Le vaste audit des votes du 2e tour de la présidentielle afghane, destiné à sauver la première transition démocratique du pays, a débuté jeudi à Kaboul peu après une attaque des talibans contre l'aéroport de la capitale.

L'assaut des rebelles, qui avaient pris position avant l'aube dans un bâtiment en construction jouxtant l'aéroport, s'est terminé dans la matinée par la mort des quatre assaillants.

Ces derniers avaient ouvert le feu avec des armes automatiques et des lance-roquettes sur des installations de l'aéroport.

Ils ont tous été tués après un siège de plus de quatre heures au cours duquel au moins un assaillant a déclenché sa veste bourrée d'explosifs lorsque les forces afghanes se sont approchées de lui, selon des responsables locaux.

«En sortant de la mosquée après la prière du matin, nous avons entendu une grosse explosion, puis de nombreux coups de feu lorsque nous nous sommes approchés», a raconté à l'AFP un témoin, Mohammad Sana.

Peu après la fin de l'attaque, l'actualité politique a repris ses droits avec le début de l'audit inédit de l'ensemble des 8,1 millions de suffrages du deuxième tour de la présidentielle du 14 juin.

L'opération, organisée au siège de la commission électorale indépendante (IEC) à Kaboul, doit départager les deux candidats Abdullah Abdullah et Ashraf Ghani, sur fond de soupçons de fraude et sous le regard de dizaines d'observateurs étrangers et nationaux.

L'audit, décidé en accord avec les deux rivaux, devrait durer «deux à trois semaines» a indiqué le président de l'IEC, Ahmad Yousuf Nuristani, lors d'une conférence de presse tenue avant son lancement.

«Nous envisageons de former une centaine d'équipes pour cet audit», a dit M. Nuristani. L'audit a toutefois commencé avec une trentaine d'équipes seulement.

Après ce travail fastidieux d'analyse des bulletins de vote urne par urne, les candidats auront 24 heures pour formuler leurs plaintes, qui devront être traitées en 48 heures par la commission des plaintes (ECC).

«J'espère que les deux candidats accepteront les résultats cette fois-ci après l'audit général», a ajouté M. Nuristani en précisant que tous les observateurs étrangers n'étaient pas encore arrivés.

Audit crucial

Au lendemain de l'annonce des résultats préliminaires du second tour, M. Abdullah avait refusé de reconnaître l'avance donnée à son adversaire Ashraf Ghani, crédité de 56,4 % des voix.

En acceptant l'audit le weekend dernier, lors de négociations parrainées par le secrétaire d'État américain John Kerry, M. Abdullah avait effectué son retour dans le processus électoral.

«Nos observateurs et représentants assistent à l'opération d'inspection», a-t-il confirmé jeudi lors d'une conférence de presse.

Les rebelles talibans, qui dénoncent ce scrutin, qu'ils estiment orchestré par l'Occident, ont revendiqué l'attaque de jeudi à l'aéroport de Kaboul.

Dans la matinée, des hélicoptères de la force de l'OTAN en Afghanistan (ISAF) et de l'armée afghane ont survolé la zone, tandis que des panaches de fumée étaient visibles sur les lieux des combats.

Selon les autorités, seul un soldat afghan a été blessé au cours de l'assaut.

Les forces de police et l'armée, soutenues par l'ISAF, avaient rapidement «encerclé» le bâtiment d'où sont partis les tirs, avait dit à l'AFP le général Salangi jeudi matin.

Selon un autre responsable afghan, les vols à l'aéroport ont été suspendus, mais aucun avion n'a été touché par les tirs.

La zone ultra-sécurisée de l'aéroport de Kaboul avait déjà été la cible d'attaques récemment de la part des insurgés.

Le 3 juillet, trois roquettes avaient été tirées sur des installations de l'aéroport sans faire de victimes. Mais plusieurs hélicoptères, dont celui du président Hamid Karzaï, avaient été endommagés.

En outre, l'attaque de jeudi matin contre l'aéroport, situé au nord de la capitale afghane, intervient au surlendemain d'un attentat-suicide qui a fait une quarantaine de morts sur un marché de l'est du pays, une zone reculée en lisière de la frontière pakistanaise.

Ce climat de violences entoure une période électorale particulièrement délicate pour l'Afghanistan, l'audit entamé jeudi étant crucial pour l'issue du scrutin et la légitimité du futur président afghan.

Le bras de fer entre MM. Abdullah et Ghani fait craindre un regain de tension entre les partisans des deux hommes. M. Ghani, un Pachtoune, est soutenu par cette ethnie majoritaire dans le Sud, tandis que M. Abdullah, malgré un père pachtoune, est soutenu principalement par les Tadjiks du Nord.

Un tel scénario évoque les pires heures de la guerre civile afghane (1992-1996) qui ont précédé l'arrivée au pouvoir des talibans.

Aucune date n'a été fixée pour l'investiture du nouveau président, qui devait initialement avoir lieu le 2 août, mais a été retardée le temps de l'audit des votes.