Un nouveau coup de théâtre a marqué la présidentielle afghane mardi avec l'ultimatum du candidat Abdullah Abdullah qui menace de se retirer de la course, un geste qui pourrait compromettre la légitimité de la première transition démocratique du pays.

Cette annonce-choc intervient à une semaine de l'investiture prévue du successeur du président Hamid Karzaï, qui ne pouvait briguer un troisième mandat aux termes de la Constitution.

L'équipe de M. Abdullah a menacé mardi de se retirer du processus électoral si ses demandes concernant l'invalidation des votes n'étaient pas acceptées.

«Nous sommes finalement parvenus à la conclusion qu'ils (les membres de la commission électorale) ne nous écouteront pas», a déclaré un porte-parole de M. Abdullah, Fazel Ahmad Manawi, avant de lancer un ultimatum.

«S'ils acceptent nos demandes d'ici à demain nous poursuivrons le processus, sinon nous allons nous retirer et le considérer comme terminé».

La Commission électorale indépendante (IEC) a entamé lundi le processus d'élimination des bulletins de vote frauduleux de la présidentielle, plus d'un mois après le début de l'audit des 8,1 millions de voix du deuxième tour du 14 juin.

L'objectif est de départager hors de tout doute les candidats rivaux Abdullah Abdullah et Ashraf Ghani, et ainsi asseoir la légitimité du futur président appelé à mener le pays après le retrait des forces de l'OTAN, d'ici à la fin de l'année.

«Les critères que nous avions exigés pour l'invalidation n'ont pas été retenus», s'est plaint M. Manawi. «Les bureaux de vote dont nous avons demandé l'invalidation n'ont pas été pris en compte».

En outre, M. Manawi a qualifié de «plaisanterie» le processus d'invalidation retenu, assurant notamment que sur 72 urnes invalidées lundi, 43 étaient vides. Au total, le deuxième tour comptait environ 23 000 urnes.

Mais cette menace du camp Abdullah est «irresponsable» a répondu Tahir Zaheer, un porte-parole d'Ashraf Ghani.

«Une fois les critères établis, ils ne peuvent pas être changés, c'est contraire à la loi», a-t-il ajouté en précisant que les deux candidats allaient se rencontrer mardi soir avec le président Karzaï pour discuter de l'élection.

Risques d'instabilité

Selon Abdul Waheed Wafa, spécialiste de la politique afghane à l'Université de Kaboul, «le principal défi commence maintenant avec l'invalidation des votes et les deux ou trois jours qui suivent vont être cruciaux».

«La menace est sérieuse», précise l'analyste en ajoutant que la stratégie de l'équipe de M. Abdullah, arrivé en deuxième place selon les résultats préliminaires, est de faire invalider le plus de votes possibles.

Ce nouveau coup de théâtre pourrait retarder la désignation du nouveau président afghan. Or, toute instabilité politique est potentiellement dangereuse pour le fragile État en place depuis la chute des talibans en 2001.

Si la date butoir, fixée au 2 septembre par le président Karzaï, est respectée, cela permettra toutefois au nouveau chef d'État d'être investi à temps pour le sommet de l'OTAN qui aura lieu au Pays de Galles les 4 et 5 septembre.

Mais les menaces du camp Abdullah, qui s'était pourtant engagé à accepter les résultats de l'audit, pourraient en décider autrement.

Au lendemain du second tour, il avait dénoncé des fraudes massives exacerbant ainsi les tensions entre Tadjiks, qui lui sont favorables, et Pachtounes, qui soutiennent M. Ghani, ce qui avait ravivé le spectre de la guerre civile des années 1990.

Et les observateurs craignaient que les insurgés talibans ne profitent de ce flottement pour gagner du terrain.

Afin d'écarter les risques d'instabilité, les deux candidats avaient pourtant signé début août, sous l'égide du secrétaire d'État américain John Kerry, un accord pour un gouvernement d'union nationale, quel que soit le vainqueur de la présidentielle.

Mais les modalités précises de ce gouvernement demeurent encore inconnues et sujettes à de profonds désaccords.