Sept partisans de la rébellion chiite ont été tués par balles mardi à Sanaa lors d'une tentative de prise d'assaut du siège du gouvernement, laissant craindre une aggravation de la crise qui paralyse la capitale yéménite depuis la mi-août.

Ce regain de violences intervient au lendemain d'un appel du chef de la rébellion, Abdel Malek al-Houthi, à la poursuite de la contestation contre le pouvoir.

Le Yémen, engagé dans une difficile transition politique depuis le départ en 2012 de l'ancien président Ali Abdallah Saleh, est «à la croisée des chemins, la plus dangereuse depuis 2011», date du début de la contestation dans la foulée du Printemps arabe, a prévenu l'International Crisis Group (ICG) dans un rapport.

La rébellion chiite d'Ansaruallah, dont des milliers de partisans campent dans et autour de la capitale pour réclamer l'éviction du gouvernement accusé de corruption, a organisé mardi une marche entre la Place du Changement, épicentre de la contestation depuis 2011, et le siège du gouvernement.

Les forces antiémeutes ont fait usage de gaz lacrymogène et de canons à eau, puis ont tiré à balles réelles pour empêcher des centaines de manifestants d'atteindre les bureaux du gouvernement, selon des témoins.

«Sept manifestants ont été tués et des dizaines d'autres ont été blessés», a déclaré à l'AFP Khaled Madani, responsable du comité d'organisation de la manifestation.

Une source du ministère de l'Intérieur, citée par l'agence officielle Saba, a confirmé l'intervention des forces de sécurité et prévenu Ansaruallah que l'État prendrait les mesures «constitutionnelles et légales pour préserver la sécurité et défendre les établissements publics».

Les protestataires ont également tenté en vain de prendre le siège de la radio publique à Sanaa, a indiqué en soirée la haute commission chargée de la sécurité.

Citée par l'agence Saba, la commission a déploré «des victimes parmi les gardes» du siège, touchés par des tirs provenant de la manifestation, sans donner de bilan précis.

Un chauffeur d'ambulance a par ailleurs été tué par balles lors des heurts, a indiqué le ministère de la Santé.

Les protestataires, qui campent notamment près du ministère de l'Intérieur, avaient déjà réussi à prendre le contrôle des accès aux ministères de l'Électricité et des Télécommunications, empêchant depuis deux jours les fonctionnaires de se rendre sur leur lieu de travail.

Des accrochages entre l'armée et les rebelles chiites ont éclaté dans l'après-midi à Hiziaz, à l'entrée sud de Sanaa, lorsque des militaires ont interdit l'entrée dans la capitale de véhicules chargés d'armes, a-t-on appris de source sécuritaire.

«Un officier de l'armée a été blessé dans l'affrontement», a ajouté la source, indiquant que des renforts militaires avaient été acheminés dans le secteur pour protéger une centrale électrique qui dessert la capitale.

Au lendemain du limogeage du commandant des forces spéciales, les autorités ont annoncé mardi l'éviction du chef de la police de Sanaa, sans en préciser les raisons.

«Poursuivre l'escalade»

Dans un discours télévisé lundi soir, Abdel Malek al-Houthi a déclaré «poursuivre l'escalade» et mis en garde les autorités contre tout recours à la force.

Il a ajouté que «les négociations se poursuivront» avec le pouvoir, alors que son mouvement avait jugé insuffisantes de récentes concessions du président Abd Rabbo Mansour Hadi sur la nomination d'un nouveau Premier ministre et la révision à la baisse des prix du carburant.

Ces concessions sont au centre des revendications de la rébellion pour justifier l'intensification de la contestation depuis le 18 août.

«Alors que les ambitions des Houthis ne sont pas claires, les manifestations font partie d'un processus de négociations par lequel le mouvement espère devenir une force dominante dans le nord et plus puissante sur le plan national», note l'ICG dans son rapport.

Les rebelles houthis d'Ansaruallah sont soupçonnés de vouloir élargir leur zone d'influence dans le futur État fédéral qui doit compter six provinces. Les chiites sont majoritaires dans le nord, alors qu'à l'échelle nationale les sunnites sont prédominants.

L'ICG estime que le président Hadi «devrait prendre des mesures supplémentaires pour s'assurer que les services de sécurité n'aggravent pas inutilement une situation déjà explosive».

«Les Houthis doivent collaborer aussi», ajoute le rapport, rappelant que leurs détracteurs leur ont prêté l'intention d'«établir une théocratie d'inspiration iranienne pour fonder un État dans l'État».

«Désormais, ils devront prouver le contraire en traitant d'une manière constructive l'offre du président», ajoute l'ICG, qui prévient: «l'alternative est un conflit dans lequel aucun groupe ne sortira vainqueur et le Yémen sera perdant».

Trois soldats tués dans un attentat suicide

Trois soldats ont été tués mardi dans le sud-est du Yémen lorsqu'un kamikaze a fait exploser sa voiture piégée contre leur point de contrôle après l'échec d'un premier attentat à la voiture piégée, selon une source militaire.

Dans un accrochage qui a suivi l'attentat près de Qatan, une ville de la province de Hadramout, quatre insurgés d'Al-Qaïda ont été tués, a ajouté la même source.

Cette source a précisé qu'un hélicoptère avait d'abord tiré un missile contre une voiture piégée, la détruisant à 500 mètres du point de contrôle vers lequel elle fonçait.

Mais un deuxième kamikaze au volant d'une voiture piégée a ensuite réussi à forcer son chemin jusqu'au point de contrôle où il s'est fait exploser tuant les trois soldats, a-t-on expliqué de même source.