d'autant plus aboutir rapidement à un accord qu'il pourrait avoir à composer, après les élections parlementaires américaines du 4 novembre, avec un Sénat passé dans l'opposition, et plus sceptique sur l'intérêt de traiter avec l'Iran.

Un nombre croissant d'analystes doute pourtant que le délai du 24 novembre puisse être tenu. Selon eux, les discussions pourront continuer au prix d'un accord «intérimaire» prenant acte des premiers progrès.