Malgré le conflit qui ne cesse de s'envenimer, Benyamin Nétanyahou et le Hamas ont rejeté d'un revers de main des appels au calme, vendredi. Si le premier ministre d'Israël a affirmé qu'«aucune pression internationale n'empêcherait [son pays] d'agir avec toute sa puissance», le Hamas, pour sa part, a fait la sourde oreille aux demandes du président de la Palestine, Mahmoud Abbas. Résultat: le bilan des morts a franchi le cap des 110 vendredi du côté palestinien et une première victime israélienne a été fauchée par une roquette du Hamas. Y a-t-il le moindre espoir pour la paix? Le politologue Rex Brynen, expert du Moyen-Orient à l'Université McGill, répond aux questions de La Presse.

On a passé le cap des 110 morts en cinq jours du côté palestinien après quatre jours d'offensive aérienne israélienne. Les Nations unies sonnent l'alarme. Malgré des discussions avec les États-Unis et l'Europe, Nétanyahou dit qu'aucune pression internationale ne freinera l'offensive israélienne. Bluffe-t-il?

La pression internationale a toujours un certain effet sur Israël. Ça fait partie des nombreux facteurs que Nétanyahou doit prendre en compte dans ses calculs. À ce point, cependant, même si certains demandent à Nétanyahou de faire preuve de retenue, une large part de la communauté internationale croit qu'Israël peut répondre aux tirs de roquettes par une intervention militaire.

Le secrétaire des Nations unies, Ban Ki-Moon, craint qu'Israël lance une opération terrestre à Gaza, rappelant que la dernière a fait des centaines de morts. Vendredi, alors que les roquettes du Hamas faisaient une première victime israélienne, Israël a rappelé 33 000 réservistes en renfort. Une intervention terrestre est-elle imminente?

Il est vraiment possible qu'Israël lance une opération terrestre, notamment s'il n'y a pas une accalmie dans le tir de roquettes en provenance de la bande de Gaza ou si une de ces roquettes cause de nombreuses pertes humaines. Selon moi, Nétanyahou préférerait déclarer victoire après l'actuelle campagne aérienne. Une opération terrestre comporte plus de risques, notamment pour la vie des soldats israéliens, mais aussi pour les civils. Je ne pense pas qu'il veuille prendre ce genre de risque.

Le président palestinien, tout comme la communauté internationale, demande au Hamas de cesser le tir de roquettes. Est-ce que quoi que ce soit pourrait convaincre le groupe islamiste de changer de cap?

Je ne pense pas que le Hamas veuille que le conflit s'envenime davantage. Ils pensent que leurs tirs de roquettes sont une réponse adéquate à l'opération israélienne. Je pense que les deux parties aimeraient retourner à l'entente conclue en 2012, mais elles veulent toutes les deux déclarer victoire. Dans des cas comme celui-ci, il y a toujours un perdant. C'est difficile de trouver un entre-deux. Le mieux qui pourrait arriver serait une entente de médiation où les deux pourraient dire qu'ils ont remporté quelque chose.

Qui pourrait être le meilleur médiateur d'une telle entente?

Les États-Unis ont offert d'être les médiateurs. C'est un peu surprenant. D'autant plus qu'ils ne parlent pas au Hamas (qu'ils qualifient de «groupe terroriste»). Il y a aussi les Égyptiens et les Turcs. Le Hamas ne fait pas confiance aux Égyptiens (qui ont durement réprimé les Frères musulmans) et les Israéliens ne font pas complètement confiance aux Turcs (depuis des démêlés avec le premier ministre Erdogan).

Le Conseil de sécurité des Nations unies peut-il faire quoi que ce soit?

Non, mis à part répéter ce que Ban Ki-moon a déjà dit - qu'il faut faire preuve de retenue, ne pas impliquer les civils -, le Conseil de sécurité ne peut pas faire grand-chose.

Vendredi, des roquettes ont été lancées à partir du Liban. Faut-il craindre une régionalisation du conflit?

C'est probablement un petit groupe qui a fait ça. Le Hezbollah, qui est déjà occupé en Syrie et en Irak, n'a pas envie d'entrer dans un nouveau conflit avec Israël.

Y a-t-il une chance que l'escalade cesse bientôt ou devons-nous nous attendre à des hostilités qui durent des semaines?

L'opération Plomb durci en 2008 avait duré 22 jours. Les hostilités peuvent durer des semaines, surtout s'il y a une opération terrestre d'Israël dans la bande de Gaza. Ça peut durer aussi quelques jours s'ils réussissent à retourner à l'entente de 2012 ou en conclure une autre, plus ambitieuse.